Affichage des articles dont le libellé est Crossley Mercer. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Crossley Mercer. Afficher tous les articles

vendredi 23 août 2013

❛Concert❜ Christophe ROUSSET, Les Talens Lyriques, Chœur de Chambre de NAMUR • Presque parfait Amadis de Jean-Baptiste LULLY à l'Opéra Royal de Versailles !

Cyril AUVITY (Amadis) - © d'après Château de Versailles Spectacles
Je le mentionnais, il y a encore peu, lors d'une belle production d'Atys en version "de chambre" à l'Orangerie de la jolie ville de MEUDON, le statut de Jean-Baptiste LULLY (1632-1687) s'est considérablement démocratisé en trois décennies. Très précisément ! 1983 est la date de publication, huit ans après l'Alceste pionnière de Jean-Claude MALGOIRE (CBS/Sony), de l'Armide "franc-tireur" de Philippe HERREWEGHE, chez Erato (remise sur le métier, Harmonia Mundi 1992). Démocratisation n'est pas banalisation, non seulement parce que la plus haute exigence musicale, après des débuts parfois erratiques, est de plus en plus souvent au rendez-vous. Mais aussi, parce que - n'en déplaise à d'aucuns - dans les Tragédies en musique désormais les mieux connues, des voiles nouveaux ne cessent d'être soulevés par des artistes de trempe.

Le frontispice de l'édition originale
Derrière William CHRISTIE, instigateur de l'Atys triomphal que l'on sait (1986, repris en 1989, 1992 et 2011) et Hugo REYNE, auteur d'une endurante série lyrique publiée chez Accord puis "Musique à la Chabotterie", LULLY vient de se trouver en Christophe ROUSSET et ses TALENS LYRIQUES (nos chef et ensemble de l'année 2012, photo de groupe plus bas) de nouveaux serial collectors dotés d'armes de séduction massive. Ainsi, à la suite de séduisants RolandPerséeBellérophon... puis d'un Phaéton sensationnel dont la sortie discographique est guettée sans patience, voici que l'Amadis, d'un an postérieur, s'invite à la table de l'Aixois ; l'Opéra de VERSAILLES précédant dans cet exercice les Hospices de BEAUNE.

Amadis, créé le 18 janvier 1684 à l'Académie Royale de Musique, paraphe le premier volet de la "trilogie chevaleresque" due au Florentin et à son librettiste Philippe QUINAULT. Lui succéderont, en 1685 Roland et en 1686 Armide, leur ultime collaboration. La pièce est empruntée à un certain Nicholas D'HERBERAY DES ESSARTS, qui l'a lui-même tirée du roman héroïque à grand succès publié en 1508 par le Castillan Garcí RODRIGUEZ DE MONTALVO. La postérité verra naître d'autres Amadis à l'opéra, celui (en italien) de G.-F. HÄNDEL (1715), celui de  J. MASSENET (posthume, 1922) - et surtout en 1779, (très) adapté du même QUINAULT, celui de J.-C. BACH... que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder lors de sa résurrection à Versailles et à l'Opéra Comique, et sur la version discographique duquel je compte aussi revenir.

Ingrid PERRUCHE (Arcabonne) - © Éric Manas, site de l'artiste
Non seulement Amadis tourne le dos à la mythologie, jusque là quasi obligatoire, mais encore - particularité intéressante, partagée avec la seule Psyché de 1678 - le Prologue y convoque un protagoniste que l'on retrouve ultérieurement dans la pièce (en l'occurrence, la bonne fée Urgande). L'orchestre, très étoffé, revendique une part de plus en plus somptueuse, anticipant clairement sur les opéras de l'avenir, ceux par exemple d'André CAMPRA et de Jean-Philippe RAMEAU. Manichéen au dernier point, l'argument narre, sans la moindre concision, l'échec des noires machinations d'un couple de "sorciers", Arcalaüs et Arcabonne, à l'encontre d'amants valeureux, Amadis et Oriane. Comme dans la Zauberflöte de Mozart, un couple de rang inférieur, Florestan et Corisande, se voit autorisé à goûter à la félicité finale ; et comme dans les futurs Euryanthe et Lohengrin (WEBER, WAGNER), les méchants opèrent à deux. Enfin, ces derniers défaits et balayés, une Chaconne absolument monumentale, d'une splendeur nonpareille, conclut en apothéose.

