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vendredi 31 mai 2013

❛Opéra❜ Retour très attendu de Mârouf savetier du Caire d'Henri Rabaud (1914) à l'Opéra Comique • Comment se défaire des "calamiteuses"... ou : les Cairotes sont cuites.

Acte II : Frédéric Goncalvès (Ali) & Jean-Sébastien Bou (Mârouf) - © Pierre Grosbois, Opéra Comique
Jubilatoire ! Voici un certain temps que l'Opéra Comique ne nous avait convié à pareil aboutissement, à telle fête des oreilles, des yeux, du cœur et de l'esprit. Depuis Cadmus & HermioneAtys, Fortunio, Les Mamelles de Tirésias ou Pelléas et Mélisande, au moins. Entre-temps, des productions baroques de haute qualité musicale s'y sont un tant soit peu engluées dans un intérieur nuit plutôt répétitif, tandis que d'importantes recréations françaises soutenues par le Palazzetto Bru Zane y ont plus ou moins accumulé toiles peintes et carton-pâte de grand papa (Béatrice et Bénédict, Mignon, Le Freischütz, Amadis de Gaule, La Muette de Portici...).

Henri Rabaud (1873-1949), n'a pas toujours été le quasi-inconnu qu'il est devenu dans nos mémoires "modernes". Disciple de Jules Massenet, contemporain de ce Max d'Ollone dont le Palazzetto vient de nous révéler les Cantates (chronique à venir), Rabaud fut un polyvalent, qui n'écrivit pas que ce Mârouf, succès considérable en son temps revenu au jour pour notre plus grande joie, pas seulement compositeur - mais encore chef d'orchestre (jusqu'à diriger "le" Boston), directeur du Conservatoire... avant de se voir reprocher un comportement ambigu sous l'Occupation. D'autres opéras, créés au Comique puis repris à Garnier, des symphonies, la Procession nocturne et Églogue (remarquable enregistrement récent de Nicolas Couton chez Timpani), témoignent d'une grande et durable fécondité, qui rend d'autant plus inexplicable sa disparition des répertoires, au sortir de la dernière guerre.

Acte III : J.-S. Bou (Mârouf), N. Courjal (Sultan), F. Goncalvès (Ali) & le gynécée - © Pierre Grosbois, Opéra Comique
Mârouf, savetier du Caire a pourtant connu une légère postérité discographique, sous la forme de deux enregistrements français presque consécutifs (Le Conte 1964 et Etcheverry 1976... ce dernier publié seulement en 2002, chroniqué alors par Étienne Müller). Cette version faisait appel, pour le rôle-titre, aux dons de Michel Lecocq, ténor léger, ce qui soulève d'emblée la question de la tessiture, puisque Jean-Sébastien Bou est baryton. De fait, le personnage de Mârouf n'a pas été créé fortuitement en 1914 par Jean Périer : le premier Pelléas, douze ans auparavant dans cette même salle.

Le héros de Debussy et celui de Rabaud partagent une typologie plutôt désuète, celle du baryton Martin, dont le positionnement particulièrement aigu convient à certains ténors. Du reste, la première au Metropolitan Opera de New York, trois ans seulement après Paris, voyait opérer Giuseppe De Luca : un Posa, un Sharpless, un Sancho Pança... ! Se frotter l'oreille sur quelques archives est éloquent vis à vis des ressources "barytonales" de l'emploi, ainsi André Gaudin, ou - surtout - le fabuleux Michel Dens. Côté ténor, un Henri Legay de grand luxe vient relativiser, de la tête et des épaules, les peu convaincantes sonorités tirées ou maniérées (en tout cas forcées) du plus récent Roberto Alagna.

Le sujet de l'œuvre elle-même nous ramène à ce qu'était alors, toute fraîche émoulue de deux expositions universelles (1889 et 1900), une puissance coloniale arrogante, par surcroît friande d'orientalisme, l'un expliquant aisément l'autre. Lucien Népoty, librettiste qui signera pour le même Rabaud Rolande et le mauvais garçon (1933), ne s'est pas encombré d'égards pour dépeindre une religion musulmane prêtant le flanc au ridicule ; misogynie appuyée en prime, au moins à l'Acte I avec la personne de Fattoumah, "calamiteuse" mégère ayant pris son époux Mârouf pour souffre-douleur. Autour d'eux, Kadi, Sultan, Vizir et autres Fellah complètent une Égypte suffisamment arabisée pour offrir à sa loufoquerie un dépaysement à moindre coût.

