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jeudi 13 juin 2013

❛Disques❜ Agogique, Violaine Cochard, Stéphanie-Marie Degand • J. Duphly & W.-A. Mozart, J.-S. Bach : entre enfance et maturité, chemins de traverse et de confidence.

Un disque AgOgique pouvant être commandé ICI
Des rapports de Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791, portrait plus bas) avec la France, le biseau de la postérité s'est échiné à retenir le triste bilan de son troisième voyage à Paris (de mars à septembre 1778), soldé comme on sait par un sentiment d'échec, qu'accrut le décès, sur place, de sa mère, Anna-Maria, le 3 juillet. La correspondance est de fait peu amène, au point qu'une lecture superficielle y décèlerait volontiers un constat d'accablement, si ce n'est de règlement de comptes (1).

Cela n'a malgré tout pas empêché ce séjour d'inspirer de magnifiques chefs d'œuvre destinés au Concert Spirituel, tels que la Symphonie 'Paris', le Concerto pour flûte et harpe - et surtout l'incomparable Symphonie Concertante, pour violon et alto, qui parle un langage Gossec (1734-1829, ami de Mozart) plus vrai que nature. Mais les capacités  sidérantes du compositeur à assimiler les idiomes les plus divers n'ont guère attendu l'âge, pour lui avancé, de vingt-deux ans pour éclater au grand jour. Ce n'est pas tant sa deuxième venue dans notre capitale - un intermède, de mai à juillet 1766 - que la première, de novembre 1763 à avril 1764, initiant la grande tournée européenne de "l'enfant prodige", qui le démontre. Preuve à l'appui, le présent disque AgOgique, neuvième du nom, consacré par la claveciniste Violaine Cochard et la violoniste Stéphanie-Marie Degand (portraits plus bas), non seulement à Mozart... mais aussi à Jacques Duphly (1715-1789, portrait ci-dessous).

Ainsi que l'expliquent les deux artistes avec un didactisme limpide, dans leur texte de présentation, l'association de ces deux personnalités - que tout semble séparer, en particulier la nationalité et l'âge - n'a rien de saugrenu. L'accueil des Mozart par Victoire de France, l'une des filles de Louis XV et Marie Leszczyńska, constitue un astucieux trait d'union, puisque Duphly avait offert, quinze ans auparavant, son deuxième livre de Pièces de clavecin à "Madame Victoire". Le jeune Salzbourgeois compose déjà, et ne tarde pas, à son tour, à honorer son hôtesse et la dame de compagnie de celle-ci de deux Sonates chacune, soit un total de quatre (K. 6 à K. 9) que Leopold Mozart fait publier sur place (2). Le Rouennais quant à lui, petit-fils de l'organiste Jacques Boyvin, a à cette date mis au jour trois de ses quatre Livres consacrés au clavecin, rejoignant quant à l'instrument une concurrence aussi abondante que relevée : Couperin, Clérambault, Mondonville, Daquin, Corrette, Forqueray, Royer, Le Roux, D'Anglebert, Rameau...

J. Duphly (1715-1789)
À la manière de quelques illustres pairs, Duphly donne à ses Pièces les noms de leurs dédicataires : La De May, La Du Tailly, La Madin... Les artistes, à nouveau : "(...) Le temps de Louis XV pourrait être placé sous le signe du plaisir. (...) On parle de style galant ; la musique quitte, en apparence tout au moins, la rigueur du contrepoint ; c'est aussi l'éclatement de la Suite (succession de danses) au profit de pièces de caractères ou imitatives, ou encore de portraits mondains (...)". Voilà l'une des martingales de ce disque : le style galant, apanage de la France avant d'y passer de mode, moment de bascule entre - schématiquement - le baroque et le classique - cueilli au moment précis où les terres germaniques, pour leur part, se vautrent dans les tourments passablement exhibitionnistes du Sturm und Drang.

