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lundi 14 octobre 2013

❛Concerts❜ XXXIV° Festival d'Ambronay (Week-end III) "la machine à rêves" • Grandes réussites de Sébastien, Paul et quelques autres... "A l'impero d'amore, chi non cederà ?"

‣ Nos autres chroniques de Festivals de l'été 2013 :
FLÂNERIES MUSICALES DE REIMS • VERSAILLES VOIX ROYALES  MUSIQUES À LA CHABOTTERIE ...

Le jeune ensemble RADIO ANTIQUA à la SALLE MONTEVERDI - © Bertrand PICHÈNE, CCR Ambronay
L'édition 2013 du Festival de Musique Baroque d'AMBRONAY a adopté jusqu'au 6 octobre, sous le nom de « machine à rêver », une thématique onirique qui sied à merveille à la passation de pouvoirs d'Alain BRUNET à Daniel BIZERAY. Ainsi que le directeur général sortant s'en ouvre dans sa présentation, le rêve, c'est ce "I have a dream" qu'il a conçu, nourri et développé pendant trente-quatre années, de la fondation, en 1980, à aujourd'hui. C'est - aussi - une très jolie façon de tirer sa révérence, en convoquant l'univers des possibles, par la boîte de Pandore que sont le conte, la fable et la la fantasmagorie. (1)

Le troisième week-end (sur quatre) était le plus approprié, sans doute, à cette fiction, puisqu'une « Nuit du Rêve » organisée à l'Abbatiale y a permis de découvrir un Concert Royal de la Nuit préparé par Sébastien DAUCÉ et son ENSEMBLE CORRESPONDANCES. Derrière lui, Belle comme la lune, un entrelacs de polyphonies Renaissance concocté par Lucien KANDEL et MUSICA NOVA : je reviens sur ce diptyque au sommet à la fin du présent article.

Enrico ONOFRI, Alessandro PALMERI, Luca GUGLIELMI - © Bertrand PICHÈNE, CCR Ambronay
Cette soirée fut précédée, Salle MONTEVERDI, d'un rituel "concert de dix-sept heures", dévolu comme il se doit à un jeune ensemble en résidence, en la circonstance RADIO ANTIQUA (Musique à la Cour de DRESDE, photographie de frontispice). Cinq étudiants du Conservatoire Royal de LA HAYE et de la Haute École de Musique de MUNICH (Lucia GIRAUDO, Isabel FAVILLA, Petr HAMOUZ, Giulio QUIRICI et Mariano BOGLIOLI) qui n'ont certes pas froid aux yeux, tant par la sélection de compositeurs fort rares, tels que REICHENAUER ou SCHAFFRATH, que par la mise en avant de partitions aussi redoutables que les Sonates Académiques de VERACINI.

Ces jeunes gens ont livré une prestation de qualité, particulièrement en ce qui concerne le basson très virtuose d'Isabel FAVILLA... par ailleurs flûtiste, et présentatrice des plus agréables (et souriantes ! ). VERACINI, par conséquent, les aura surtout mis en valeur - et pas seulement l'excellente violoniste Lucia GIRAUDO. En revanche, le Concerto de VIVALDI terminal m'a paru... on ne peut plus dispensable.

 Effets nocturnes à AMBRONAY - © Jacques DUFFOURG
Du VERACINI, il y en eut encore le lendemain, tôt, dans la même salle ; cette fois confié, sinon à un "vétéran", du moins à l'un des plus capés des violonistes baroques des dernières décennies, Enrico ONOFRI, accompagné par Alessandro PALMERI (violoncelle) et Luca GUGLIELMI (clavecin, photographie plus haut). Leur programme, déroulant en outre des CIMA, ROGNONI, CASTELLO, UCELLINI, CORELLI (troisième centenaire de la mort) et autres TARTINI, était sur le papier l'un des plus excitants de tout le Festival.

Or, la montagne a presque accouché d'une souris... Manifestement crispé (par une prestation trop matinale ?), et surtout desservi par une humidité à l'effet désastreux sur des cordes en boyau, le virtuose italien, tout lyrisme bridé, a même dû s'interrompre pour tenter - sans beaucoup de succès - d'améliorer un accord pour le moins fâcheux, après le Siciliano initial de la terrifiante Sonate "Trille du Diable", qui donnait son titre au concert. Une exhibition au demeurant honorable... mais tellement en-deçà des délices promises !

Robert MURRAY, Paul McCREESH, Nicholas HURNDALL SMITH, Ashley RICHES - © Bertrand PICHÈNE, CCR Amb.
C'est bien davantage le dimanche après-midi, à l'Abbatiale, qu'ont plu (terme de circonstance) les récompenses musicales. Du HÆNDEL, encore ?! En la circonstance, le masque Acis and Galatea de 1731, remploi partiel de l'Aci, Galatea e Polifemo romain de 1708 confiée aux forces des GABRIELI CONSORT & PLAYERS et Paul McCREESH (photographies ci-dessus et ci-dessous). Si McCREESH, depuis trois décennies, a su prouver tant en plus en matière hændélienne, j'avoue jusqu'ici être demeuré, de sa part, dans l'attente de la révélation absolue. Cet Acis, sans le moindre instant de relâchement, sans facilité et encore mois routine, pourrait bien en être une.

Première arme à la disposition du chef, son cast so british et si homogène. Pas forcément le plus renommé du monde - pour le moment  ! - mais, à l'épreuve de ce feu pastoral : superlatif. Bien que jouant partition à la main, ces chanteurs s'emploient à conférer un minimum de vitalité à la version de concert, par un jeu et des mimiques tout à fait plaisants, sans la moindre lourdeur.