Acte IV : Jean-Sébastien Bou (Mârouf) & Nathalie Manfrino (Saamcheddine) - © Pierre Grosbois, Opéra Comique
Car, n'en déplaise à la forme très "grand opéra" voire tragédie lyrique en cinq actes, avec s'il vous plaît le ballet codifié au III (une Bacchanale de Saint-Saëns en nettement mieux, ce qui n'est guère difficile), nous voici bel et bien plongés dans une drôlerie qu'il faut se garder de juger avec nos lunettes du XXI° siècle. "Opéra comique" - pas au sens propre, puisque de dialogue parlé il faut se passer - Mârouf est une sorte d'enfant lointain du Désert de Félicien David (1844), qui jetterait un pont entre Chabrier et Roussel avec une vive connotation Pierné (le ballet de Cydalise et le chèvre-pied...). Les références nationales pullulent, de Berlioz (l'air très "haute-contre" au début du V, comme dans Les Troyens) à Debussy (prélude du IV : ahurissant copié/collé des "souterrains" de Pelléas !) ; de Massenet à D'Indy, Magnard, Messager. Quoique, hormis Chabrier héritant d'un clin d'œil évident à la leste "Scène du Pal" qu'écrivit Verlaine pour son Étoile ("Je vais faire entrer ma longueur dans ta largeur"), aucun, certainement, ne soit aussi drolatique.

Henri Rabaud (1873-1949)
Il y a quelque chose, dans le chœur final, du Tutto nel mondo è burla de Falstaff. Il s'agit bien ici d'une farce, puisque toute la pièce tourne autour de l'affabulation de Mârouf, abandonnant la virago Fattoumah, pour vider le trésor d'un Sultan qui s'est entiché de ses supposées richesses. Ruser, mentir, endurer, pour faire patienter jusqu'à l'arrivée d'une prétendue caravane (du Caire), farcie de denrées et de bijoux, afin de rembourser l'hôte de ses largesses. Une caravane totalement "bidon", bien sûr... mais que l'opportuniste, en fuite avec son aimée Saamcheddine, fille du Sultan, voit à la toute fin débouler incrédule, dea ex machina, pour sauver sa tête et celle de son acolyte Ali. La réalité dépasse la fiction ! Pas de doute, nous sommes chez Aladin et la lampe merveilleuse.

Impossible en outre ne de pas relever l'allusion au trésor de Fafner (Der Ring, Wagner), au V, par le biais du souterrain magique que le Felllah/Genni, bref Aladin, met au jour... après l'arrachage inopiné d'un anneau ! Nous l'avons compris, le socle de l'histoire, à lui seul, est une ruche de références, cosmopolites, entremêlées et érudites. Orchestralement, la partition est un joyau, riche de rythmes, de mélodies et de couleurs - spécialement au niveau de la petite et grande harmonies, somptueuses - qui nous parle volontiers, là encore, un des plus beaux langages qui aient existé en ce domaine... à savoir le "Chabrier courant". Un idiome que l'éclectique Alain Altinoglu, aux manettes du splendide Philharmonique de Radio France, pratique comme personne, la lisibilité de ses plans n'ayant d'égale que l'ondulation souple et serpentine conférée aux orientalismes récurrents.

Acte I : J.-S. Bou (Mârouf) jugé par le Kâdi (O. Déjean) devant sa "calamiteuse" (D. Lamprecht) - © P. Grosbois, O.C. 
Et les voix ? Sans revenir sur le dilemme précité, concédons qu'Henri Rabaud s'est montré sans pitié quant à la charge écrasante de son héros. Mârouf chante pour ainsi dire tout le temps, au long de cinq actes, ses seuls répits lui étant accordés aux débuts des III et IV ! Non seulement sa partie est tendue comme un arc, mais en prime elle est sans cesse sur le fil du rasoir entre les différents niveaux d'ironie, ce qui suppose un jeu d'acteur hors pair. C'est le cas de Jean-Sébastien Bou, auteur in loco d'Henri de Valois ou autres Clavaroche de premier plan, sans parler d'enregistrements "Palazzetto" bluffants : sa prestation est ici, de bout en bout, ébouriffante. Farfadet agile et terriblement séduisant, roublard, attendrissant, tour à tour manipulateur et ahuri, il dispense sans compter autant de mordant que d"homogénéité, malgré la tenaille d'un ambitus assassin qui le violente à l'occasion. Un exploit.

