‣ Le visuel du Festival Paris Baroque |
Après l'acte de décès fort prématuré du Festival de Musique Ancienne du Marais, le paradoxe baroque de Paris s'est trouvé renforcé. En effet, de nombreux interprètes, chanteurs et instrumentistes de haut niveau, résident dans notre capitale - et pourtant, l'offre festivalière, avec ce qu'elle apporte de visibilité, de pédagogie, de rayonnement, en est redevenue absente.
☞ ☞ ☞ ☜ ☜ ☜
"Ferveur et extase", c'est le titre d'un disque confié par D'Oustrac et Amarillis, par conséquent, aux Éditions Ambronay. Un parcours dont l'originalité est d'offrir un parallèle entre des restitutions musicales de sentiments de deux figures archétypiques (L'amour aux deux visages) : ceux de la Vierge Marie pour son Fils crucifié, et ceux de la Reine de Carthage, Didon, envers Énée qui l'abandonna. Des partitions du XVII° siècle italien ont été choisies à cet effet par la co-directrice artistique Héloïse Gaillard. Auprès d'illustres compositeurs tels que Francesco Cavalli, Claudio Monteverdi ou Alessandro Scarlatti, ont ainsi trouvé place Barbara Strozzi (1619-c.1664), Biagio Marini (c.1587-1663), Michelangelo Faggioli (1666-1733), Andrea Falconieri (1585-1656), et Luigi Rossi (c.1597-1663).
V. Cochard, G. Gaubert-Jacques, F. Pacoud, A. Piérot, L. Coutineau, H. Gaillard, F. Baldassaré, M. Pustilnik, © site |
© www.stephaniedoustrac.com/photos.html |
Si ses Monteverdi, Scarlatti et Cavalli sont superbes par leur tenue dramatique comme par leur variété expressive, ce sont toutefois deux pages (une par partie, auxquelles il convient de rajouter, en bis, un Dido's Lament purcellien de très haute tenue) qui s'avèrent magistrales. Le Strozzi permet à d'Oustrac de toucher d'entrée par une oraison incantatoire à Marie, dont la piété révérencieuse tournant à l'obstination est déroulée avec une palette de coloris digne d'une transe poétique (1). La cantate précitée de Faggioli, quant à elle plus tardive et constituée de deux récitatifs et airs au balancement d'affects bien huilés, lui offre l'occasion, sous les apprêts de Didon, de faire jouer à fond ses dons de tragédienne-née. Notamment au cours d'un finale dramatique, porté par les halètements du cello. Révérence !
☞ ☞ ☞ ☜ ☜ ☜
Deux jours plus tard, se sont produits, dans le même lieu, La Fenice et Jan van Elsacker, proposant un parcours de Psaumes autour de la Nativité - allemands cette fois, et du XVIIe siècle toujours, sous le nom d'In dulci jubilo. Là encore, une parenté (très partielle) avec un recueil Alpha, réunissant l'ensemble de Jean Tubéry et Hans Jörg Mammel à la place d'Elsacker, Psaumes de David en Allemagne du Nord. Et là toujours, une grande variété de compositeurs de notoriété diverse : les renommés Dietrich Buxtehude, Heinrich Ignaz Biber et Heinrich Schütz faisant office de tuteurs, auprès de Johann Sommer (c.1570-1627), Jan Pieterson Sweelinck (1562-1621), Christoph Bernhard (1628-1693), Johann Hermann Schein (1586-1630), Matthias Weckmann (c.1616-1674) - Nicolaus Bruhns (1665-1697) ferme la marche. Une promenade en forme de florilège autour de quelques bourgeons du stylus fantasticus, déclinaison germanique du stil nuovo transalpin (2).