Galanterie, d'ailleurs, ne signifie aucunement superficialité, mais bel et bien un art de vivre, raffiné et élégant, tout en pudeurs et en non-dits, perceptibles en creux. D'un certain point de vue, cette forme de détachement, à la marge du moins, ne serait pas complètement étrangère à la sprezzatura transalpine : un argument de plus en faveur de Goûts Réunis. Surtout, elle est exquisément en phase avec les autres arts du temps, par exemple les esquives d'un Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), telles que brossées dans Les Baigneuses (ci-dessous)... une toile remontant exactement aux années qui nous intéressent.

Jean-Honoré Fragonard, Les Baigneuses (1765), Paris, Musée du Louvre
Pas une des six pages de Jacques Duphly retenues ici qui ne ravisse le cœur et l'esprit, depuis cette Ouverture fort bien nommée, jusqu'à La De Casaubon qui referme l'album. Ce sont cependant La De May (extrait en libre écoute sur la page YouTube de l'éditeur) et La Du Tailly (à l'écoute en bas d'article) qui nous élèvent le plus l'âme : de la première nommée, retenons la mélancolie à fleur de peau, comme un trait de fusain, et ce qui constitue l'âme de cette rencontre : la connivence. Un baiser volé dans une alcôve, un effleurement, un secret partagé, c'est encore ce que suggère la seconde, la plus développée et sans doute la plus complice de ces gemmes, dont la partie de dessus - de violon, donc - expressive et chastement tendre, évoque une scène d'opéra en miniature... pourquoi pas de ce délicieux Rose et Colas que Pierre-Alexandre Monsigny (1729-1817) et Michel-Jean Sedaine (1719-1797) confièrent, en ce même millésime 1764, à l'Hôtel de Bourgogne !

Violaine Cochard & Stéphanie-Marie Degand - © Lionel Renoux
Et Wolfgang Amédée Mozart ? Le garnement d'à peine huit ans n'a pas besoin de séjourner longtemps entre les jupes de ses protectrices pour saisir et s'approprier le sens du vent, à telle enseigne que la décalcomanie surpasse presque les originaux. Ces Sonates d'extrême jeunesse, parfois regardées avec condescendance, sont l'illustration d'une maturité exceptionnellement avancée, où la maîtrise de l'écriture le dispute à celle de l'assimilation. En fait, il ne lui aura fallu que quelques semaines pour savoir composer de la musique française - mieux, parisienne. Pas uniquement avec les dansants Menuets (l'effet pastoral de bourdon à la fin de la K. 9 ! de la pure Toile de Jouy, dont la manufacture vient à peine de prendre son essor). En fait, il en compose avec tout. Parisien, l'Andante de la K. 6, pris ici a tempo giusto, en forme d'hommage délicat à un Marivaux tout juste disparu (ces deux extraits à l'écoute en bas d'article)  ; parisien encore, cet Allegro de la K. 8 annonçant, in loco, Les Petis Riens de quatorze ans postérieurs ; parisien toujours, l'Adagio de la K. 7 (extrait en libre écoute sur le site de l'éditeur), ineffable et déchirante caresse où semble résonner le "M'aimez-vous, m'aimez-vous vraiment ?" que les biographes lui ont prêté à cet âge.

W. - A. Mozart (1756-1791)
La complicité, c'est ce qui unit d'évidence les deux instrumentistes (plus haut), dont l'expérience fusionnelle du jouer ensemble est perceptible dès la première mesure. Le mordant (3) de Stéphanie-Marie Degand, qui tire de son Gagliano napolitain des accents pénétrants et parfois crus, s'arcboute sur le toucher virtuose et arachnéen - quoique sans faiblesse, ni afféterie - de Violaine Cochard, dont le Christian Kroll lyonnais égrène un son perlé et berçant, comme filé par le doux mouvement d'une quenouille, ou inspiré par les ciels déjà rococo d'un François Boucher (1703-1770, plus bas).

