Un enregistrement Naïve pouvant être téléchargé ICI |
L'addiction guette, tant la cantatrice et son fidèle comparse Alain Altinoglu réinventent le genre : plus - tellement plus - qu'un accompagnateur, en partenaire subtil et attentif, ce dernier parvient à "orchestrer" pianistiquement les moirures des mélodies... comme s'il en était l'auteur ! Les grandes devancières en prennent un sacré coup de poussière : pour commencer, l'immense Crespin soi-même, dans ces Histoires naturelles à l'ironie tendre, si complexe à restituer, par lesquelles s'ouvre la présente anthologie.
Constat similaire, pour les renommées Chansons madécasses : Jessye Norman s'y voit surclassée, que ce soit dans l'une ou l'autre de ses versions, d'ailleurs. Le mezzo soprano reste toujours authentique, limpide et naturel ; tout en sachant surprendre, captiver, en un mot subjuguer . Déployant à cet effet les ors d'une voix satinée et opulente, elle peut à ce jour s'enorgueillir d'être prima inter pares dans ces divagations rêveuses. Un statut que certaines de ses consœurs actuelles (telle Magdalena Kozenà, peu inspirée en la matière) devront batailler âprement pour lui ravir.
Maurice Ravel (1875-1937) |
Nora Gubisch enveloppe, caresse chaque mot, chaque inflexion avec une infinie noblesse : ainsi fait-elle sonner le délicieux Sur l'herbe comme du Poulenc (voire du Chabrier tardif), ou bien relie Ronsard à son âme à l'Edgard Varèse (1883-1965) du Grand sommeil noir (un texte de Verlaine, également mis en musique par... Ravel). Que dire des deux Mélodies hébraïques au lyrisme extatique, dont les somptueux mélismes orientalisants s'avèrent proches de l'univers sombre et tourmenté du Requiem ebraico d'Eric Zeisl (1905-1959) ? Elle tisse ainsi des filiations stupéfiantes entre des langages musicaux apparemment très éloignés les uns des autres (quoique...).
Altinoglu, Gubisch - © Festival de Saint Denis |
Maurice Ravel révélé à lui même ? Guère étonnant que le Basque n'ait jamais décroché l'académique - mais si convoité - Prix de Rome ! Il dévoile une science unique des harmonies florales, pourprées d'une intense force poétique... et d'une insondable mélancolie.
Après Duparc et Ravel, et dans l'attente de la parution prochaine de la récente Thérèse de Massenet recréée au festival de Montpellier : quelle sera la suite ? À l'écoute de ce disque passionnant - miraculeux, même - nous ne pouvons que songer à la phrase d'Helen, une héroïne du Secret magnifique de Douglas Sirk : "J'ignorais que le monde pouvait être aussi beau".
(1) Le Festival de Saint Denis a préalablement programmé l'été dernier un concert au cours duquel les deux artistes ont offert à leur public les Cinq mélodies populaires grecques et les Histoires naturelles.
‣ Retrouvez d'autres de nos chroniques sur Alain Altinoglu : Les Hauts de Hurlevent et Perelà, uomo di fumo - deux productions montpelliéraines de haute volée (avec Nora Gubsich dans le cas de Perelà) !
‣ Pièces à l'écoute simple, en bas de page ‣ 1) "Chanson des cueilleuses de lentisques" (Cinq mélodies populaires grecques) - 2) Tripatos - 3) "Kaddisch" (Deux mélodies hébraïques).
‣ Étienne Müller
‣ Maurice Ravel (1875-1937) : Mélodies (Histoires naturelles, Trois chansons madécasses,
Cinq mélodies populaires grecques, Deux mélodies hébraïques...).
‣ Nora Gubisch, mezzo soprano ; Alain Altinoglu, piano.
Cinq mélodies populaires grecques, Deux mélodies hébraïques...).
‣ Nora Gubisch, mezzo soprano ; Alain Altinoglu, piano.
Je suis en train d'écouter les extraits...Stupéfiant est l'adjectif qui convient me semble-t-il à cette voix...Une découverte enchanteresse me concernant. Grand merci à Etienne et à l'équipe d'App0 pour cette chronique.
RépondreSupprimerMerci à vous, chère Cathie, pour vos encouragements. Je suis cette belle artiste attachante et éclectique depuis les mémorables Fées du Rhin d'Offenbach (Montpellier 2002) ; j'attends avec impatience la publication de Thérèse de Massenet qu'elle vient d'interpréter l'été dernier lors du même Festival.
SupprimerBien à vous, je suis touché, Étienne
Grand merci d'avoir répondu à mon bien modeste commentaire eu égard à l'éblouïssant travail que vous nous donnez à lire et à entendre...Inutile de vous dire que je guetterai votre recension de Thérèse Massenet et vous souhaite, comme à toute l'équipe AppO que je vois croître avec grand plaisir, le meilleur.
RépondreSupprimerMerci encore, chère Cathie... Ah, ça, Thérèse, je la guette aussi !! :)
SupprimerLe meilleur pour vous également, vous le méritez grandement... Étienne
Grand merci.
RépondreSupprimerAbsolument enchanté que cet article vous ait plu, Mikhail ! Cordialement,
SupprimerÉtienne