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L'effectif réuni à la Salle Philharmonique de Liège pour l'ultime répétition, le matin du dimanche 26 février 2012 |
Bruxelles, Festival du Sablon, 29 avril 2006. À la tête de "son" Ensemble Clematis et d'un petit groupe de chanteurs, Leonardo García Alarcón dirige - pour la première fois depuis l'unique reprise de 1655 - ce qui fut le premier opéra joué dans la capitale brabançonne, Ulisse all'isola di Circe, écrit par l'assez obscur Gioseffo Zamponi (c.1600/1610-1662) le 24 février 1650, en l'honneur des noces de Philippe IV d'Espagne et Marie-Anne d'Autriche. 1650, ce n'est après tout que neuf années après l'Incoronazione di Poppea, et treize après l'ouverture du premier "théâtre lyrique" à Venise, ce qui n'attribue pas aux Pays-Bas un si honteux bonnet d'âne... d'autant que l'ouvrage en impose ! Marqué par les styles vénitien (Zamponi venait manifestement de séjourner sur la Lagune) et romain, il a pour lui une matière abondante (plus de deux heures et demie) et de très haute qualité - ce qui n'a pas échappé au chef argentin, dès lors désireux de le remettre sur le métier, nanti d'une équipe plus pléthorique.

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Leonardo García Alarcón, Caroline Weynants, & trois solistes du Chœur de Chambre de Namur |

Des séquences vidéo des répétitions d'Ulisse all'isola di Circe, Liège, février 2012 |
À la manœuvre : un clavecin, deux orgues, deux théorbes, une guitare, deux basses de viole, une lyre et - raffinement absolu - une harpe. Abondance de biens ne nuit pas, tant il n'est pas question ici de gargarisme quantitatif, mais bel et bien de combinaisons, d'invention, d'audace ! C'est merveille d'entendre tant de faconde harmonique et contrapuntique, tant d'imagination (aux cordes pincées, en particulier), tant de variété dans les coloris, au service de ce qui n'est perçu, parfois, que comme un soutien purement fonctionnel. Ce groupe "continuiste", évoluant tel un corpus certes imbriqué mais autonome, en parviendrait presque à imposer ses fulgurances... en tant que moteur de l'opéra (3).

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Leonardo García Alarcón, Matteo Bellotto, Caroline Weynants & Fernando Guimarães |
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Fabiàn Schofrin & des solistes du Chœur de Chambre de Namur |
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Dominique Visse, Céline Scheen, Leonardo García Alarcón & Furio Zanasi |
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Sergio Foresti |
En charge de quatre offices distincts, le ténor Fernando Guimarães appartient à la tierce majeure. Ses apparitions en Triton ou Mars, aux deux extrémités du drame, demeurent anecdotiques ; nous interpelle davantage son entêtant écot versé au surnaturel chœur des statues, où les guerriers pétrifiés par Circé implorent leur chef de les délivrer. Quant à son Euriloque, initiant et dénouant le séjour d'Ulysse sur l'île aux maléfices, il lui permet de faire, une fois encore, étalage de ses talents de narrateur et de poète - que ne gâchent ni ses épanchements de coutumière élégance, ni les sursauts incantatoires d'un lyrisme vif-argent, travaillé à la manière d'un chef d'œuvre de compagnonnage.

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Stéphanie de Failly (premier violon), Zachary Wilder & Mariana Flores |
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Leonardo García Alarcón |
Ce jalon n'est pas parfait, nous l'avons consenti. Il est beaucoup mieux : désiré, conçu puis porté, mis au monde enfin. C'est dire à quel point nous le chérissons, jusqu'à ses défauts même, qui participent de sa grandeur.
‣ Le diaporama des sessions, sur la page Facebook de la tournée d'Ulisse all'isola di Circe.
‣ Le podcast de la retransmission radio, effectuée le 15 mars sur Musiq3 (remerciements à Laurent Cools !).