Paul McCREESH & Mhairi LAWSON - © Bertrand PICHÈNE, CCR Ambronay
Mhairi LAWSON révèle une Galatée magnifique : voix piquante et bien projetée, timbre fruité, vocalisation impeccable, expressivité à revendre et gracieux maintien - rien ne lui manque. En Acis racé, lyrique à souhait mais jamais mièvre, Robert MURRAY ne lui cède en rien, digne héritier de ténors anglais aussi prestigieux que Stuart BURROWS, Philipp LANGRIDGE ou Anthony ROLFE JOHNSON.

Le juvénile "blondinet" Ashley RICHES campe un Polyphème crédible, dont les graves impressionnants ne contrarient en rien les truculentes (et séduisantes) menées graveleuses ; tandis que les deux autres ténors, particulièrement Simon WALL en fringant Damon, délivrent un chant aussi châtié que tendre. C'est à ce petit groupe de cinq protagonistes seulement - suivant en cela certaines préconisations documentées - que McCREESH confie la totalité des chœurs. C'est là sa seconde arme.

En effet, à l'image de ce que tente MINKOWSKI, suivant les indications de RIFKIN, dans les Passions de BACH, la modestie de l'effectif n'obère en rien la grandeur des "masses chorales" de HÆNDEL, en garantissant une lisibilité de parties optimale. À cet égard, le surnaturel et très contrapuntique Wretched lovers, l'une des plus belles pages jamais écrites par son auteur, constitue sans contredit le sommet d'une après-midi anglaise placée sous le signe de la réussite.

Sébastien DAUCÉ et les artistes de l'ENSEMBLE CORRESPONDANCES - © Bertrand PICHÈNE, CCR Ambronay
Réussite, triomphe même : c'est encore le mot adéquat pour qualifier le Concert Royal de la Nuit voulu et dirigé in loco, la veille au soir, par Sébastien DAUCÉ. En tant que chef d'orchestre et de chœur, il s'agit pour lui d'une première ambronaisienne (2). Son ENSEMBLE CORRESPONDANCES (photos ci-dessus et plus bas), fondé en 2008, s'est jusqu'ici illustré dans la musique française sacrée du XVII° siècle : Marc-Antoine CHARPENTIER, Antoine BOËSSET... À l'occasion de la sortie d'un nouveau disque CHARPENTIER, le Festival avait d'ailleurs programmé quelques jours auparavant, à l'église de PÉROUGES, les Motets pour la Maison de GUISE.

Concert Royal de la Nuit, qu'est-ce à dire ? Le jeune maître d'œuvre s'en explique, avec beaucoup de brio et de pédagogie, lors de la causerie préliminaire organisée à la Tour Dauphine. Il s'agit d'un ballet de cour, ici un grand divertissement aux ambitions politiques servies par des moyens quasi pharaoniques, organisé par MAZARIN en 1653 - soit vingt ans exactement avant la naissance de la tragédie en musique avec Cadmus et Hermione de LULLY - afin de sceller le ralliement au jeune souverain Louis XIV, des princes factieux de la Fronde.

Le Cardinal se donne les moyens de ses ambitions. Sont mandés les compositeurs Jean DE CAMBEFORT et Michel LAMBERT, le gourou ultramontain des machineries Giacomo TORELLI, le librettiste Isaac DE BENSERADE ; tous en charge de composer une pièce, jouée du crépuscule à l'aube, et consacrée, autour de quatre "Veilles", au merveilleux de la Nuit. Sébastien DAUCÉ, pour faire renaître ce merveilleux, s'est lui-même mué en magicien, compte tenu du peu de matériau parvenu jusqu'à nous (essentiellement, la partie de violon) ! Réécrivant les parties intermédiaires, il consolide, agence... et incorpore - exquise liberté - des extraits d'opéras italiens, contemporains et créés en France : Ercole amante (1662, CAVALLI) et Orfeo (1647, ROSSI). (3)

Sébastien DAUCÉ - Un cliché de Jean-Baptiste MILLOT, pour la plate-forme QOBUZ
Le résultat est au-dessus des plus hautes espérances. Pas seulement parce que nos fameux Goûts Réunis fonctionnent ici à plein, syncrétisme idéal entre ces superbes partitions cisalpines et transalpines. Il l'est aussi et surtout par la grâce d'un ensemble orchestral et vocal - et d'un chef - tout simplement exceptionnels. La seule gestuelle de DAUCÉ constitue en elle-même un étonnant poème lyrique. Raffinée, millimétrée, plastique voire sculpturale ; efficace et virevoltante, elle déborde d'amour envers les musiciens. Ah ! ce complice A l'impero d'amore chi non cederà ("qui ne cèdera au pouvoir de l'amour") de ROSSI, chanté à mi-voix avec le chœur des Driades...

Les autres intervenants ne sont pas en reste : quel aréopage, que cette vingtaine d'instrumentistes jouant comme un seul, sous la houlette du premier violon élégantissime de Béatrice LINON ! DAUCÉ prend soin de confier au moins une intervention d'avant-scène à chacun de ses dix (!) solistes/choristes (noms en pied d'article)... qui sont parmi les meilleurs que j'aie jamais entendu opérer dans un répertoire baroque.

Si tous, absolument tous, doivent être louangés, mention particulière à Lucile RICHARDOT, bas-dessus c'est à dire mezzo soprano, ébouriffante dans le monologue de la Vénus italienne ; et à Davy CORNILLOT, splendide taille (ténor) à qui est dévolu le souffle de l'Aurore, tirant, du velours de sa mezza voce, sa révérence - et la nôtre - à la Nuit.