Tout cela est bel et bon, mais suffit-il à faire d'Amadis un chef d'œuvre "total" ? À mon sens, non. En défaut, ni les vers, ficelés avec l'efficacité habituelle de QUINAULT, ni la musique de LULLY, d'une veine mélodique allant crescendo. Ce qui laisse circonspect, à tout le moins le spectateur moderne, à l'aune d'une œuvre aussi longue, c'est le statisme initial du livret. Qu'un Prologue paraisse figé, passe, c'est un peu dans la nature des choses. Mais l'Acte I ! Certes, l'exposition des vicissitudes sentimentales par le jeu des confidences ("je l'aime, mais m'aime-t-elle ?", etc) a quelque chose de la figure obligée ; toutefois ici, elle est très verbeuse, délayée même, et la partition, entre habile soutien et paraphrase alanguie, s'en ressent. Dans les faits, le choc musical et théâtral - de première grandeur, cette fois - apparaît avec l'Acte II et l'entrée en lice d'Arcabonne (Amour que veux-tu de moi, aux accents pré-ramistes). Rien de tel qu'une personnalité maléfique pour lancer un drame.

Les Talens Lyriques - © d'après le site de l'ensemble
Dès lors, les délices s'enchaînent, en corne d'abondance : airs et duos, scènes de bergers, plaintes de captifs et menaces de geôliers, retournements de situation, saillies du petit ou du grand Chœur... rien n'est trop beau, semble-t-il, pour un compositeur et un librettiste très en veine. Au milieu d'autres sortilèges, quel moment fabuleux au III, entrelardé d'harmonies troublantes, que la harangue spectrale d'Ardan-Canile, frère d'Arcabonne occis autrefois par Amadis - là encore, filon opératique appelé à une forte postérité ! Le merveilleux baroque fonctionne ainsi à fond jusqu'au terme - allant même jusqu'à croître à mesure, ce qui est un exploit, compte tenu de rebondissements oiseux et d'un dénouement lénifiant.

Les airs d'Amadis sont d'une qualité considérable : il n'est pas de protagoniste important qui ne dispose d'au moins un de ces épanchements irrésistibles, par exemple Bois épais d'Amadis succédant au solo d'Arcabonne précité et à Dans un piège fatal d'Arcalaüs (Acte II)... Les deux conspirateurs évoluent également en duo (Irritons notre barbarie, au II), de même qu'Oriane et Amadis (Ma douleur eût été mortelle, au V) ; la subtilité des lignes mélodiques agit en réalité partout, même dans certains apartés de personnages secondaires. Bref, à défaut d'être égale d'un bout à l'autre, l'œuvre se meut souvent dans de telles hauteurs que les artistes à son service ont, tous, l'obligation de se surpasser.

Est-ce le cas ce soir ? Pas complètement. En dépit de prestations hors norme, une légère fâcherie vient entraver le sans-faute espéré. Autant solder celle-ci d'emblée, Judith VAN WANROIJ ne se hisse pas complètement au niveau de l'enjeu. Le manquement demeure toutefois véniel : une diction improbable et des minauderies tenant lieu d'expression ne rendent pas son Oriane palpitante. Le si beau duo final avec Amadis en pâtit sensiblement.

Benoît ARNOULD (Florestan) - © AllegoricaMan°
Tous les autres, en revanche, évoluent entre le bon et l'excellent - voire l'exceptionnel. Ingrid PERRUCHE (photo plus haut) se tire exquisément du piège d'Arcabonne, capable de rendre justice à un caractère plus composite que son étiquette de "méchante" ne le laisserait supposer. Hiératique et ambigu, remarquablement posé et projeté, son matériau n'est peut-être pas le plus beau du monde, mais ce soir à proprement parler, il enchante. Tout comme le déjà chevronné Cyril AUVITY (photo de frontispice), haute-contre racée, légèrement sur son quant-à-soi au début, avant de trouver (et de conserver) la délicatesse de ligne, la souplesse d'inflexion et le brillant déclamatoire que son emploi d'Amadis appelle. Les deux amants de demi-caractère ne déparent pas : Benoît ARNOULD (ci-contre) impose sans surprise un Florestan époustouflant, timbre chaud, diction faramineuse, port impérial ; tandis que la jeune Hasnaa BENNANI (Corisande), très expressive, ne rougit pas un instant à ses côtés.


Edwin CROSSLEY-MERCER (Arcalaüs) - © Opéra de Dijon
La prestation d'Edwin CROSSLEY-MERCER (ci-contre) est tout à fait étonnante. Doté d'un physique très avantageux, le jeune baryton ne se prive pas de mettre en avant une voix d'airain à l'avenant : or, ces atouts enviables ne sont pas forcément des avantages quand il s'agit de brosser un personnage aussi négatif que le sien ! Cependant, le Français parvient à donner le change par le mordant qu'on lui connaît. Grâce à son émission au charme parfois rugueux, agrippant chaque note avec une raucité gourmande, peu embarrassé d'affèterie textuelle, il parvient à caractériser et rendre crédible le caricatural Arcalaüs par ses seules ressources musicales (quelle tessiture homogène !) - sans recourir à de quelconques simagrées ou postures. L'ensemble n'est peut-être pas très fouillé mais s'avère, en revanche, très efficace ; cet abattage et ce panache valent à l'artiste le plus grand accessit.

Si Pierrick BOISSEAU (entre autres voix d'Ardan-Canile), Bénédicte TAURAN (Urgande) sont satisfaisants, Caroline WEYNANTS - tant goûtée auprès de la CAPPELLA MEDITERRANEA (1) - déçoit notamment par une prononciation fruste. Impossible de terminer la revue des individualités, sans distinguer, en bergère/suivante, une Virginie THOMAS fraîche et impeccable... et sans applaudir à tout rompre la haute-contre, juvénile et prometteuse, d'un raffinement insensé, de Reinoud VAN MECHELEN. Difficile derrière cela de trouver des qualificatifs originaux, seyant à un CHŒUR DE CHAMBRE DE NAMUR... en tout point digne des prestations idéales que j'ai déjà souvent relevées dans ces colonnes. (2)

Enfin, fermant le bal par l'immense et vertigineuse Chaconne, qu'ils se permettent, enivrante démesure, de bisser (!!), Christophe ROUSSET et ses ouailles  ne peuvent que porter le Chevalier imaginé par MONTALVO sur les marches de l'Empyrée. Le chef sait aujourd'hui faire chuchoter les longs segments lyriques de LULLY comme absolument personne, son entente avec (entre autres) des AUVITY et des PERRUCHE tenant de la magie, bien réelle celle-là. Pas un menuet ou une ritournelle qui ne soit balancé tel les battements d'un cœur, cependant qu'au sein d'un collectif admirable, rivalisent de brio des continuistes hors pair, que j'ai envie de citer tous : Mathurin MATHAREL (basse de violon), Isabelle SAINT-YVES (viole de gambe), Lynda SAYCE (luth) - et aux clavecins, Violaine COCHARD quand ce n'est pas ROUSSET soi-même.

Si ce n'était la perfection, le coup n'est vraiment pas passé très loin.

L'Opéra Royal "Gabriel" de VERSAILLES - © non communiqué

(1) Particulièrement recommandés, Nabucco de Michelangelo FALVETTI (Ambronay 2012, concert de l'année) et Il Diluvio Universale du même (CD Ambronay 2011, disque de l'année).

(2) Tout autant recommandés, en plus des deux ci-dessus dont le NAMUR est partie prenante, Ulisse de Gioseffo ZAMPONI (Liège 2012) et Vespro a San Marco d'Antonio VIVALDI (CD Ambronay 2012).



 VERSAILLES FESTIVAL, "Voix Royales", Opéra Gabriel, 5 VII 2013 :
Jean-Baptiste LULLY (1632-1687) : Amadis, tragédie en musique en cinq actes,
sur un livret de Philippe QUINAULT (1684), en version de concert.

‣ Cyril AUVITY : Amadis - Judith VAN WANROIJ : Oriane - Ingrid PERRUCHE : Arcabonne -
Edwin CROSSLEY-MERCER : Arcalaüs - Benoît ARNOULD : Florestan - Hasnaa BENNANI : Corisande -
Bénédicte TAURAN : Urgande - Pierrick BOISSEAU : Alquif, Ardan-Canile, Geôlier, Berger -
Reinoud VAN MECHELEN : Captif, Berger, Héros - Caroline WEYNANTS : Suivante, Héroïne,
Captive, Bergère - Virginie THOMAS : Bergère, Suivante .

‣ Chœur de Chambre de NAMUR, chef de chœur : Thibaut LENAERTS.
Les TALENS LYRIQUES, premier violon : Gilone GAUBERT-JACQUES, & dir. : Christophe ROUSSET.

samedi 13 mars 2010

❛Opéra❜ Berlioz, un modeste Béatrice & Bénédict • 'Tchao Pantins', une vision "ficelée" selon Dan Jemmett à l'Opéra Comique de Paris.

De gauche à droite : Alberto (montreur de marionnettes), Claudio, Don Pedro, Leonato (rôle parlé) - © Opéra Comique, Pierre Grosbois
Mois Shakespeare dans les théâtres parisiens : après The Fairy Queen - déjà à l'Opéra Comique - et Falstaff au TCE, voici sinon l'opus ultimum de Berlioz, du moins ses adieux aux planches. Il est si rare de voir Béatrice mis en scène ! Autant dire qu'on en attend beaucoup (1). Ainsi l'Anglais Dan Jemmett a organisé toute sa scénographie autour du fait que la Sicile - l'action est à Messine - est une terre de marionnettes, des pupi figurant les guerriers qui ont fait sa riche histoire : il apparaît donc concevable que nos combattants Bénédict, Claudio et Pedro soit représentés comme tels. Dès lors, les marionnettes sont partout, tant dans le décor (deux chevaliers géants, un îlien et un Maure, en fond de plateau), que les accessoires (des poupées, deux théâtres miniatures dont l'un tombe des cintres). Et, bien sûr, chez les acteurs des deux sexes : leur gestuelle est mécanique, leurs saluts codifiés ; ils se déplacent par tressautements.

Berlioz, photographié vers la fin de sa vie
L'astuce est poussée jusqu'à les faire s'affaisser, à l'abandon, lorsqu'ils ne sont pas au premier plan de l'action, les ficelles censées les mouvoir n'étant plus agitées. Pas trop mal vu. Poussant sa logique jusqu'au terme, le scénographe recourt à un (trop) omniprésent montreur de marionnettes, à qui il confie de déclamer des extraits de Much ado about nothing... dans sa langue d'origine. D'une pierre deux coups : les récits, que d'aucuns trouvent fastidieux, peuvent en paraître plus vivants. D'autre part, Shakespeare reste aux manettes, la pièce devenant pour partie anglophone : cela peut agacer de prime abord, mais à la réflexion ne contrarie qu'assez peu l'équilibre de l'ensemble.

Cela étant, le parti n'est pas dépourvu de périls - évités, mais d'extrême justesse. Le premier tient aux chanteurs-comédiens eux-mêmes : rien de plus risqué que de leur faire singer - avec naturel si l'on peut dire - des gestes d'automates pendant plus de deux heures  ; l'outrance, voire le ridicule, guettant à la longue. Le second vient du message subliminal selon lequel les protagonistes sont des pantins, voire des débiles, la plupart manipulés et manipulateurs à la fois. C'est dangereux vis à vis de Shakespeare... même si dans Beaucoup de bruit pour rien on s'attache davantage aux noeuds tissés, qu'aux héros eux-mêmes. Enfin, c'est cruel pour Berlioz, qui a offert trois airs somptueux, denses de musique comme de psychologie, à ses trois principaux caractères (Béatrice, Bénédict et Héro) !

J. Varnier, © L'Oiseleur des Longchamps
Quasiment sexagénaire, notre romantique tourmenté choisit de quitter le théâtre sur la pointe des pieds, tel Verdi trente-et-un ans plus tard, par une comédie ironique et ambiguë. La partition est d'une invention aussi variée que sa délicatesse est constante. Cette dernière est tout sauf mièvrerie, le compositeur jouant admirablement sur les oppositions de registre : gravité de Héro ou d'Ursule versus faconde de Somarone, ou encore hâblerie de Don Pedro contre velléités de Bénédict... Richement orchestrée, elle est bien davantage traitée comme une musique de chambre chantée,  que comme un opéra à effets : on voit le chemin parcouru depuis la grandeur souvent tonitruante d'un Benvenuto Cellini. Parmi cent beautés, retenons des joyaux tels que le nocturne d'Héro et Ursule fermant l'acte I, le trio des femmes en pivot de l'acte II - par-dessus tout peut-être, le choeur avec accompagnement de guitare "Viens ! Viens de l'hyménée" lui faisant suite...

Il n'est pas neutre que la Chambre philharmonique, l'ensemble du chef Emmanuel Krivine, joue sur instruments d'époque. Même s'il l'on veut bien convenir que cette exigence de fidélité a moins de conséquence ici que dans Haendel ou même Schubert ! Dès l'ouverture, leste et colorée, les vents très détachés fournissent assez d'espièglerie pour qu'on accueille sans trop de surprise l'excentrique Bob Goody, le montreur de marionnettes. Lors de l'entrée "Le More est en fuite", l'entente avec l'excellent  ensemble Les Eléments n'est pas totalement en place, c'est le moins que l'on puisse écrire. Néanmoins, la réussite chorale sera au rendez-vous dès le difficile épithalame grotesque (sic) "Mourez tendres époux", pourtant étiré en longueur ; elle ne se démentira plus jusqu'à la fin.

Toutefois, c'est dans le point de croix des ensembles si travaillés, plus encore que dans les grands airs, que Krivine se montre le plus séduisant. En particulier, le niveau de connivence vocale et instrumentale atteint au cours du sublime "Je vais d'un coeur aimant" (trio Héro-Ursule-Béatrice), d'un tempo très retenu, relève de l'alchimie la plus intemporelle. Les chanteurs, presque tous britanniques, sont du reste aussi corrects en équipe qu'individuellement. Réserve faite envers Alish Tynan (Héro) dont l'air liminaire et très exposé "Je vais le voir" déçoit, inintelligible et court d'aigus ; par chance, l'artiste sait se racheter ensuite, par un chant diaphane et gracieux parfaitement idoine.

Héro - © Opéra Comique, Pierre Grosbois
Christine Rice compose une Béatrice remarquable : mezzo soyeux et rond, accents expressifs, diction très satisfaisante. Quelle gradation dans "Il m'en souvient" ! Face à elle, le Bénédict d'Allan Clayton ne lui cède en rien, frimeur tendre aux aigus clairs et véloces, se sortant avec les honneurs du redoutable "Ah ! Je vais l'aimer". Ursule, c'est le domaine réservé d'Elodie Méchain : présente à Mogador avec Plasson en 2003, au TCE avec Colin Davis l'an dernier - les deux fois en version de concert -, la Française sait dispenser encore aujourd'hui ses graves ciselés et veloutés, tout en complicité douce et prévenante.

En Somarone, le maître de chapelle, un Michel Trempont toujours ingambe - bientôt soixante ans de carrière ! - nous régale d'un "Vin de Syracuse" vieillissant bien. Enfin, la belle basse noble, sonore et chatoyante, de Jérôme Varnier (Don Pedro, photo au centre) se fait remarquer davantage que le Claudio modeste, quoique subtil, d'Edwin Crossley Mercer. Tout ce monde évolue dans des costumes aux vives couleurs devant des fonds ocres de bon aloi : un environnement mordoré, convenant agréablement aux élégances comme aux non-dits de cette oeuvre majeure.

▸ Pièce à l'écoute simple, en bas de page  Hector Berlioz, Béatrice & Bénédict, "Je vais d'un cœur aimant", trio extrait de l'enregistrement dirigé par John Nelson, avec Susan Graham © Erato Musifrance.

(1) Incroyable mais vrai : l'opéra n'a connu jusqu'ici que DEUX séries représentées à Paris, la première en 1890 (vingt-huit ans après la création à Bade, tout de même), la deuxième en... 1966 !! (Source : Site Hector Berlioz)



 Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict.
Paris, Opéra Comique, 06/03/2010 • Opéra-comique en deux actes sur un livret du compositeur d'après Much ado about nothing de William Shakespeare, créé le 9 août 1862 à Bade (Baden Baden) sous sa propre direction.

▸ Christine Rice, Allan Clayton, Ailish Tynan, Elodie Méchain, Edwin Crossley Mercer,
Jérôme Varnier, Michel Trempont, Giovanni Calo, David Lefort, Bob Goody -
Choeur de Chambre Les Eléments, La Chambre Philharmonique, direction : Emmanuel Krivine 

▸ Mise en scène : Dan Jemmett, décors : Dick Bird, costumes : Sylvie Martin Hyszka,
lumières : Arnaud Jung, chorégraphie : Cécile Bon.

‣ En partenariat avec le Palazzetto Bru Zane, Centre de Musique Romantique Française.