Si les musiciennes prennent soin de souligner l'exceptionnelle qualité de leurs instruments (à noter, les précieux détails sur la différence des archets, de Duphly à Mozart), il est évident que ni leur technique, ni leur sens de l'écoute, ni leur parfaite restitution du goût français parvenu à la fin d'un cycle, celui de l'Ancien Régime, ne parviendraient à nous émouvoir à ce stade... sans le niveau superlatif d'une prise de son qui restitue tous les harmoniques avec beaucoup de moelleux. Ce qui, au sujet  d'AgOgique (voir chronique Bach plus bas) constitue rien moins qu'une surprise, ce label étant l'un des plus pointus que nous connaissions, tout spécialement en ce domaine.

Boucher, Automne pastoral, 1749, Wallace C°, Londres
Ce fascinant travail d'artisans, notamment celui de deux comparses manifestement parvenues au faîte de leur art, s'il est avant tout un Salut à la France, est bien davantage que cela. Nous l'avons relevé, il tisse des écheveaux multiples, entre les artistes, entre les  époques et les compositeurs,... ce qui est inappréciable à l'égard d'un Jacques Duphly toujours mal compris et méconnu, y compris dans son pays. Inappréciable, ce l'est peut-être plus encore pour l'appréhension historiquement informée d'un Wolfgang-Amadeus Mozart.

Ainsi placé, avec intelligence et sensibilité, dans un contexte aussi défini que rigoureux, l'Autrichien le plus célèbre de l'histoire s'impose (à l'instar d'un Johann-Christian Bach ou d'un Franz-Joseph Haydn), dès son plus jeune âge, comme un Européen opportuniste et convaincu qui avait les meilleures raisons du monde d'apprécier et de faire sienne la culture de l'Hexagone. Si Cochard, Degand et AgOgique ne font rien d'autre qu'enrichir la discographie d'un jalon essentiel, c'est quelles mettent à nu, avec l'évidence la plus désarmante, cette disposition moins notoire, mais finalement assortie au reste de la légende : prodigieusement précoce.

Manière d'écrire que ce recueil, c'est l'enfance de l'Art.


‣ À l'écoute simple en bas d'article  ① Jacques Duphly, La Du Tailly - ② Wolfgang-Amadeus Mozart, Menuets de la Sonate n°4 K. 9 - ③ Wolfgang-Amadeus Mozart, Andante de la Sonate n°1 K. 6  Stéphanie-Marie Degand, violon baroque - Violaine Cochard, clavecin ‣ © AgOgique 2013.

(1) "Les Français sont et restent des ânes ; ils sont incapables..." et "Si seulement cette maudite langue n'était pas si misérable pour la musique ! C'est abominable - la langue allemande semble divine en comparaison! Et puis les chanteurs et les chanteuses...(...) braillent à plein gosier, du nez et de la gorge !" sont des exemples éloquents de l'agacement de Mozart vis-à-vis de l'Hexagone, tel que relaté à son père Leopold.

(2) Selon certains musicologues, bien que les quatre œuvres aient été publiées à Paris, la plus ancienne, K. 6, peut avoir été écrite antérieurement, à Salzbourg.

(3) Ce mot est limitatif. En fait, nous ne savons qu'admirer le plus, entre une variété sidérante de coups d'archet - voir plus loin notre remarque sur les deux différents sollicités ici - et un usage, d'autant plus prenant qu'il est discret, de l"ornementation.


 Jacques Duphly (1715-1789) - Ouverture, La Du Tailly, La De Valmalette,
La De May, La Madin, La De Casaubon -

‣ Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) - Sonates pour clavier avec accompagnement de violon, K. 6 à K. 9.

Stéphanie-Marie Degand, violon Joseph & Antoine Gagliano de 1770 -
Violaine Cochard, clavecin Christian Kroll de 1776.

 Un disque AgOgique pouvant être commandé ICI.



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Un disque AgOgique pouvant être commandé ICI
Au début de 2012, c'est également à Violaine Cochard (portrait ci-dessous) qu'a échu - après le feu d'artifice liminaire de La Nascita del Violoncello - l'honneur d'ouvrir la série des enregistrements AgOgique  cette fois en solitaire, en proposant un programme Bach, qui peut se lire, et s'écouter, autant sous la forme d'un manifeste, que sous celle, moins militante mais tellement plus éloquente, d'un carnet personnel... voire une confidence.

