
Mettre en rapport des festivités dédiées, aux Invalides, à la célébration de l'Artillerie, avec une démarche musicale "historiquement informée", voilà qui ne tombe pas forcément sous le sens. Quel lien, suffisamment judicieux, dénicher pour cela ? Louons par conséquent Sainte Barbe, patronne des artilleurs : protectrice du lieu, elle se trouve également dédicataire d'une de ces compositions religieuses à grand apparat dont le XVIII° siècle finissant avait le secret, à tel point qu'elles s'exportaient jusque dans le Nouveau Monde. Le Brésil, en l'occurrence, par l'entremise du compositeur d'origine lisboète Marcos Portugal (1762-1830, figure de proue de la production dite luso-brésilienne,
portrait tout en bas) et de sa
Missa Grande. Grande comme l'est ce pays, lequel parle naturellement beaucoup à
Bruno Procopio (
photo ci-dessus) : le claveciniste, fondateur-directeur du label
Paraty - ici chef invité de l'Ensemble l'Échelle -, est en charge de la coordination d'un concert ne comprenant, pour tous instrumentistes, que les excellents Olivier Houette à l'orgue positif, et Antoine Ladrette au violoncelle. Les forces chorales y sont en revanche profuses, l'Échelle déployant quatre voix par partie, au sein desquelles se remarquent ses directeurs artistiques Caroline Marçot et Charles Barbier (
photos ci-dessous).


Comment qualifier cette œuvre aux imposantes dimensions, dont il est précisé en notice qu'elle bénéficia d'un "considérable rayonnement géographique et temporel", si ce n'est d'essentiellement
rococo ? Rococo tardif sûrement, du moins en rapport de l'esthétique européenne qui la vit naître (1782 : c'est aussi l'année de la
Grande Messe en ut de Mozart, dont certains échos soufflent ici, notamment l'
Et incarnatus, dans la cadence du
Quoniam). Mais un rococo en phase, sans doute, avec l'expansion toute coloniale d'un terre de mission catholique, où le compositeur s'installa en 1811, et où la partition fut donc tant diffusée. Rococo certainement, ce
Christe Eleison aux entrées sagement décalées mais à la ligne serpentine, comme
enguirlandée. Rococo encore et surtout, au terme d'un volubile et fleuri
Gloria à huit sections, le
Quoniam justement, traité tel un duo d'opéra vocalisant (et assez délirant) ; où, face au
soprano lumineux de Luanda Siqueira, luit l'autre
soprano - non moins splendide de projection, virtuosité et éclat - de Charles Barbier.


Spectacle supplémentaire que de voir (et d'entendre) ce dernier assurer tout aussi crânement ses attributions de ténor et de chef de chœur. Quel chœur du reste, dont la jeunesse (un an) n'a d'égale que l'homogénéité technique, agrémentée de quelques timbres spectaculaires, en particulier chez les basses !
Tactus d'une somptueuse élégance offert en prime, pour d'hypnotiques interpolations, dans l'ordinaire de la messe de plain-chant, selon les rites. Des combinatoires insérées comme autant de respirations naturelles, de
contrepoints aux volutes baroques galbées par le soin tout paternel de Procopio. En clef de voûte, une sortie aussi originale que malicieuse, due au talent de compositrice de Caroline Marçot. Imitant - là encore - une pratique vernaculaire attestée, avec
Quetzal, sorte d'
Ite misa est créole, subtiles incantations tressées de breton, de corse, et d'onomatopées. Cette fort belle réussite, concomitante à la publication, par le même Ensemble l'Échelle, de
La Chambre musicale d'Albert le Magnifique, et inscrite dans une ambition plus largement dénommée
Outre-Mers, fera l'objet à son tour d'un enregistrement, à la cathédrale de Cuenca (Castille) en 2012. Auprès du label
Paraty bien sûr, dont le précieux patronage est très opportunément rappelé en cette après-midi parisienne.
‣ Crédits iconographiques - Bruno Procopio, Classique News - Caroline Marçot, Musique nouvelle en liberté -
Charles Barbier, Facebook.
Eh bien cette "brève" ne s'est pas faite attendre ! Ravie de retrouver la magie de ce concert dans tes lignes.
RépondreSupprimerLa MAGIE, ma chère Clairette, outre la musique, c'est l'amitié ! :) Et quand les deux sont réunies... Voilà tout l'intérêt des "petits" commentaires comme le tien, ils nous attachent toujours plus, et donnent envie, chaque semaine, chaque mois davantage, de passer sans cesse et toujours le relais en faveur des artistes. Eux seuls détiennent encore les clefs de la beauté du monde - bref, de la magie, quoi... :)) Des bises !
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