Max Emanuel Cencic quant à lui a souvent eu l'occasion de se frotter sur scène au compositeur, un exemple récent est le Faramondo (Fasolis, déjà) donné entre autres à Lausanne et publié chez Virgin. On compte aussi plusieurs Sesto (Giulio Cesare), et même Serse à l'époque où il était encore sopraniste (1). En fait - Cencic le confie ouvertement dans la présentation du disque - la plus longue des pratiques, en regard d'un génie de cet ampleur, ne parviendra jamais à neutraliser l'humilité qu'on ressent au moment de lui dédier un album-portrait. Cela peut expliquer une parution somme toute assez tardive, car ce jeune homme de trente-trois ans à la riche discographie excipe d'une carrière de déjà... vingt années.
Un autre point appelle des précisions, c'est le qualificatif de "mezzo soprano": ni plus ni moins le titre du recueil. Que les labels des tessitures de femmes (du contralto au soprano) doivent s'appliquer aux hommes falsettistes évoluant dans les mêmes hauteurs, voilà qui semble logique. Rappelons toutefois que le terme lui-même de mezzo n'existait pas du temps de Haendel, il n'est apparu qu'à l'époque du premier Verdi ! Si l'on ajoute à cela que les airs retenus sur le CD - à la différence de ceux proposés au concert - ont été écrits au long du parcours créateur de Haendel pour QUATRE castrats aux tessitures identifiées comme distinctes (2), sans parler de la cantatrice Margherita Durastanti, force est d'admettre que la clarté typologique n'est pas le point fort du projet. En revanche, ces aspects musicologiques une fois mis de côté, il n'est pas besoin d'attendre de longues minutes pour succomber à l'intérêt musical !
Dès la première plage, "Sorge nell'anima mia" (Imeneo), à la pulsation irrésistible, toutes les cartes maîtresses du Cencic nouveau sont abattues : la vélocité est sidérante, grâce à une maîtrise du souffle parfaite et à une coloratura jamais prise en défaut. Mais tout n'est pas qu'affaire de virtuosité, surtout chez Haendel ! La rare beauté du timbre, rond et homogène sur toute l'étendue, procure un plaisir qu'accentuent encore la richesse et l'ampleur des graves, pour le coup exceptionnels dans cette catégorie de chanteurs. De surcroît, le Croate porte une telle attention au texte, et dans le cas présent fait preuve d'une telle énergie, que loin de tout hédonisme ce travail garde une intensité théâtrale ô combien précieuse.
Dès la première plage, "Sorge nell'anima mia" (Imeneo), à la pulsation irrésistible, toutes les cartes maîtresses du Cencic nouveau sont abattues : la vélocité est sidérante, grâce à une maîtrise du souffle parfaite et à une coloratura jamais prise en défaut. Mais tout n'est pas qu'affaire de virtuosité, surtout chez Haendel ! La rare beauté du timbre, rond et homogène sur toute l'étendue, procure un plaisir qu'accentuent encore la richesse et l'ampleur des graves, pour le coup exceptionnels dans cette catégorie de chanteurs. De surcroît, le Croate porte une telle attention au texte, et dans le cas présent fait preuve d'une telle énergie, que loin de tout hédonisme ce travail garde une intensité théâtrale ô combien précieuse.
La suite du programme est d'une veine identique : on n'y trouve pas même de quoi pinailler, tant cette galerie de portraits est aussi aboutie que variée. D'autres arie di bravura mettent bien sûr en évidence les qualités précitées, tel le "Qual leon" d'Arianna, au paragone formidablement exacerbé, ou encore un Serse ("Se bramate") à la velléité jubilatoire. Jubilatoire, la sérénade de circonstance Parnasso in festa l'est par nature, et ses deux extraits avec intervention du choeur - à notre connaissance une première au disque (3) - offrent à Cencic un écrin héroïco-pastoral (hérité du vivaldien Dorilla in Tempe ?) propre à valoriser son élégance innée.
C'est encore dans le cadre plus intimiste, et donc plus exigeant, de l'air de déploration ou de confidence amoureuses, que le contre-ténor fait valoir son meilleur. Du "Verdi allori" (Orlando), véritable premier jet du "Verdi prati" d'Alcina, il colore chaque contour mélodique du lyrisme le plus chaste et le plus tendre, cependant que le balancement épuré de Floridante ("Alma mia") profite d'un épanchement richissime de nuances, et savamment dosé. Que dire enfin des afflictions de "Penna tiranna" (Amadigi) et "Ombra cara" (Radamisto), si ce n'est qu'elles font preuve d'une justesse de ton superlative, bien au-delà des larmes de composition.
Diego Fasolis (ci-contre) et ses Barocchisti sont comme à l'accoutumée davantage que des faire-valoir. Le chef helvète a mieux fait qu'assimiler la ductilité prônée par plusieurs générations de "baroqueux" : ses tempi sont plutôt rapides, ses attaques précises, déliées sans être anguleuses. Surtout, la délicatesse de ses vents épouse à ravir la variété expressive de Cencic, avec qui il est manifestement en totale symbiose ; louons particulièrement de ce point de vue le couple hautbois-basson, exemplaire dans Amadigi. Les interventions du Coro della Radiotelevisione svizzera dans le Parnasso n'appellent que des éloges ; dommage que la prise de son les tasse dans un second plan trop compact.
De comparables vertus ont été prodiguées lors du concert du 24 mars à la Salle Gaveau, avec de nombreux intermèdes instrumentaux, dont une ouverture de Serse digne des annales. Les festivités vocales n'étaient toutefois pas identiques, la thématique portant sur les airs écrits pour Caffarelli, ce qui nous a valu un festival Faramondo : quatre extraits, prélude et bis compris ! "Rival ti sono" n'est peut-être pas du plus exaltant Haendel, mais "Se ben mi lusinga" et "Voglio che sia l'indegno" permettent au chanteur de mettre en avant autant de faconde que de gradation psychologique, servies par une projection idéale. Et s'il a été moins souverain qu'au studio en Serse ou Radamisto, l'artiste a su sortir le grand jeu ailleurs (Orlando et Imeneo, par exemple), ce que l'assistance a largement acclamé. Ainsi se scelle l'entrée dans le Gotha haendélien de Max Emanuel Cencic. Nul doute que ces anthologies enchanteresses le consacrent, au surplus, comme le plus doué des contre-ténors en activité.
(1) Sopraniste depuis l'enfance, Max Emanuel Cencic a appartenu aux Petits Chanteurs de Vienne. En 2001, il est devenu contre-ténor après s'être retiré pour travailler sa voix.
(2) Senesino, Caffarelli, Carestini et Andreoni. Senesino diposait d'une tessiture particulièrement grave, ce que l'on reconnaît aisément dans le rôle-titre de Giulio Cesare.
(3) Une première sous forme d'extraits ! Pour ce qui est de l'intégrale, il y a ceci : http://www.musicalcriticism.com/recordings/cd-parnasso-1008.shtml
- Le site officiel de Max Emanuel Cencic : www.cencic.net
- Le dossier Cencic de référence est sur Alma Oppressa : http://licida.over-blog.com/article-20542414-6.html
- Un entretien de Mehdi Mahdavi avec Max Emanuel Cencic, remontant à décembre 2006 : http://www.altamusica.com/entretiens/document.php?action=MoreDocument&DocRef=3261&DossierRef=2900
Max Emanuel Cencic : Handel Mezzo Soprano Opera Arias • airs extraits des opéras Imeneo, Floridante, Arianna, Tamerlano, Serse, Amadigi, Agrippina, Radamisto, Orlando et de la sérénade Parnasso in festa • I Barocchisti, Coro della Radiotelevisione svizzera, direction : Diego Fasolis • 1 CD Virgin Classics n° 5099969457401
24 mars 2010 - Paris, Salle Gaveau • Airs de Haendel pour le castrat Caffarelli • ouvertures et airs extraits de Faramondo, Tamerlano, Orlando, Serse, Radmisto, Imeneo, Agrippina ; Sonate et Concerto V HWV 399 • Max Emmanuel Cencic, mezzo soprano • I Barocchisti, direction : Diego Fasolis
❛Crédits iconographiques : disque Virgin Classics - Diego Fasolis, www.bach-cantatas.com - Vidéo promotionnelle Virgin - La plupart des liens YouTube sont dus au portail de CaroSaxone❜