Violaine LE CHENADEC, Sébastien DAUCÉ & CORRESPONDANCES - © Bertrand PICHÈNE, CCR Ambronay
La reprise magistrale d'A l'impero d'amore, en conclusion - ferveur digne des récentes grandes heures d'Ambronay, telles que le Diluvio Universale ou Nabucco - laissait peu de chances à Lucien KANDEL et MUSICA NOVA de pouvoir, à leur suite, rehausser l'enchantement.

Ces derniers sont au moins parvenus à le prolonger (ce qui n'est pas un mince compliment), au cours d'un programme Renaissance d'une rare intelligence, entremêlant la Missa assumpta est Maria de Giovanni Pierluigi da PALESTRINA, et des motets dédiés au Cantique des Cantiques signés du même PALESTRINA, de Roland de LASSUS et de Carlo GESUALDO.

Le raffinement parfois sévère de ces oraisons, moins passionnées qu'incantatoires, mais non point désincarnées, constituait le meilleur hommage possible, fût-ce a contrario, à l'exubérance de la Nuit louisquatorzienne. A l'impero di DAUCÉ chi non cederà ?

Le Cloître de l'Abbatiale d'AMBRONAY de nuit - © Jacques DUFFOURG


(1) Au sein d'une programmation très riche, relevons la présence de Leonardo García ALARCÓN (artiste en résidence), LA RÊVEUSE, Stéphanie D'OUSTRAC, William CHRISTIE, Christophe ROUSSET, Jordi SAVALL... et bien d'autres.

(2) "Mais certainement pas d'une dernière", pour reprendre la présentation du maître des lieux !

(3) Impossible de ne pas retranscrire la remarquable conclusion de Sébastien DAUCÉ soi-même : "Les juxtapositions et les miroirs qui composent ce Concert royal de la Nuit évoquent l'esthétique du début du Grand Siècle où le merveilleux côtoie le réel, où deux mondes coexistent sans que la raison en soit contrariée."

 AMBRONAY (Ain), "La Machine à Rêves", XXXIV° Festival de Musique Baroque, 28 & 29 IX 2013 :

• Musique à la Cour de DRESDE, un programme de l'Ensemble RADIO ANTIQUA.
• Concert Royal de la Nuit (première mondiale), un programme de l'Ensemble CORRESPONDANCES.
• Belle comme la Lune, un programme de l'Ensemble MUSICA NOVA.
• Le Trille du Diable, un programme de l'Ensemble IMAGINARIUM.
• Acis and Galatea, masque (1731) de G.-F. HÆNDEL, par le GABRIELI CONSORT & PLAYERS.

 RADIO ANTIQUA : Lucia GIRAUDO, Isabel FAVILLA, Petr HAMOUZ,
Giulio QUIRICI, Mariano BOGLIOLI.

 ENSEMBLE CORRESPONDANCES : Caroline MENG, Violaine LE CHENADEC, Caroline WEYNANTS,
Caroline DANGIN-BARDOT, Alice HABELLION, Lucile RICHARDOT, Stephen COLLARDELLE,
Davy CORNILLOT, Étienne BAZOLA, Paul-Henri VILA, Ensemble instrumental. Direction : Sébastien DAUCÉ.

 MUSICA NOVA : Christel BOIRON, Marie-Claude VALLIN, Xavier OLAGNE,
Thierry PETEAU, Marc BUSNEL. Chant & direction : Lucien KANDEL.

 ENSEMBLE IMAGINARIUM : Enrico ONOFRI, Alessandro PALMERI, Luca GUGLIELMI.

 GABRIELI CONSORT & PLAYERS :  Robert MURRAY, Mhairi LAWSON, Ashley RICHES,
Simon WALL, Nicholas HURNDALL SMITH, Ensemble instrumental. Direction : Paul McCREESH.


‣ Nos autres chroniques de Festivals de l'été 2013 :

lundi 30 septembre 2013

❛Disque❜ "Outre-Mers", Label Paraty, Bruno PROCOPIO, Charles BARBIER • Marcos PORTUGAL et sa Missa Grande : Riders to the Sea !

 Retrouvez ICI la critique de Jacques DUFFOURG relative à cette Missa Grande jouée en concert à PARIS (2011) ...

Un disque Paraty pouvant être acheté ICI
Étrange sensation, que cette expédition musicale  au centre d'un rococo mystique ! De cette Missa Grande, le chœur liminaire n'offre-t-il pas une anticipation (pour le moins inattendue) de ce que seront les captivantes enluminures chorales de Merlin - un opéra d'Isaac ALBÉNIZ -, mâtinées d'un soupçon de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome de Sergeï RACHMANINOV ?

Le Brésilien Marcos PORTUGAL (1762-1830, portrait plus bas), qui détient la clef de ces contrées exotiques est un quasi inconnu en France : la consécration des musiciens d'expression lusitanienne tardant largement à y venir (connaît-on seulement, pour ne pas dire joue-t-on, Luís DE FREITAS BRANCOS ?).

Science des contrastes, effets de miroir, tourbillonnants changements rythmiques : quelle surprenante musique des sphères ! Un exemple : au  Chant d'entrée répondent en écho le Graduel, l'Alleluia et l'Offertoire. Ces trois derniers déroulent un somptueux plain-chant, une déconcertante mélopée, atemporelle, digne du Recordare de Kurt WEILL ou - j'irai encore plus loin - des Lamentations de Saint Jérémie d'Eřnst KRENEK...