Ce disque ne saurait vraiment s'apprécier sans le lien étroit qui associe l'artiste à ses deux alter ego, en l'occurrence le facteur et restaurateur de clavecins Laurent Soumagnac, et la preneuse de son Alessandra Galleron, fondatrice du label. Au premier, Cochard doit le retour en pleine lumière d'un fastueux Joannes Daniel Dulcken fabriqué à Anvers aux alentours de 1740, auquel elle déclare, comme à un être de chair, son coup de foudre ; il s'agit ici du premier enregistrement qui lui est consacré. Avec la seconde, la claveciniste sait à qui elle s'adresse, puisqu'elle a travaillé avec la même technicienne pour ses deux doubles - et superbes - CD Couperin consignés naguère chez Ambroisie (reproduction des visuels et liens en fin d'article).

Le déroulé peut prêter à interrogation : s'agit-il - pour parler "moderne" - d'un digest, d'un patchwork ? De partita en suite anglaise, de prélude et fugue en toccata, nous voici entraîné dans ce qui est à tout le moins un collage, ne présentant a priori aucune autre unité organique que Bach et le clavecin. Certains puristes pourront s'en offusquer, et soupçonner là quelque ricochet, auprès d'un éditeur indépendant, d'une entropie plus générale très perceptible chez les "majors", visant à substituer des récitals à des œuvres complètes. Pour en rester au Cantor de Leipzig, serait-ce une démarcation de ce qu'ont pu offrir sous la célèbre étiquette jaune, des cantatrices comme Anne Sofie von Otter et Nathalie Stutzmann : une ballade absolument somptueuse, mais dépourvue de fil rouge explicite ? Pas du tout : le démenti réside autant dans le choix subjectif de la soliste elle-même, telle qu'elle s'en ouvre dans la riche notice, que dans celui de l'instrument, qui l'éclaire.

Violaine Cochard - © Mariana Depozzi - © AgOgique
C'est Laurent Soumagnac, ès qualités, qui fournit les clés du labyrinthe. Illustrations à l'appui, l'artisan détaille des points de facture fondamentaux ; particulièrement ceci, au sujet du son : "la couleur sonore de ce clavecin a sans doute évolué lors du décor réalisé par Michæle Albani à Venise en 1764 (?). Pour réaliser ce décor baroque très chargé, M. Albani a sculpté "en rocaille" l'éclisse extérieure, la joue et la pointe. Cette sculpture a ôté par endroits la moitié de l'épaisseur de bois prévue par J. D. Dülcken. On se rapproche de l'épaisseur d'une éclisse de clavecin italien. De ce fait, on peu penser que la minceur résultant de ce décor, est à l'origine de la sonorité très cristalline, certes très flamande mais aussi un peu italianisante, de ce magnifique instrument." Le plus important est bien sûr à la fin : "flamande et italianisante", autant dire que ce Dulcken - là encore - porte en  lui le syncrétisme d'une certaine déclinaison de Goûts Réunis.

J.-S. Bach (1685-1750)
Une experte de François Couperin telle que Violaine Cochard ne pouvait pas ne pas se saisir du cadeau ! Mais alors, pourquoi Johann Sebastian Bach (ci-contre) ? Seulement pour son "[alliance de] brillance et raffinement" ? Certes, la prise de son, du même niveau d'excellence que le reste de la collection AgOgique, met le doigt (c'est bien le mot) sur ces deux lignes de force essentielles du génie de Bach, se lovant avec le plus grand naturel dans le "métissage" revendiqué par le clavecin. Pour autant, ce n'est pas tout : ce Bach-là sonne, aussi, français. Ce n'est pas qu'une question de titres de quelques danses extraites des Suites, quoique cet aspect formel ait son importance ; c'est - mieux - une affaire de toucher, de respiration, de résonance, de délié. La clarté est ici le maître mot ; et pourquoi pas le chant ! Un chant sobre, ne paraphrasant pas une harmonie ou contrepoint qui disent déjà tout, mais conviant l'auditeur, avec tact, à suivre des épanchements dont l'intimité n'altère jamais la pudeur (1).