© http://animaeterna.be/geen-categorie/janvanelsacker/ |
Les interventions des musiciens de La Fenice (outre Jean Tubéry : Stéphanie Pfister, Mathurin Matharel, Thomas Dunford, Krzysztof Lewandowski, Philippe Grisvard) sont conformes à la flatteuse réputation qu'on leur connaît ; tant en appui du chanteur, que sans lui. Leur leçon instrumentale la plus impressionnante nous est fournie par un Sweelinck de toute beauté, le Da Pacem Domine, conclu par un Ricercar à quatre voix véritablement hypnotique. Pertinente préparation au Biber intemporel des vertigineuses Sonates du Rosaire (Rosenkrantzsonaten), dont Pfister propose une Annonciation lumineuse, à défaut d'extatique. À noter également, le prophétique Preambulum de Weckmann, toccata livrée par Grisvard à l'orgue de tribune en début de seconde partie.
© http://www.ensemblelafenice.com/les-favoriti-de-la-fenice_fr_03_22.html |
(1) À noter, une anecdotique mais très obsédante parenté (pas seulement verbale...) entre la chute de cette prière, et celle du lied Die junge Nonne de Franz Schubert !
(2) ❛ (...) le stylus fantasticus, issu du stil nuovo ou moderno italien et adapté aux pays germaniques. Exporté vers l'Autriche puis l'Allemagne, il devint une référence pour Schmelzer et Biber et arrive à pleine maturité dans la musique d'orgue de Buxtehude, et chez les allemands du Nord jusqu'à Bach sous le nom de "stylus fantasticus". "Le style fantastique est particulièrement instrumental. C'est la forme de composition la plus libre et la moins contrainte, qui n'est liée à aucun texte, à aucun sujet mélodique. Il a été institué pour faire preuve de génie et enseigner les formes harmoniques cachées, ainsi que d'ingénieuses compositions de phrases et de fugues". (Athanasius Kircher, Musurgia universalis, sive ars magna consoni et dissoni, 1650). Ce vocable employé historiquement dans sa forme latine stylus fantasticus, désigne en musique un style libre plus particulièrement instrumental et italien (Merulo, Frescobaldi), de la première moitié du XVII° siècle. Si le stylus fantasticus recouvre une manière particulière de composer, pleine de fantaisie par opposition à la sobriété de l'écriture plus ancienne du stil antico, il impliquait nécessairement une attitude différente de la part de l'interprète. (...) ❜ © William Dongois ‣ lire plus sur le site du Concert Brisé.
‣ Paris, Église Saint Louis en l'Île, 30 novembre & 2 décembre 2012. Festival Paris Baroque 2012.
Une programmation initiée par Julien Le Mauff et son équipe.‣ Ferveur et extase, L'Amour aux deux visages - Stéphanie d'Oustrac, mezzo soprano.
Ensemble Amarillis : Alice Piérot, Gilone Gaubert-Jacques, Fanny Pacoud,
Frédéric Baldassaré, Ludovic Coutineau, Monica Pustilnik.
Frédéric Baldassaré, Ludovic Coutineau, Monica Pustilnik.
‣ Cavalli, Strozzi, Marini, Monteverdi, A. Scarlatti, Faggioli, Falconieri, Rossi - bis : Pergolesi, Purcell.
Héloïse Gaillard & Violaine Cochard, flûte à bec, clavecin, orgue & direction.
‣ In dulci jubilo. Psaumes & Nativité dans le baroque allemand - Jan van Elsacker, ténor.
Héloïse Gaillard & Violaine Cochard, flûte à bec, clavecin, orgue & direction.
‣ In dulci jubilo. Psaumes & Nativité dans le baroque allemand - Jan van Elsacker, ténor.
Ensemble La Fenice : Stéphanie Pfister, Mathurin Matharel,
Thomas Dunford, Krzysztof Lewandowski, Philippe Grisvard.
Thomas Dunford, Krzysztof Lewandowski, Philippe Grisvard.
‣ Sommer, Sweelinck, Bernhard, Biber, Schein, Schütz, Weckmann, Buxtehude, Bruhns - bis : J.S. Bach.
Jean Tubéry, cornets, flûtes & direction.