Partition encore trop méconnue, éminemment lyrique, quoique parfois austère, elle jette un pont entre l'art grégorien et la polyphonie franco-flamande (se souvenir du magnifique recueil Roland DE LASSUS dû au même ENSEMBLE L'ÉCHELLE), tout en se livrant aux délices vocales du rococo. L'ensemble plonge dans une étrange lumière, quasi atonale. Visionnaire, génie protéiforme, Marcos PORTUGAL bouscule, bien avant KRENEK précité, nos repères, boussoles ou autres concepts ! D'une certaine manière, il annonce - avec quelque avance - l'ascèse brucknérienne ou... l'esthétique spectrale.

Bruno PROCOPIO dans la salle de l'Opéra de RIO DE JANEIRO - © Classique News
A contrario, le bondissant et extraverti Kyrie, primesautier, fantasque, fuse ; tel du ROSSINI déjanté.

Nous tenons là une œuvre paradoxale, atypique, d'une puissance inédite. Au gré de cette navigation musicale, le dépouillement y cède la place à un bel canto du genre le plus débridé, omniprésent, d'une rare inventivité. Ainsi se succèdent de spectaculaires feux d'artifice de vocalises extravagantes, des cascades de fioritures facétieuses, des enchevêtrements d'ornementations... fort éprouvantes pour les chanteurs.

Marcos PORTUGAL (1762-1830)
Caroline MARÇOT - © N.P.
Abondance d'harmonies envoûtantes ne nuit pas. Nous nous situons au-delà des frontières "classiques" de la musique religieuse ; c'est une immersion dans un drame sacré hors normes, une messe audacieuse, se permettant les plus folles embardées - bref, une fantaisie jubilatoire (le démonstratif Et ressurexit !) avec détour inattendu par la cantate avec orgue. Je salue hautement, sur cet instrument la prestation superlative d'Olivier HOUETTE.

De ce disque, chaque instant, chaque séquence est un pur enchantement, un miracle de subtilité. Le mérite en revient aux passionnés artisans d'un concert fort et prenant : le CHŒUR L'ÉCHELLE, sous la direction de Charles BARBIER pour le plain-chant et Quetzal, et de Bruno PROCOPIO (ci-dessus) chef invité pour la Missa Grande. Leurs atouts ? Sens de l'unité, de la cohésion, enthousiasme - exaltation même, tout cela se déployant avec une verve éblouissante.

La Cathédrale de CUENCA (Espagne), lieu de l'enregistrement - © www.spain.info/fr
Le prix de ce joyau musical est élevé, à double titre :  partition négligée, exhumée même, elle est un témoignage "outre-mers" d'un âge charnière, entre XVIII° et XIX° siècles. Elle n'en ouvre pas moins des perpectives audacieuses, voire inattendues, comme je l'ai indiqué. La Missa Grande de PORTUGAL "rejoint" ainsi la Passion Grecque de Bohuslav MARTINŮ, ou l'Apocalypse selon saint Jean de Jean FRANÇAIX.

Quant au sublime chant de sortie, Quetzal (2002) de Caroline MARÇOT (ci-dessus), il se nourrit des clameurs de PENDERECKI, voire de WAINBERG ! Marginal, insolite, il est une captivante Leçon de Lumières, magnifié par un chœur en apesanteur. Un périple inoubliable.

 Pièces à l'écoute simple (lecteur DivShare, tout en bas de l'article)  ① Chant d'entrée, Loquebar de testimonis tuis (plain-chant) ‣  Et resurrexit   Chant de sortie, Quetzal (2002) de Caroline MARÇOT ‣ © Label Paraty 2013.


 Marcos PORTUGAL (1762-1830) : Missa Grande - Caroline MARÇOT (née en 1974) : Quetzal.

‣ Luanda SIQUEIRA, Charles BARBIER, Karine AUDEBERT,
Hervé LAMY, Sorin Adrian DUMITRASCU, Frédéric BOURREAU.
Orgue historique de la Cathédrale de CUENCA (Espagne) : Olivier HOUETTE.

‣ CHŒUR L'ÉCHELLE - dir. (plain-chant) : Charles BARBIER - dir. (ensemble) : Bruno PROCOPIO.

 Un disque Paraty pouvant être acheté ICI.

vendredi 20 septembre 2013

❛Disque❜ Musiques à la Chabotterie : première incursion vivaldienne plutôt réussie pour la SIMPHONIE DU MARAIS et Hugo REYNE • Une flûte enchantée !

Un disque Musiques à la Chabotterie à acheter SUR LE SITE
Antonio VIVALDI (1678-1741, notre compositeur de l'année 2011) ne fut pas qu'un "simple" violoniste, son talent fût-il exceptionnel. Son art, servi par une fécondité légendaire, s'étendit à bien d'autres instruments, et ses Concertos très variés (n'en déplaise à Igor STRAVINSKY !) le démontrent à l'envi. Nous lui devons également de nombreux  - et fort beaux - opéras, ainsi qu'une production sacrée, là encore, aussi belle qu'impressionnante..

Né à Venise, VIVALDI, fils d'un barbier-violoniste engagé à la Basilique Saint Marc, ne peut que se tourner vers la musique, son père ayant décelé chez lui, dès son plus jeune âge, de réels dons... C'est à nouveau son père qui le pousse vers la prêtrise : c'est en 1703 qu'a lieu son ordination.