À télécharger ICI
À télécharger ICI
Il n'est plus que de s'imprégner d'un itinéraire affectif (terme employé par Cochard elle-même) dont la logique coule tellement de source, qu'il ne vient pas à l'idée de parler d'extraits, de morceaux, de mouvements, ou de tout autre segment. Pas une pièce qui ne soit preuve d'amour, puisque nous n'avons qu'elles, avec mention spéciale envers l'immense Toccata BWV 813, variée et translucide . Et, à l'opposé, l'éphémère et  pourtant obsédant Prélude BWV 999 (à l'écoute en bas d'article). Enfin, ce n'est pas par hasard, à notre avis, que la Fantaisie BWV 922 scande son troublant la mineur au centre de gravité exact de l'album : elle en est l'essence même.

"Fantaisie" : le mot est tout simplement dans le titre ! Il nous suffit de suivre la guide.


‣ À l'écoute simple en bas d'article  ① Gigue de la 1° Partita BWV 825 - ② Prélude en ut mineur BWV 999 - ③ Sarabande de la Suite BWV 823  Violaine Cochard, clavecin ‣ © AgOgique 2012.

(1) D'un certain point de vue, l'artiste annonce assez précisément de quel point de croix sera fait le disque à suivre, c'est à dire le Duphly/Mozart (chroniqué plus haut).

 Johann Sebastian Bach (1685-1750) - Préludes et autres fantaisies -
Violaine Cochard, clavecin Joannes Daniel Dulcken restauré par Laurent Soumagnac.

‣ Pièces isolées et extraits de Suites et Partitas réunies au gré de l'imagination de la claveciniste.


 Un disque AgOgique pouvant être commandé ICI.

vendredi 7 juin 2013

❛Disque & Concerts❜ Guillaume Costeley, Heinrich Schütz, Johann Sebastian Bach • De la France à l'Allemagne, du profane au sacré : Ludus Modalis, un épanouissement.

Un disque Ramée pouvant être acheté ICI.
Les seules dates de naissance et décès de Guillaume Costeley (Pont Audemer, 1530 – Évreux, 1606) rangeraient celui-ci parmi les musiciens de la Renaissance... À la condition que la chronologie seule ne suffise pas à faire d'un artiste le héraut d'une époque !

Installé vers 1554 à Paris, le Normand devient organiste et valet de chambre du roi Charles IX jusqu'en 1572, puis "joueur d'instruments" sous Henri III. C'est en 1570 qu'il publie Musiques de Guillaume Costeley, vaste corpus de chansons... Si son inspiration le rattache bien entendu à l'héritage de la polyphonie française, quelques tendances italianisantes ne peuvent pas ne pas évoquer son contemporain Roland de Lassus (1532-1594). À certains égards même, le raffinement de son écriture fait de lui comme un prédécesseur de l'air de cour.

Mignonne allons voir si la rose est un illustre sonnet, bien connu des écoliers français, dû à Pierre de Ronsard (1524-1585). Lui conférant au passage un titre bienvenu, il ouvre le présent disque Ramée, que l'ensemble vocal Ludus Modalis (ci-dessous), géométrie variable dirigée par  le ténor Bruno Boterf, a choisi de consacrer à Costeley. La chanson dérivée, comme nombre d'autres de son auteur, a été conçue pour les chanteurs de la Chambre du Roi. Le compositeur expérimenta et chercha sans cesse de nouvelles formes, de nouvelles harmonies : ainsi, le Seigneur Dieu, ta pitié, au chromatisme étonnant, utilise-t-eil des tiers de tons, et s'avère fort caractéristique de l'esprit d'investigation de son créateur.