Sa princesse Saamcheddine est pour ainsi dire au niveau. Seul, un vibrato un peu prononcé sur la fin nous rappelle les difficultés passagères qu'a entrevues Nathalie Manfrino, avant que sa fastueuse Thaïs du 7 décembre au même endroit ne vienne dissiper nos craintes. Elle aussi, sait alterner espièglerie et tendresse pour aider son timbre mellifère à passer la rampe d'un orchestre fourni. En Sultan, la basse sonore mais nuancée de Nicolas Courjal (Assur en Sémiramis de Catel à Montpellier) est conforme à sa réputation : ample, chaude, percutante, malgré l'ingratitude de ses habits de jobard pataud - une réminiscence du Mustafà de l'Italiana in Algeri ! À l'exception du Vizir décevant de Franck Leguérinel qui parle plus qu'il ne chante, tous les autres n'appellent que des éloges. En particulier : Doris Lamprecht, impayable Cairote-repoussoir (Acte I), Frédéric Goncalvès (Ali, ami d'enfance de Mârouf) et le Fellah/Genni de Christophe Mortagne, ténor à la française aux aigus capiteux de narguilé (Acte V).

Acte II : N. Courjal (Sultan), F. Leguérinel (Vizir), J.-S. Bou (Mârouf) & F. Goncalvès (Ali) - © P. Grosbois, O.C.
La mise en scène et les décors/costumes, amusants sans plus, apportent ce qu'il faut de chatoyant et de décalé - sauf au I, sinistre, et au III, étriqué - pour surligner le discours musical sans le dénaturer. Toutefois, rien de nouveau sous le soleil du Caire, tant les ficelles tirées par Jérôme Deschamps ressemblent à tout ce que nous connaissons déjà de leur auteur, les redites étant nombreuses (en direction de l'Étoile qui ouvrit son règne, par exemple). Ainsi un zeste d'ennui surgit-il ici ou là. Cette réserve n'est pas rédhibitoire, mais prive cette réalisation de l'accessit qui lui tendait pourtant la main.

Peccadilles ! Point capital mais trop souvent desservi, la diction de tous ces artistes est superlative. Or, ce n'est pas toujours le cas des chanteurs français... car ce soir, les gosiers de l'Hexagone sont bel et bien à la fête. Chérir les talents de toutes origines n'empêche pas d'applaudir à tout rompre quand, enfin, un pan aussi méconnu qu'important de notre patrimoine est confié - et avec quel brio - à des femmes et des hommes qui en sont les légataires naturels, bref : des prophètes en leur pays.

 Parcourir le site de l'Opéra Comique.
 Un intéressant reportage vidéo sur la genèse le la genèse de cette production.
 Paris, Opéra Comique, 25 V 2013 :
Mârouf, savetier du Caire, opéra-comique d'Henri Rabaud
sur un livret de Lucien Népoty (1914).

 Prochaines représentations : les 31 mai & 3 juin à 20 heures, 2 juin à 15 heures.

‣ Jean-Sébastien Bou, Nathalie Manfrino, Nicolas Courjal, Franck Leguérinel, Frédéric Goncalvès, Doris Lamprecht, Christophe Mortagne, Luc Bertin-Hugault, Geoffroy Buffière,
Olivier Déjean, Patrick Kabongo Mubenga, Ronan Debois, Safir Behloul, danseurs.

 Mise en scène : Jérôme Deschamps. Chœur Accentus, Orchestre  Philharmonique de Radio France.
Direction musicale : Alain Altinoglu.

mardi 18 décembre 2012

❛Concert❜ Jules Massenet (1842-1912), pages choisies de Thaïs • Nathalie Manfrino, Markus Werba & Laurent Campellone : une triade à la hauteur d'un centenaire.

Jules Massenet (Montaud [Saint-Étienne], 1842 - Paris, 1912)
Dans un monde musical parfait, où la reconnaissance des grands créateurs du passé irait de soi, des commémorations telles que centenaires ou autres anniversaires à compte rond n'auraient pas de raison d'être... hors appétits commerciaux. Reconnaissons que, dans l'absolu, nous nous en passerions très bien, tant ces rituels sont souvent affublés de bons sentiments, et d'un curieux sens du devoir de mémoire frisant parfois la corvée.

Malheureusement, des fréquentations routinières, des répertoires tombés en désuétude ou des difficultés techniques spécifiques, éloignent tellement certains génies de notre horizon, que nous ne pouvons que faire de ces actions de grâce programmées une vertu. Quand elles existent ! Surtout en France, nation assez encline à l'amnésie, soit envers des étrangers talentueux qui l'ont fréquentée, voire adoptée (Bohuslav Martinů en 2009, Frederick Delius cette année...), soit envers certains des meilleurs représentants de son propre patrimoine.

Markus Werba, © non communiqué
Jules Massenet, décédé à l'âge de soixante-dix ans, le 13 août 1912, en est le parfait exemple : signataire d'une quarantaine d'opéras - certains sont inachevés, d'autres perdus -, mais aussi de drames sacrés ou profanes, de ballets, de musique symphonique ou de chambre, de mélodies, d'œuvres pour piano... il n'est plus guère reconnu dans son pays que par le biais des "tubes" que sont demeurés son Werther, et surtout l'omniprésente et inégale Manon. C'est ainsi qu'après l'annulation de la soirée du 31 mars au Théâtre des Champs Élysées, seul un couplage insolite de La Navarraise avec Le Dernier jour d'un condamné de David Alagna (29 septembre) avait jusqu'ici honoré Paris.

Depuis des décennies pourtant, une ville résiste courageusement à l'oubli : Saint-Étienne, patrie du musicien, organisatrice d'une biennale, dont le présent concert constitue la clôture de la onzième édition (en particulier marquée par la "résurrection" du Mage de 1891). Envisagée un temps avec Thomas Hampson aux côtés de Nathalie Manfrino, cette sélection des plus belles pages, vocales et symphoniques, de Thaïs (1894) - l'un des chefs d'œuvre de son auteur - a finalement vu l'Autrichien Markus Werba remplacer l'Américain, le rarissime poème symphonique Visions... (1890-95) prenant place en ouverture.

La pièce, d'après Anatole France, raconte comment la courtisane d'Alexandrie, Thaïs, se voit proposer par le moine Athanaël, soi-disant investi d'une mission divine, de rentrer dans le droit chemin de la foi. À mesure que la conversion fait son chemin, les sentiments du cénobite s'enflamment au point de tourner à la passion amoureuse, mais il est trop tard, l'hétaïre expirant dans la piété la plus extatique. La partition comporte maintes splendeurs orchestrales, dont la très dévoyée Méditation est la plus célèbre. Les deux rôles principaux représentant à eux seuls les deux tiers des parties chantées, c'est ainsi une part conséquente de l'opéra qui est proposée, la narratrice Arièle Butaux se chargeant, non sans une pointe d'humour, d'assurer la présentation de chaque partie.

Markus Werba (ci-dessus, notre Papageno du T.C.E. en 2011), démarrant ex abrupto par son seul air de l'Acte I "Voilà donc la terrible cité", commence plutôt mal : le chant n'est pas projeté mais comme engoncé, le timbre ingrat, le français terriblement approximatif, la couleur absente. Par chance, ces défauts assez fâcheux vont en s'estompant : lentement au cours du II qui s'enchâsse ("Non loin d'ici, vers l'occident"), très nettement par la suite, après l'entracte. Sans doute mis en confiance par sa partenaire et par son chef, le baryton prend de l'aplomb au premier tableau du III - et communique même une émotion tripale à l'occasion de sa seconde Vision et de son duo final... en dépit d'une diction toujours aussi aléatoire.

Nathalie Manfrino, © Decca Classics
Face à lui, Nathalie Manfrino (ci-contre) était extrêmement attendue : cette jeune et élégante soprano, après avoir exposé naguère son matériau cristallin dans des scènes lourdes (de Cyrano de Bergerac ou Mireille...), avait dû annuler le 31 mars précité, au moment même où son disque Massenet/Plasson laissait apparaître des dommages inquiétants (vibrato prononcé, aigus tendus). Amenée elle aussi à entrer de plain-pied dans le vif du sujet avec son air "du miroir" au II, elle en épouse toutes les gradations dynamiques et expressives, pratiquement sans séquelle ;  offrant en prime une caractérisation formidable, à cent lieues du réchauffé pour récital.

Réserve faite (encore) de la diction française, fantasque, la suite n'est que pures délices - des deux grands duos jusqu'à la Mort, en passant par la Vision d'Athanaël. La variété des inflexions enchante, la candeur rédemptrice possède ce juste ce qu'il faut de sulpicien, tout comme émeuvent les opalescences du médium, à voix pleine ou en sons filés : son exhalaison à voix mourante "Dans la cité céleste nous nous retrouverons" occupera longtemps une place de choix sur notre étagère à trophées.

Cependant, le grand triomphateur du soir est Laurent Campellone (plus bas). Ce jeune maestro, installé aux manettes de l'Opéra Théâtre de Saint-Étienne et de l'Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire depuis 2004, présente un curriculum vitae épicé qui ne se limite pas, tant s'en faut, à ses (nombreuses) défenses et illustrations du répertoire français du XIX° siècle, qu'il affectionne particulièrement. Au service de Jules Massenet, il est dans son jardin ; particulièrement dans cet opéra luxuriant à l'effectif post-wagnérien, digne des contemporains Chabrier (Gwendoline, Briséis) ou Chausson (Le Roi Arthus). La très belle pâte orchestrale stéphanoise, où brille une petite harmonie de luxe, se déploie peu à peu avec un sens dramatique structuré, précis, voire suffocant, sous sa gestique d'elfe bondissant. Chérissant visiblement ses instrumentistes comme ses chanteurs (1), Campellone connaît - à rebours de quelques autres - la différence entre un orchestre puissant et un bruyant.  Une Méditation impeccable, chaste sans mièvrerie, et une Course dans la nuit en forme de leçon de théâtre complètent le tableau.

Terminons en gourmet avec la recréation liminaire, Visions... . Le chef lyrique et symphonique est, aussi, chef d'investigation ; non seulement au service des raretés, mais qui plus est, des raretés qui font sens. Ce magnifique poème symphonique et onirique, tiré d'impressions de voyage de 1890, constitue, ne serait-ce que par son titre allusif, la meilleure des introductions à l'univers fantasmatique d'un Athanaël, illuminé aux visions récurrentes. Il l'est  également par l'originalité de son orchestration : à deux reprises, un concertino en coulisses fait intervenir une harpe, un violon... et une curiosité technique du nom d'électrophone (remplacé, la seconde fois, par la soprano à bouche fermée). Cet instrument expérimental, alors tout nouveau mais sans lendemain (2), petite onde Martenot avant la lettre, produit une sorte de son sylvestre et "ululant"... ayant enflammé l'imagination du compositeur.

Laurent Campellone, directeur de l'Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire, © ConcertClassic.com
Délectable et intelligente entrée en matière : voici, on ne peut plus inattendu, de l'historiquement informé qui nous projette dans l'avenir, la musique électro-acoustique en l'occurrence ! Sacré Massenet, créateur inépuisable - symphoniste inventif, mélodiste subtil... et visionnaire fécond. Autrement dit, un mage.


 Pièces à l'écoute simple, en bas d'article  Acte I, 2° tableau : Air d'Athanaël, "Voilà donc la terrible cité" - Acte II, 1° tableau : Récit de Thaïs, "Ah ! Je suis seule, seule enfin" - Acte II, 1° tableau : Air de Thaïs, "Dis-moi que je suis belle"Acte III, 1° tableau : Fin du duo Athanaël/Thaïs, "Mon œuvre est accomplie".

‣ Thomas Hampson, Renée Fleming, Orchestre National Bordeaux Aquitaine, direction d'Yves Abel. Extraits de l'intégrale © Decca Classics 2000, POUVANT ÊTRE ACHETÉE ICI.

 Cliquez pour lire l'entretien avec Laurent Campellone, sur le site ConcertClassic.

 Paris, Opéra Comique, 7 décembre 2012. Jules Massenet (1842-1912) - Autour de Thaïs.
Un programme initié par la onzième Biennale Massenet de l'Opéra Théâtre de Saint-Étienne.

‣ Poème symphonique Visions... (1890-1895), dans sa version originale avec électrophone.
Thaïs, opéra en trois actes (1894) : pages choisies.

‣ Markus Werba, baryton - Nathalie Manfrino, soprano - Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire,
direction : Laurent Campellone