Ses premières œuvres:  un opus de douze Sonates en trio (op. 1) pour deux violons et basse continue. Cette première série de compositions, ainsi que la virtuosité que le Prêtre Roux affiche très tôt dans le maniement de son instrument fétiche, lui vaudront rapidement l’intérêt de nombreux artistes, compositeurs - et mécènes...

Intérieur de la Basilique Saint Marc, VENISE - © non précisé
Si la plupart de ses opus concertant sont dédiés au violon (op. 1 à 9, op. 11 et 12) ou au violoncelle (op. 14), VIVALDI n'en dédaigne pas moins les autres ressources mises à sa disposition, tels le basson, la mandoline ou la flûte...

Il dédie au total à cette dernière deux recueils, ceux de l'op. 10 pour flûte, cordes et basse continue et ceux de l'op.13, nommés Il Pastor Fido.

Hugo REYNE - flûtiste, hautboïste et chef d'orchestre (lire notre recension de ses Indes Galantes à La Chabotterie) - commence jeune l'apprentissage de son instrument. Première flûte des ARTS FLORISSANTS de William CHRISTIE de 1983 à 1996, il se produit aussi avec Frans BRÜGGEN, Philippe HERREWEGHE, Gustav LEONHARDT et Jordi SAVALL... C'est en 1987 qu'il fonde la SIMPHONIE DU MARAIS, ensemble "baroque" qui s'intéresse, d'abord, à la musique française (Rameau, Lully, Francœur, Rebel...) ; avant d'aborder d'autres compositeurs comme HÄNDEL, FIOCCO, KRÄHMER...

C'est la première fois qu'Hugo REYNE et sa phalange se tournent, au disque du moins, vers VIVALDI : comment s'étonner que ce soient les Concertos pour flûte qui aient été l'objet de leur choix ?

Photochrome du Grand Canal, VENISE - © non précisé
Pour ce premier voyage sur la Lagune, la SIMPHONIE DU MARAIS choisit d'offrir trois Concertos de l'op.10 (les n° 3 RV 428, n° 1 RV 433 et n° 2 RV 439), le Concerto RV 440, manuscrit entreposé à Turin, mais dont l’authenticité reste douteuse ; et datant de 1730, les Concertos RV 441, RV 108 et RV 565.

Antonio VIVALDI (1678-1741)
C'est avec plaisir que débute l'écoute de ce disque. Le fait de changer d'instrument en fonction des partitions (flûte allemande du XVIII° s. pour le RV 441, flûte alto pour le RV 433, etc) est une idée qui offre effectivement une diversité de couleurs, voire d'affects, fort bienvenue.

Mais pourquoi existe-t-il des passages parlés avant l'audition des pierres de touche que sont La Tempesta di Mare ou Il Gardellino ?

Le présent enregistrement n'a pourtant pas été réalisé en public ! Si cela avait été le cas, la présentation des œuvres à l'auditoire aurait pu s'avérer compréhensible. Pas en studio.

C'est là, malgré tout, le seul bémol que l'on pourrait reprocher à ce disque : la SIMPHONIE DU MARAIS apparaît ici sous son meilleur jour. Toutefois, j'eusse apprécié, peut-être, à côté de cette alacrité communicative, un soupçon de mystère dans l'op. 10 n° 2 - ou un brin de fantaisie supplémentaire au cours d'Il Gardellino...

Ces infimes réserves soldées, il est patent que ce nouveau produit du label "maison" Musiques à la Chabotterie, mérite d'intégrer le premier rayon des discothèques de tout vivaldien, et de tout amateur de baroque, qui se respecte.




 Antonio VIVALDI (1678-1741) - Six Concertos pour Flûte (RV 108, 428, 433, 439, 440[douteux], 441, 565).

‣ La SIMPHONIE DU MARAIS - Hugo REYNE, direction.

 Un disque Musiques à la Chabotterie pouvant être acheté  SUR LE SITE (02 51 42 19 39  & 06 15 83 91 40).

mercredi 28 août 2013

❛Concert❜ Les Indes Galantes, "Musiques à la Chabotterie" • La SIMPHONIE DU MARAIS en vue de l'année RAMEAU : un morceau de roi... et un plaisir de REYNE.

Triomphateur numéro 1 : Chantal SANTON-JEFFERY, soprano - © Le Printemps des Arts
C'est le 27 janvier dernier, dans le cadre du Festival Rezonanzen (Résonances) de VIENNE, en Autriche, que la SIMPHONIE DU MARAIS a offert, au Konzerthaus, sa première lecture des Indes Galantes (second avatar du 10 mars 1736). En ligne de mire, un enregistrement appelé à voir le jour en mars 2014, à l'orée de ce qui devrait être l'Année Jean-Philippe RAMEAU (DIJON 1683 - PARIS 1764, 250° anniversaire de la disparition) (1).

Ne serait-ce que quantitativement, cette nouveauté ne sera pas du luxe, tant la discographie officielle d'un pareil chef d'œuvre frise le ridicule : après les deux francs-tireurs - concomitants ! - que furent Jean-François PAILLARD et Jean-Claude MALGOIRE (1973, 1974), William CHRISTIE a gardé la main (CD en 1991, DVD en 2003), à côté de la "version de chambre" de Jean-Christophe FRISCH (1994). Cinq repérages (ou quatre et demi...) - pour combien de Bohème, de Zauberflöte, de Traviata en regard ?

Frontispice de l'édition définitive (avec Prologue et QUATRE Entrées) de 1736 - Origine : Gallica
Le maître d'œuvre Hugo REYNE (photographie tout en bas) n'est pas un nouveau converti à RAMEAU : des Concerts mis en Simphonie, La Naissance d'OsirisNaïs (tous auprès de Musique à la Chabotterie) témoignent d'un intérêt flagrant, annonçant une suite... qui sait, aussi pléthorique que l'a été la "série LULLY" ? Se colleter aux Indes avec une distribution très resserrée - viabilité économique oblige - représente un autre défi : le Prologue et les quatre Entrées indépendantes (Le Turc généreux - Les Incas du Pérou - Les Fleurs, fête persane - Les Sauvages) sont riches de dix-sept protagonistes, dont beaucoup en charge de parties virtuoses !

L'option SIMPHONIE DU MARAIS fait porter la totalité du travail vocal sur six artistes, deux dessus, deux hautes-contre et deux basses-tailles, ce qui réclame à la plupart d'entre eux une belle polyvalence. Mérites encore accrus par deux remplacements : relativement reculé, celui d'Aimery LEFÈVRE par Marc LABONNETTE, et surtout, in extremis, celui de Valérie GABAIL par Chantal SANTON-JEFFERY (photographie de frontispice).

Quelle est la place des Indes Galantes dans l'histoire lyrique hexagonale ? L'opéra-ballet, qui se revendique comme tel, hérite d'évidence d'un précédent vieux d'une petite quarantaine d'années (1697), l'Europe Galante d'André CAMPRA. Le librettiste Louis FUZELIER a succédé à André HOUDAR DE LA MOTTE, mais l'esprit ne change ni sur le fond, ni sur la forme. La forme : un Prologue et quatre Entrées. Le fond réside dans le titre, le mot galant marquant l'avènement d'une époque plus déterminée à faire l'amour (c'est à dire : faire la cour) qu'à s'encombrer de passéiste mythologie.

Triomphateur numéro 2 : Reinoud VAN MECHELEN, haute-contre - © Hainzl & Delage Management
Il est révélateur que CAMPRA conclue par la Turquie, tant le second siège de Vienne par les Ottomans (1683), avait marqué les esprits... et durablement influencé la littérature et les arts. Il est n'est pas moins piquant que RAMEAU débute précisément par là, chassant tout net d'Europe ce Grand Turc (en l'occurrence "généreux"), le renvoyant à un exotisme de pacotille, ce que recouvre tout entier le vocable passe-partout d'Indes.

Frontispice de l'édition originale (Gallica)
Pas de dramaturgie solide dans ces saynètes n'ayant d'autre objectif, pour divertir plutôt qu'élever, de faire se succéder de minces intrigues amoureuses au sein desquels les caractères, rapidement brossés, s'apparentent souvent à des esquisses ! Mais l'une des manifestations du génie fécond de Jean-Philippe RAMEAU, au-delà de la science de la composition, c'est bien sa capacité à donner chair, parfois de manière inoubliable, à des personnages, en seulement quelques mesures.

À cet égard - le pédagogue Hugo REYNE le rappelle à bon droit avant d'aborder cette Entrée - il n'y aurait pas d'Incas du Pérou, ni même d'Indes Galantes au grand complet, sans l'incroyable contour conféré au protagoniste Huascar, le Grand Prêtre ! Et ceci tient à la seule scène V, dite de la Fête du Soleil (Soleil on a détruit tes superbes asiles, et sa suite), grand monologue entrecoupé de chœurs et danses (loure, gavotte)... qui constitue, à mon sens, l'une des pages les plus spectaculaires, et tout simplement les plus fastueuses, de l'histoire de l'opéra français.

Multiplier les exemples ne serait guère malaisé, si le cadre d'une chronique de concert permettait une longue digression de cette nature. Il n'est que de considérer que RAMEAU, à l'instar de MOZART, maîtrise autant l'harmonie (2) que le contrepoint, raffine l'orchestration comme nul autre, et trouve - pratiquement - une nouvelle idée par minute. Dénicher une baisse de tension, encore plus une maladresse, dans la partition des Indes, tiendrait de la gageure !

Les artistes présents ce 26 juillet 2013 à SAINT GEORGES DE MONTAIGU - à quelques encablures du Logis de la Chabotterie, photographie plus bas - font mieux que tirer leur épingle du jeu d'un pareil marathon (un seul entracte, plus de quatre heures de représentation totale). Ils sont même, étymologiquement, admirables (pas de langue de bois : admirable n'est pas parfait).

... L'Entrée sans doute la plus populaire, rajoutée en 1736, avec l'illustre Danse du Calumet de la Paix
Admirons : en dépit du handicap d'un long concert dépourvu de théâtre, malgré l'absence de corps de ballet, nonobstant le petit nombre de chanteurs mis sous forte pression... rien n'arrête ce soir un tsunami de musique, de dynamisme et de partage ; même ses défauts (relativement mineurs) semblent le magnifier, lui conférant l'irremplaçable valeur du vrai, et de l'humain.

Le meilleur exemple, c'est Marc LABONNETTE, en charge de cinq (!) incarnations, seul à être présent d'un bout à l'autre de l'œuvre. Amené, comme je l'ai précisé, à remplacer Aimery LEFÈVRE empêché, il se trouve aux prises avec des emplois de basse sans concession, le Huascar précité n'étant pas unique en son genre. Comme les membres de l'orchestre et le chef, il ne donne qu'à la dernière Entrée (donc tard... et très à la marge) l'impression fugace que l'endurance commence à lui peser. Petit exploit.