L'ensemble Ludus Modalis - © non communiqué
Le choix effectué par Bruno Boterf pour ce recueil est très éclectique et représente bien cette diversité d'inspiration. Chansons martiales (La prise du Havre), chansons graves (J’ayme mon Dieu), chansons "honnestes et poliz" (Muses chantez, Mignonne allons voir...), chansons de Noël (Sus debout gentils pasteurs), chansons à boire (La terre les eaux va buvant) - enfin chansons scatologiques (Grosse garce noire et tendre) se succèdent, apportant tour à tour ces touches parfois rabelaisiennes, que notre imaginaire rattache volontiers à l'idée de la Renaissance.

Guillaume Costeley (1530-1606)
Mieux : entrecoupé de pièces instrumentales (plages 5, 8, 13, 16 et 24), entremêlant à l'envi des chansons en trio, quatuor, quintette vocal (accompagnées ou non), ce récital extrêmement abouti nous préserve de la monotonie que n'aurait pas manqué de constituer une simple litanie. Il devient, par la grâce des artistes, une profonde chambre d'écho... somme toute conforme à l'esprit doux-amer (Comme à cette fleur, la vieillesse / Fera ternir votre beauté) de la pièce liminaire.

Outre le claveciniste Freddy Eichelberger qui accompagne certaines de ces pages et nous offre des solos instrumentaux de toute beauté, l'équipe vocale ne mérite que des éloges... La prononciation du "vieil langage françois", la souplesse de texture requise par certaines chansons, la profonde compréhension de celles-ci par les artistes (on ne chante évidemment pas Seigneur Dieu, ta pitié et Grosse Garce noire et tendre de la même manière), sont autant d'atouts contribuant à l'éclat d'un objet discographique de qualité, résolument propre à nous ébaudir.

 Pièces à l'écoute simple ci-dessous  ① Mignonne, allons voir si la roze ‣  Seigneur Dieu, ta pitié   Grosse garce noire et tendre ‣ © Ramée 2013.


 Guillaume Costeley (1530-1606) - Mignonne allons voir si la rose.
Recueil de vingt-sept chansons et extraits instrumentaux.

‣ Ludus Modalis : Annie Dufresne, Edwige Parat, Jean-Christophe Clair,
Bruno Boterf, Vincent Bouchot, François Fauché, chant.
Freddy Eichelberger, clavecin - Bruno Boterf, direction.

 Un disque Ramée pouvant être téléchargé ICI.




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"Bassus. Musique de G. Costeley, organiste et vallet de chambre du Roy"
Lors du récital offert à l'appui du CD, à l'Auditorium de la Bibliothèque Nationale de France le 22 mars 2013, Ludus Modalis s'est employé, non seulement à mettre en valeur son programme Mignonne allons voir si la rose, mais encore à l'agrémenter d'une "mise en déclamation", par la grâce d'une lecture confiée à un maître de la l'histoire de la prononciation de la langue française, Olivier Bettens. Ainsi, les Statuts de l'Académie de Poésie et de Musique, ou encore des textes de De Baïf, Ubert Philippe de Villiers, Robert Garnier - voire Guillaume Costeley soi-même - ont-ils constitué un roboratif contrepoint aux chansons ou pièces pour clavecin.

Intérêt supplémentaire, l'insertion d'autres compositeurs, susceptibles de mettre en miroir l'auteur principal et son contexte historique, au premier plan desquels (à tout seigneur tout honneur) Roland de Lassus ; mais aussi Philippe de Monte, Claude Le Jeune, Pierre Certon, Adrien Le Roy, Nicolas de la Grotte... Prodigué sans entracte (ce qui en aurait dénaturé la logique narrative), ce menu plantureux nous est  cependant apparu d'une légèreté aérienne. En effet, les qualités musicales et prosodiques relevées  au sujet du disque ci-dessus, étaient fidèles au rendez-vous, servies par une acoustique particulièrement soignée. Signal révélateur, la haute qualité d'écoute du public, lors d'un concert de l'après-midi... de surcroît dans un lieu plutôt froid, et pas forcément sacral pour de la musique  dite "classique" !

L'ensemble Ludus Modalis - © non communiqué
Par ailleurs, qu'un large public puisse juger sur pièces ce qu'est une direction, un tactus par nature conduit de l'intérieur (puisque, rappelons-le, