dimanche 30 septembre 2012

❛Concert❜ Jérémie Rhorer, Le Cercle de l'Harmonie, Haydn & Mozart • Des débuts ambronaisiens attendus, mais décevants...

Le brillant Jérémie Rhorer, chef moins inspiré ce soir que d'autres...  © Bertrand Pichène, CCR Ambronay
Le deuxième concert vespéral du XXXIII° Festival d'Ambronay était dévolu, après le kaléidoscope baroque du merveilleux Nabucco de Falvetti, à un parcours au cœur de l'âge dit "classique", autour de Joseph Haydn et de Wolfgang Amadeus Mozart. De ce dernier, la Krönungsmesse (Messe du Couronnement), donnait malgré sa concision son nom à une soirée que complétait l'illustre 41° Symphonie "Jupiter", du même. Haydn pour sa part ouvrait le bal par un morceaux de choix, sa symphonie "La Passion", quarante-neuvième du nom, et emblématique de sa période Sturm und Drang ("Tempête et Passion"... justement). L'intérêt résidait , également, dans les débuts in loco de Jérémie Rhorer (ci-dessus) et de son ensemble, le Cercle de l'Harmonie.

Joseph Haydn (1732-1809)
Nul ne l'ignore, la jeune troupe et son non moins jeune chef sont devenus en quelques années une coqueluche, voire - pour d'aucuns - un parangon dans le domaine interprétatif qui est, pour l'essentiel, le leur : la musique de la seconde moitié du XVIII° siècle, restituée sur instruments originaux. Nous conservons d'assez bons souvenirs pour notre part, par exemple de l'Amadis de Gaule de Jean-Chrétien Bach recréé en janvier dernier à l'Opéra Comique (malgré plus d'une longueur...) - et aussi, de la Grande Messe en Ut mozartienne chatoyante, offerte à la Basilique de Saint Denis en 2011. En revanche, l'Idomeneo de la même année au Théâtre des Champs Élysées, volontiers présenté, ici ou là, comme une réussite absolue, nous avait agacé par quelque raideur ou monotonie.

Faut-il que Rhorer ressente des tendances schizophrènes, pour qu'en ce 15 septembre 2012 à Ambronay, ce soit - hélas - ce dernier versant de son métier qui ait été asséné sans modération ? Dès le Haydn (1772), tout est dit : il nous faut remonter loin pour nous remémorer une œuvre du courant Sturm und Drang précité, délivrée avec autant de désinvolture. L'Adagio liminaire (que Haydn a émancipé d'une simple fonction de mise en bouche soudée à son Allegro, pour devenir une séquence à part entière) paraît se tenir si loin de ce que son fa mineur appelle à l'évidence ! En fait d'anxiété, de trouble, de compulsion, voici de la grâce et de l'élégance, certes fort bien troussées... mais totalement hors de propos. Sans surprise, les trois mouvements suivants ne peuvent que puiser à la même eau, tant le compositeur a voulu sa symphonie structurellement définie par premières mesures. Résultat globalement décoratif, donc déplacé.

Chœur Aedes, C. Hulcup, S. Schwartz, J. Rhorer, J. Ovenden, A. Wolf,  © Bertrand Pichène, CCR Ambronay
La Messe du Couronnement de 1778 (année du voyage de Mozart à Paris et Mannheim) pourrait être qualifiée de messe brève, tant l'économie du matériau a permis au Salzbourgeois de délivrer son message liturgique en un temps d'exécution très court. Elle n'en est pas moins spectaculaire : autant par son ossature vigoureuse (si ce n'est brusque), que par le contraste qu'y apporte un Agnus Dei tout en tendre legato, prémonition probable d'un mémorable Et incarnatus est à venir... Au sein du quatuor vocal classique, c'est essentiellement le soprano - Sylvia Schwartz, efficace - qui offre matière à briller. Si leurs parties congrues n'offrent pas aux trois autres (agréables Caitlin Hulcup, Jeremy Ovenden et Andreas Wolf) de saillie fabuleuse, le Chœur Aedes, sollicité d'un bout à l'autre, trouve en revanche mille occasions de s'employer.

W.-A. Mozart (1756-1791)
Ce très beau chœur étant, à juste titre, en train de se doter d'un grand renom, nous ne pensons pas que la pâteuse sensation de magma ressortant de ses interventions soit de son cru - mais bel et bien de celui de Rhorer, lequel trahit ici un défaut nouveau : la brutalité. Hors Agnus Dei, la scansion n'est plus que spasme, le fortissimo se décline à toute occasion ; tout doit aller vite, très vite, le concept de mobilité étant réduit aux acquêts, c'est à dire à la succession des coups, le timbalier en particulier étant soumis à une labeur de galérien.

Julien Chauvin, excellent premier violon du Cercle,
© B. Pichène, CCR Ambronay
Cela ne nous place guère dans les meilleures dispositions, à l'approche d'un tel monument que l'ultime Symphonie de Mozart. Le résultat s'avère au-delà de toute désespérance : dès l'Allegro vivace initial, la surenchère dynamique débute sabre au clair, par une dichotomie outrée entre un martèlement lourdement souligné (thème I), pontifiant au possible, et une niaiserie proprement insupportable (thème II). Ceci n'est rien en comparaison de l'Andante cantabile - une des plus poignantes créations de son auteur, et de tout le répertoire classique - superficiel, métronomique, sans lyrisme aucun. À la vérité, le chef se borne à le verrouiller dans un cadre rhétorique scolaire lesté, lors des modulations, de bouffées de sensiblerie parmi les plus communes.

Passé le Minuetto, traité telle une simple anecdote, qu'attendre, ici, du mythique Finale légendé Molto allegro, dont nous savons les litres d'encre que sa cellule nourricière ("do-ré-fa-mi", ci-dessous) ou son foisonnement protéiforme ont fait couler ? Rien de mieux, hélas. Non seulement la frénésie véhémente de Jérémie Rhorer repart de plus belle... mais la texture arachnéenne du contrepoint s'en trouve de surcroît encerclée, étouffée, piétinée par un amoncellement de pétarade, où chacun fournit l'impression de jouer une partie qui serait totalement indifférente à celle des autres.

Le socle du Finale de la 41°
Ce mouvement de génie, perdant sa limpide cohérence organique au profit d'une démonstration d'esbroufe brouillonne, fait tourner par là-même la Jupiter tout entière à la corvée. Étrangement, c'est lors du bis consenti (le miraculeux Ave Verum Corpus de Mozart), dont la tendresse et la plénitude, directement issues de la main de Dieu, forment un contraste saisissant avec la furia à peine éteinte, que l'oreille et le cœur - enfin ! - reçoivent un tant soit peu le baume espéré. C'est, pour le moins, bien tard.



‣ Ambronay, Abbatiale, samedi 15 septembre 2012 - Joseph Haydn : Symphonie n°49 en fa mineur "La Passion" - Wolfgang Amadeus Mozart : Messe en ut majeur "du Couronnement", Symphonie n°41 en ut majeur "Jupiter"

‣ Sylvia Schwartz, Caitlin Hulcup, Jeremy Ovenden, Andreas Wolf. Chœur Aedes, direction : Mathieu Romano.
Le Cercle de l'Harmonie, premier violon : Julien Chauvin, direction : Jérémie Rhorer.

dimanche 23 septembre 2012

❛Concert❜ Leonardo García Alarcón, Cappella Mediterranea, Chœur de Chambre de Namur • Nabucco à Ambronay, retour gagnant pour Michelangelo Falvetti !

Cappella, Chœur de Namur, L. G. Alarcón, F. Guimarães & A. Meerapfel (de dos), © Bertrand Pichène, Ambronay
Rappelons-nous, c'était voici juste deux ans, le 11 septembre 2010 : Leonardo García Alarcón et ses troupes (ci-dessus) remettaient en selle, lors du Festival d'Ambronay où ils sont en résidence, le dialogue (oratorio) Il Diluvio Universale (1682), d'un obscur compositeur calabrais installé en Sicile, Michelangelo Falvetti (1642-1692). Menée à bien à la suite d'échanges avec le musicologue Nicolò Maccavino, cette résurrection, couronnée d'un clair succès, ne prit véritablement son envol qu'à l'occasion de la tournée européenne, consécutive à la reprise ambronaisienne de l'année suivante : ce fut en vérité un triomphe, sanctionné par une presse et un public unanimes. Le même consensus - auréolé d'une place enviable au box office - vit le jour au sujet de l'enregistrement CD concomitant : nous l'avons d'ailleurs consacré Appoggiature de l'année 2011.

En somme, un mythe à génération spontanée, dont l'emballement avait tout d'un piège, pour la Cappella Mediterranea comme pour son chef - dès cet instant, si l'on peut dire, attendus au tournant. Surtout lorsqu'a commencé à bruire le projet d'un autre Falvetti, daté de 1683, second et dernier ouvrage biblique intégralement parvenu jusqu'à nous ! De quoi déclencher, à son attente, un véritable buzz, propre à remplir comme un œuf, ce 14 septembre 2012, une abbatiale d'Ambronay rehaussant l'ouverture son XXXIII° Festival des atours de ce nouveau Nabucco.

S'il s'agit bien, présentement, du roi babylonien Nabuchodonosor II (604-562 av. JC) que traitèrent, cent cinquante-neuf ans plus tard, Temistocle Solera et Giuseppe Verdi, la ressemblance s'arrête là. Le dialogue sacré écrit à Messine par Vincenzo Giattini ne fait même pas allusion à la fille du souverain, Abigaïl, qui est pour sa part le moteur du drame familial et politique du Risorgimento. Giattini au contraire - et cela s'avère déterminant pour le traitement musical - s'en tient aux chapitres II et III du Livre de Daniel, dont la portée s'avère autrement plus philosophique, que sociale. Dans ces pages, trois jeunes Israélites refusant obstinément d'idolâtrer, comme il est exigé d'eux, la nouvelle statue d'or à l'effigie du tyran de Babel, se voient jetés vivants dans un brasier ardent, dont ils réchappent intacts. Auprès de ces trois héros (Anania, Azaria et Misaele, adolescents incarnés par des voix de femmes) n'évoluent, outre Nabucco, que son préfet des milices Arioco et le prophète Daniel lui-même. Au cours du prologue, conformément aux lois du genre, trois allégories (l'Orgueil, l'Idolâtrie et le fleuve Euphrate) complètent une distribution que couronne un recours, modéré mais fort efficace, au chœur.

Gardes de l'époque de Nabuchodonosor II, roi de Babylone (604-562 av. JC)
Nous voici donc dans le sobre ; d'autant que le texte littéraire, procédant par phrases courtes et imagées, est aussi dru que remarquablement concis, l'action se voyant conduite à son terme métaphysique sans circonvolution ni temps mort. Assurément, il y a moins de théâtre ici que dans le précédent Diluvio : focalisée sur la désobéissance des Juifs, elle-même révélatrice de la vanité du pouvoir impie, la pièce ne recherche a priori, à rebours de son aînée, aucun effet. Pourtant, comme l'imagination de sa musique s'en révèle débordante ! En à peine plus d'une heure, Falvetti parvient à nourrir cette trame assez maigre de toute sa maîtrise, harmonique, mélodique, rythmique, homophonique/contrapuntique - cela, sans préjudice bien sûr de la grande variété des formes convoquées.

L'introduction de l'oratorio constitue, ni plus ni moins, l'une des plus fortes pages qu'il nous ait été donné d'entendre dans le répertoire baroque, certes pas pauvre en matière de surprises. Censée figurer la calme majesté de l'Euphrate, elle fait dérouler par les instrumentistes un dessin homorythmique obstiné : entêtant, hypnotique, celui-ci plonge l'auditeur dans le même procédé de vertige et d'ivresse un tant soit peu répétitive dont sauront user plus tard un Richard Wagner (prélude de Das Rheingold, de même inspiration fluviale) ; ou - encore plus près de nous - un John Adams (ondulations initiales de Nixon in China)...

Le "teaser" de la production de Nabucco, avec Leonardo García Alarcón

Ce qui succède n'est pas moins inventif, tant les ressources du compositeur, que le Diluvio révélait déjà amplement, planent à cent coudées au-dessus de l'estimable. Tous les airs confiés aux chanteurs, entre des récitatifs syllabiques aussi parcimonieux qu'efficients, n'ouvrent pas forcément d'échange entre voix et instruments solistes : certains sont ourlés du seul continuo. Cela n'a rien de restrictif, tant ce rang de l'orchestre constitue un des nombreux points forts de la Cappella, ainsi que nous l'avons souvent relevé (en particulier lors de la recréation de l'Ulisse all'isola di Circe, de Gioseffo Zamponi, à Liège, le 26 février dernier). Au cas particulier, la teinte ambrée des violes de gambe (à François Joubert Caillet se joint exquisément Margaux Blanchard, co-fondatrice des Ombres) n'est pas pour rien dans l'effet capiteux obtenu.

Fernando Guimarães (Nabucco), © Bertrand Pichène, CCR Ambronay
Les ritournelles instrumentales, lorsqu'elles sont requises, se situent toujours au-delà du décoratif : elles sont consubstantielles à l'état d'âme des personnages impliqués. De fait, un atout majeur de Michelangelo Falvetti, d'après les deux dialogues que connaissons enfin de lui, est la prodigieuse richesse psychologique qu'il sait confier, avec la plus grande économie de moyens, à ses protagonistes. Au chœur, le cas échéant, de paraphraser ces derniers, avec une élégance qui préfigure les plus belles réussites de Haendel dans ce domaine sacré (en langue italienne ou anglaise). D'autres trouvailles abondent, au sein desquelles les deux sinfonie adossées au rôle de Nabucco, l'une ponctuant une stupéfiante scène de songe, l'autre faisant procession à la statue que le roi impose de révérer. Le plus saisissant est pour conclure : après une scène d'interrogatoire obsédante, trois airs consécutifs, d'une incomparable beauté, sont exhalés par les trois Israélites suppliciés, avant une courte péroraison chorale Mortale, è piu che vero (deuxième partie de notre extrait sonore, à écouter en bas d'article) - puis, rien d'autre. Magistral !

Pour servir une partition aussi atypique que risquée, Leonardo García Alarcón (ci-dessous) s'est bien entendu entouré des fidèles qui nous ont souvent régalé dans d'autres projets. "Son" Chœur de Chambre de Namur en premier lieu : comme à l'accoutumée ductile, précis, incisif, mur de Chaldéens obéissants et déterminés bâtissant d'impressionnantes murailles humaines que le doute n'effleure pas. Le doute - celui de l'impie,  bien sûr - est la clé de ce chef d'œuvre ;  à cet égard, la doublette constituée par le chef de la milice Arioco (Fabiàn Schofrin, plus bas) et Nabucco (Fernando Guimarães, ci-dessus) est exemplaire de l'art du compositeur. Lequel admirer davantage de leurs airs d'entrée respectifs, Regie pupille et Per non vivere infelice, aux harmonies ambiguës troublées d'anxiété, antipodes des certitudes et arrogances régaliennes ?

Leonardo García Alarcón, © Jacques Verrees
Si Schofrin (ci-dessous), privé du recours aux prestations extraverties que lui offraient Diluvio et autres Ulisse, compense par une noblesse de ligne notable l'étroitesse précautionneuse d'un matériau dorénavant élimé, le souple Guimarães (notre chanteur de l'année 2011) n'éprouve pas de difficultés à moirer d'épanchements lyriques son emploi de dictateur pusillanime. Il livre, à partir de son Vendette non v'armate, harangue militaire à l'accompagnato sombre et haletant, une richissime scène de folie entrecoupée de quolibets, lui permettant d'exploiter avec bonheur des arêtes hallucinées de son talent, que nous ne lui connaissions pas encore. Et comme à l'occasion du Diluvio, c'est en Mariana Flores (ci-dessous) que le Portugais trouve son meilleur répondant.

L'adamantine soprano, en charge d'une allégorie (Idolâtrie) et surtout d'Azaria, l'un des trois adolescents, ne cesse de signer des performances superlatives, au cours de ces recréations baroques dont Alarcón - son époux à la ville - a le secret. Après nous avoir enchanté en tendre Rad du Diluvio, en mutine Vénus d'Ulisse, elle ajoute ici à sa panoplie un bref mais spectaculaire parcours mystique. C'est évidemment son transcendant air final (interpolé entre les deux autres) La mia fede dal fuoco nasce, qui lui permet, avec des accents de Pietà, de nous hisser degré par degré, tangiblement, jusqu'à la cité céleste. Caroline Weynants (ci-dessous) - déjà louangée lors des productions antérieures - fait merveille à ses côtés, dans la peau du jeune Anania, dont l'air cristallin et renversant Tra le vampe d'ardenti fornaci, qui ouvre le triptyque conclusif, ne cède rien à celui  d'Azaria précité. Magdalena Padilla Osvaldes (ci-dessous), pour sa part, s'acquitte très correctement du rôle de Misaele, le troisième martyr... même si son abattage n'enthousiasme pas autant que celui de ses consœurs. (Retrouvez les voix de Flores, Weynants et Osvaldes dans notre extrait sonore, plus bas)

M. Flores, C. Weynants, M. P. Osvaldes, L. G. Alarcón & F. Schofrin, © Bertrand Pichène, CCR Ambronay
Deux basses, elles aussi des fidèles, parachèvent la distribution : le fleuve Euphrate s'exprime par la voix de Matteo Bellotto (Diluvio, Ulisse), onctueuse et rassurante ; tandis que le prophète Daniel, dont la contribution importante ressortit - au moins en partie - à une fonction de Testo (témoin), est confié à Alejandro Meerapfel (Dido and AeneasJudas Maccabaeus, Vespro a San Marco). Son matériau souple, modérément sonore mais enveloppant, tient quelque part du grand Peter Kooy, et lui autorise, par exemple, un irrésistible et consolateur Su le cime de' capi regnanti.

Bas-relief de l'époque d'Assurbanipal (668-631 av. JC)
Gardons pour la fine bouche une particularité de facture, inaugurée lors du Falvetti I, et cette fois travaillée de manière plus conséquente : le recours à des instruments arméniens ou turco-persans. Le chef argentin a non seulement rappelé Keyvan Chemirani aux percussions (zarb ou tombak, oud, darf ou daf) ; mais encore a-t-il retenu un ney, sorte de flûte orientale, que joue Kasif Demiröz, ainsi qu'un duduk et un kaval confiés à Juan Lopez de Ullibarri. Sur le papier, c'est beaucoup, rapporté à un effectif "classique" qui n'a rien de pléthorique ! Leur usage récurrent vise, souvent avec succès, l'effet le plus sûr, spécialement dans l'air ultime d'Anania. Astucieusement approprié à la thématique babylonienne, cet exotisme plutôt gratuit - mais très calculé et assez bien canalisé - contribue par ses mélismes oniriques à notre envoûtement. Pour autant, la justesse n'y est pas toujours au rendez-vous ; surtout, sourd ici et là une once de maniérisme qui ne demanderait qu'à verser dans le procédé. Sur le fil du rasoir, par conséquent.

Cette action se meut au final entre les deux Éléments de l'Eau et du Feu, l'un ouvrant, l'autre refermant ce court conte biblique et philosophique. Contrairement au Diluvio Universale, auquel elle n'est en aucune manière inférieure, elle trouve dans l'élément aquatique - l'Euphrate - un socle plus immanent que menaçant, dont elle ne se départ pas. Sans doute la sédition des jeunes Juifs envers Nabucco est-elle une allusion connotée à la lutte contre la domination espagnole sur Messine ? Quoi qu'il en soit, la hauteur de l'inspiration, le renouvellement incessant des formes, les ressources techniques éloquentes, la subtilité des psychologies des deux drames que nous connaissons de lui, font clairement de Michelangelo Falvetti un de ces trop rares musiciens de tout premier plan, inexplicablement escamotés par l'Histoire, qui sont l'honneur de ceux qui les réhabilitent.

Fernando Guimarães (Nabucco), © Bertrand Pichène, CCR Ambronay
En la circonstance : l'architecte Leonardo García Alarcón, perpétuel sourire en bandoulière, soulève la Cappella Mediterranea et le Chœur de Chambre de Namur d'une foi de bâtisseur. Tous parviennent, non seulement à nous émouvoir, au plus profond de nous même - mais encore à nous surprendre, deux fois de suite avec le même compositeur (de surcroît, inédit). C'est incontestablement la marque des  très grands.

‣ RETRANSMISSION de ce concert sur France-Musique le 29 septembre 2012 à 19h30.
‣ RETROUVEZ ICI le podcast de la recréation de Nabucco (France Musique).

 Pièce à l'écoute simple, en bas d'article  Finale de l'oratorio : Trio A chi regge gl'elementi & Chœur Mortale ! È piu che vero  Captation effectuée par France-Musique, diffusée avec autorisation.

Merci aux artistes de nous avoir offert trois bis reprenant de grands moments de l'œuvre, dont le merveilleux prologue fluvial. Enregistrement discographique à paraître chez Ambronay Éditions en 2013.
‣ Merci de même aux musicologues Nicolò Maccavino et Fabrizio Longo (ce dernier, également violoniste de la Cappella Mediterranea) de nous avoir présenté, avec Leonardo García Alarcón, leur travail d'édition critique lors de la conférence d'avant-concert.

‣ Ambronay, Abbatiale, vendredi 14 septembre 2012 : Nabucco,
dialogue à six voix de Michelangelo Falvetti
sur un livret de Vincenzo Giattini (1683), partition établie par Ariel Rychter.

Fernando Guimarães, , Alejandro Meerapfel, Fabiàn Schofrin, Caroline Weynants, Mariana Flores,
Magdalena Padilla Osvaldes, Matteo Bellotto, Capucine Keller.

‣ Cappella Mediterranea, Chœur de Chambre de Namur, Ariel Rychter : orgue et assistant à la direction.
Direction musicale : Leonardo García Alarcón.



lundi 10 septembre 2012

Appoggiature vous souhaite une excellente fin d'été et une rentrée agréable !

Appoggiature, site fondé le 16 octobre 2011, a mis en ligne sans interruption trente-huit articles nouveaux, soit (presque exactement) un par semaine, au 31 juillet 2012. Avec les vingt-six archives de provenances diverses (essentiellement datées de 2011 & 2010) ajoutées au fil des mois, ce blog si jeune dispose déjà de soixante-cinq chroniques - désireuses d'aborder tous les genres classiques européens, sans exclusive d'époque, de pays, de style ou de facture instrumentale.

Le voici à son tour en vacances, comme l'ont été nombre d'entre vous sans doute. :-) Soyez accompagnés pendant ce temps par la lumière surnaturelle de Gustav Mahler : celle de sa Huitième Symphonie (intitulée, de manière bien apocryphe, "des Mille") - jouée et chantée ci-dessus par des forces viennoises incandescentes, réunies pour l'enregistrement vidéo de 1975 autour du charismatique Leonard Bernstein...


... Également proposée en musique d'accueil (par le même chef), au titre des deux premières minutes de sa cosmique Secunda Parte, inspirée de la scène finale du II° Faust de Gœthe. Belle fin de saison et bonne rentrée à tous !
 J. D.

Imaginez que l'Univers éclate dans une explosion de chant ! Ce ne sont plus les voix des hommes que l'on entend, mais celles de planètes et de soleils décrivant leur orbite. Toutes mes symphonies antérieures n'en sont que des préludes. ❜

(Gustav Mahler, dans une lettre d'août 1906 à Willem Mengelberg, lui annonçant l'achèvement de sa Huitième SymphonieCelle-ci ne sera créée que quatre ans plus tard (12 septembre 1910), à Munich. Il reste alors au compositeur à peine plus de huit mois à vivre.)


Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 8 en mi bémol majeur (surnommée "des Mille").
Première partie : Hymne Veni Creator Spiritus. Seconde Partie : Scène finale du Deuxième Faust de Goethe.

 Edda Moser, Judith Blegen, Gerti Zeumer, Ingrid Mayr, Agnes Baltsa,
Kenneth Riegel, Hermann Prey, José Van Dam.
Wiener Philharmoniker, Wiener Staatsopernchor, Wiener Singverein,Wiener Sängerknaben.
Direction : Leonard Bernstein.

Un DVD Deutsche Grammophon pouvant être acheté ICI.