Buste de Jean-Philippe RAMEAU par Jean-Jacques CAFFIERI
Toutefois, il y a plus fort. Invitée, encore plus récemment, à prendre la place de Valérie GABAIL, Chantal SANTON-JEFFERY (Amour, Phani, Fatime et Zima - ce qui n'est pas économe non plus) confirme l'excellent effet que certaine prestation récente a pu offrir d'elle. En apparence détendue, elle ajoute à sa capacité à voyager loin, une grande aisance technique ("impossible" Régnez plaisirs et jeux précédant la Chaconne finale !), que rehaussent un timbre moiré et un bas de tessiture riche. Tous les grands "tubes" des Indes reposent sur ses épaules : depuis Ranimez vos flambeaux jusqu'à l'air précité , en passant par Viens Hymen et Papillon inconstant (3), elle les mate tous d'autorité, en un sans-faute applaudi.

Autre enchantement, le mot n'a rien d'excessif, Reinoud VAN MECHELEN (photographie plus haut). Limité à deux rôles (Don Carlos et Damon), le Belge, déjà parfait dans l'Amadis lullyste récemment chroniqué, troque ici la durée contre une qualité phénoménale. Cette haute-contre d'à peine vingt-cinq ans est sans aucun doute appelée aux plus grand honneurs, dans ce répertoire difficile entre tous. Des Paul AGNEW, des Fernando GUIMÃRAES et d'autres Cyril AUVITY se sont d'évidence penchés sur son berceau. Elle hérite de leurs qualités - en particulier l'aigu, long, stable, clair et brillant, ce que ne vient gâter ni un timbre splendide, ni un souffle conséquent, ni une diction sans faiblesse.

À leurs côtés, les satisfactions vocales s'échelonnent. Stéphanie RÉVIDAT (Hébé, Émilie, Zaïre) semble sporadiquement crispée, avec un haut de tessiture tendu, mais elle se montre globalement à la hauteur, si l'on songe que la très développée et périlleuse introduction de l'œuvre lui échoit. François-Nicolas GESLOT, seconde haute-contre, ne peut se comparer à son jeune collègue : aigus assez rêches, surtout en Tacmas, timbre moins enjôleur... cependant son Valère, impliqué et expressif, ne nuit pas à l'ensemble. Sydney FIERRO enfin, n'a qu'Alvar (Les Sauvages) à mettre en avant, ce qu'il fait bien.

La cour d'honneur du Logis de la Chabotterie, en Vendée - © Jacques DUFFOURG
Il y a quelque chose de paternel, avec ce que cela suppose de rigueur et de tendresse, chez Hugo REYNE, ce qui - décidément, c'est le jour - force l'admiration. Volontiers bavard, le maestro flûtiste le proclame haut et fort : il a les "concerts guindés" dans le collimateur. Ici ou là, sa faconde débridée l'amène à forcer un peu le trait... impossible de lui en faire procès. Primus inter pares, avec un amour débordant de la musique, des artistes et du public, il communique sans répit et sans démagogie sur le sens de son travail.

Bien lui en prend, car sa SIMPHONIE et son CHŒUR DU MARAIS, ce soir, paient comptant. Ce ne sont pas un ou deux écarts d'une trompette dans un air de bravoure, qui vont entacher le plaisir offert par des cordes aussi transparentes et incantatoires, des hautbois babillards, une basse continue pérorante à souhait (violoncelle : Jérôme VIDALLER)... le tout mené, geste sûr et sourire en coin, par le plus épicurien des chefs "baroques". Irrésistible.

Triomphateur numéro 3 : Hugo REYNE, chef d'orchestre, flûtiste, directeur artistique - © Le Printemps des Arts

(1) L'emploi du conditionnel se justifie par le fait que, sur la seule place de Paris par exemple - à l'instar de la fantomatique Année Jules MASSENET - rien d'exceptionnel ne semble avoir été programmé, hormis une nouvelle Platée à l'Opéra Comique, et des Fêtes de l'Hymen et de l'Amour au Théâtre des Champs-Élysées (après Versailles). C'est bien ! Puis-je rappeler toutefois que RAMEAU a composé, ne serait-ce que pour la scène : cinq Tragédies lyriques, quatre Comédies lyriques, quatre Pastorales héroïques, six Opéras ballets, neuf Actes de ballet ?...

(2) Quatre ouvrages théoriques ont contribué à la gloire du Dijonnais, en particulier le Traité de l'Harmonie réduite à ses principes naturels de 1722.

(3) Le sommet de l'élégance et du raffinement, c'est bien d'arborer malicieusement des boucles d'oreilles en forme de papillon au moment de chanter l'air éponyme !

 Parcourir le site du Logis & du Festival de la CHABOTTERIE.


‣ À noter, la veille 25 juillet, l'Ouverture du XVII° Festival de Musique Baroque à la Chabotterie, sous forme d'un agréable Concert-promenade parmi les les jardins et le parc du Logis. Ont été proposés : la Troisième Leçon de Ténèbres à deux voix de François COUPERIN (malheureusement sans présentation de l'œuvre), puis le Premier Quatuor avec Flûte KV 285 de Wolfgang-Amadeus MOZART (privé, on se demande pourquoi, de son dernier mouvement) ; enfin, une aubade "préparatoire" concoctée à partir d'extraits des Indes Galantes.




 SAINT GEORGES DE MONTAIGU (Vendée), "Musique à la Chabotterie", Salle Dolia, 26 VII 2013 :
Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764) : Les Indes Galantes, Opéra-Ballet en un Prologue et quatre Entrées,
sur un livret de Louis FUZELIER (partition remaniée de 1736), en version de concert.

‣ Chantal SANTON-JEFFERY : Amour, Phani, Fatime, Zima -
Marc LABONNETTE : Bellone, Osman, Huascar, Ali, Adario - Stéphanie RÉVIDAT : Hébé, Émilie, Zaïre -
François-Nicolas GESLOT : Valère, Tacmas - Reinoud VAN MECHELEN : Don Carlos, Damon -
Sydney FIERRO : Alvar.

‣ CHŒUR DU MARAISSIMPHONIE DU MARAIS,
Premier violon : Jesenka BALIC-ZUNIC, & direction : Hugo REYNE.

vendredi 28 juin 2013

❛Disque❜ Label Indésens, Carlo Tessarini (1690-1766), Ensemble Guidantus • Un apport bienvenu à notre connaissance de la musique vénitienne.

Un disque Indésens pouvant être acheté ICI
À l'instar de de nombreux créateurs, parfois nommés "petits maîtres", Carlo Tessarini (1690-1766, portrait plus bas) n'eut pas l'heur de voir son nom et ses œuvres couronnées par la reconnaissance accordée à des Vivaldi ou Corelli - voire, à un degré moindre, des Biber, Muffat, Locatelli ou autres Veracini. Né en dans la Péninsule (Rimini, Émilie-Romagne), il fut pourtant un violoniste et compositeur renommé de son temps ; certaines sources indiquent même qu'il aurait pu, lors de ses premières études musicales dans la Sérénissime, avoir reçu l'enseignement de Vivaldi soi-même.

Nommé maître de Chapelle de l'Hospice Saint Jean - Saint Paul, orphelinat (ospedale) vénitien, à partir de 1716, c'est à ce poste qu'il compose son premier opus de Concertos à Cinq (concerti a cinque), et tient en même temps le violon à la Maîtrise de Saint Marc de Venise, un poste qui ne fut certainement pas pour rien dans sa réputation grandissante de virtuose. Cette renommée l'amena logiquement à voyager à travers toute l'Europe - se produisant ainsi à Brno (panorama plus bas), Rome, Paris, Bruxelles, Naples, Francfort, Arnhem... C'est là qu'en 1766, sa trace se perd. Aucun document ne permet de préciser avec certitude où il se rend après cette escale, ni quelles sont la date et les circonstances exactes de son décès, sans doute à Amsterdam, peu de temps après.

Le rococo en peinture : Antoine Watteau (1687-1721) - La Gamme d'Amour (1717) - Londres, National Gallery
Apprécié, Tessarini le fut également comme auteur de sinfonie, concerti pour un ou plusieurs instruments, sonate ; mélodrames (bien qu'aujourd'hui, ceux-ci n'aient toujours pas été redécouverts)... En  outre, il se fit connaître comme théoricien de la musique, et laissa à ce titre de nombreux écrits sur la rythmique, l'ornementation, l’exécution des cadences.

Carlo Tessarini (1690-1766) par William Pether
Le compositeur apparaît souvent mentionné comme un redevable au style galant (le style galant ou rococo est une certaine transition entre la fin de la période baroque et l'apogée de l'âge "classique", dont Cassanéa de Mondonville, Telemann, Duphly, Galuppi, Arne, Roman, Hasse - entres autres - purent être des représentants). Tessarini s'inscrivit cependant volontiers au-delà de cette étiquette assez limitative ; représentant un trait d'union, davantage qu'un intermède.

L’Ensemble Guidantus, mené par le superbe violon de Marco Pedrona, n'en est pas à son coup d'essai (et de maître) concernant Carlo Tessarini, puisqu'est déjà paru auprès du même label Indésens un premier volume, comportant les douze concerti de l'opus 1, dont l'écoute plaisante préfigure l'impression très positive laissée par le second.

Marco Pedrona, qui joue sur une superbe copie de Guarnerius del Gesù, et Marco Montanelli, sur un clavecin au son magnifique... mais dont rien ne nous est dit, nous offrent effectivement, ici, une lecture absolument magnifique, laissant respirer et s'épandre la musique des huit sonates sélectionnées avec un naturel absolument confondant.

Brno (Moravie, aujourd'hui République Tchèque), l'une des étapes européennes de Carlos Tessarini
Nous sommes ainsi convié à une véritable symbiose entre un compositeur et ses interprètes : rares sont les enregistrements où l'adéquation de ceux-ci à celui-là est aussi parfaite ! Les instrumentistes parviennent à varier leur jeu d'un mouvement de sonate à l'autre : le recueil s'écoute et se réécoute avec un plaisir constant, d'autant que la prise de son de l'enregistrement s'avère de haute qualité.

Il reste à souhaiter que se poursuive la réhabilitation discographique d'un legs important, utile à notre meilleure appréhension de la musique vénitienne, et même européenne... Vivement le volume III, par conséquent.

 Pièces à l'écoute simple en bas d'article (MISES EN LIGNE ULTÉRIEUREMENT)  ① Œuvre XIV, Sonate 2, 3° mouvement ‣  Œuvre XIV, Sonate 6, 2° mouvement   Œuvre II, Sonate 11, 2° mouvement  ‣ © Indésens 2013.



 Carlo Tessarini (1690-1766) - Huit sonate pour violon et clavecin, op. XIV & II.

‣ Marco Pedrona, violon (copie) Guarnerius del Gesù.
Marco Montanelli, clavecin (facture non précisée).
Ensemble Guidantus.

 Un disque Indésens pouvant être téléchargé ICI.