Cappella Mediterranea, ensemble de l'année - Fernando Guimarães, chanteur de l'année - Leonardo García Alarcón, chef de l'année... ainsi que "leur" Diluvio Universale, disque de l'année.
▸ Pour en savoir davantage sur les circonstances et le contexte de la création d'Ulisse en 1650, nous recommandons la lecture de cette autre chronique, confiée par Bernard Schreuders à la revue en ligne Forum Opéra.
1) Sortie commerciale probable courant 2013, distribution Outhere Music.
(2) Petite flûte ou hautbois italien percé de neuf trous latéraux. La bombarde bretonne et le piffaro italien accompagnent souvent la cornemuse.
(3) Se reporter au nom des musiciens dans la distribution intégrale citée en pied de page.
‣ Liège, Salle Philharmonique, dimanche 26 février 2012 - Gioseffo Zamponi (c. 1600/1610-1662),
Ulisse all'isola di Circe, favola in musica (Bruxelles, 1650) d'après l'Odyssée d'Homère.
‣ Cappella Mediterranea : Céline Scheen, Furio Zanasi, Mariana Flores, Dominique Visse, Fabiàn Schofrin,
Zachary Wilder, Fernando Guimarães, Sergio Foresti, Matteo Belloto.
Chœur de Chambre de Namur : Caroline Weynants, Alice Foccroulle, Joëlle Charlier, Vinciane Soille,
Benoît Giaux, Philippe Favette, Jacques Dekoninck, Vincent Antoine, Jean-Marie Marchal.
‣ Violons : Stéphanie de Failly, Jivka Kaltcheva, Laurianne Thyssebaert, Tami Troman, Marie Haag, Jorlen Vega-Garcia, Lathika Vithanage, Madoka Nakamuru, Shiho Ono ; Altos : Kathia Robert, Benjamin Lescoat ;
Violoncelle : Benjamin Glorieux ; Contrebasse : Éric Mathot.
‣ Cornets & flûtes à bec : Marleen Leicher, Gustavo Gargiulo, Rodrigo Calveyra ;
Flûtes à bec, piffaro & basson ténor : Elsa Franck, Johanne Maître. Piffaro : Katharina Andres.
Basson basse : Jérémie Papasergio. Sacqueboutes alto & ténor : Adam Woolf, Fabien Moulaert.
Sacqueboute basse : Adam Bregman. Percussions : Thierry Gomar.
‣ Le Continuo : Lionel Desmeules, Aryel Richter, clavecin & orgues ;
Quito Gato, Thomas Dunford, théorbes & guitare ; Marie Bournisien, harpe ;
François Joubert-Caillet, basse de viole & lyre ; Margaux Blanchard, basse de viole.
‣ Une production conjointe de la Cappella Mediterranea, du Chœur de Chambre de Namur
et de l'Ensemble Clematis. Direction technique et artistique : Jérôme Lejeune, pour Ricercar.
Direction musicale : Leonardo García Alarcón.
▸ Les photographies illustrant cet article (issues non du concert de l'après-midi, mais de la répétition
du matin du 26 février) sont publiées avec l'aimable autorisation de Leonardo García Alarcón.
À l'exception de celle représentant Alarcón lui-même, elles sont toutes de l'auteur de ces lignes.
▸ Les photographies illustrant cet article (issues non du concert de l'après-midi, mais de la répétition
du matin du 26 février) sont publiées avec l'aimable autorisation de Leonardo García Alarcón.
À l'exception de celle représentant Alarcón lui-même, elles sont toutes de l'auteur de ces lignes.
Ce jalon n'est pas parfait, nous l'avons consenti. Il est beaucoup mieux : désiré, conçu puis porté, mis au monde enfin. C'est dire à quel point nous le chérissons, jusqu'à ses défauts même, qui participent de sa grandeur .........
RépondreSupprimer......... Ca, c'est de l'inteligence journalistique . On critique de manière constructive, ce sont des critiques que font grandir à l'artiste.... même les défauts on une place dans la beauté..... Et sourtout on a de l'éducation et le réspet dans l'écriture...... Merci Appoggiature !!!!!
Cher, très cher Fabiàn, je vous remercie infiniment pour ce compliment, qui rejaillit naturellement sur vous-même, vos collègues, et tous les artistes que nous avons tant de plaisir à chroniquer sur 'Appoggiature' !
SupprimerLe respect absolu des musiciens, qui est un devoir intangible quand on se pique de vouloir rendre compte de leur travail, cela comporte aussi l'honnêteté. Ce n'est certainement pas leur rendre service que de ne pas restituer son ressenti en âme et conscience... Merci encore à vous de l'avoir si bien compris, et restitué ici. :)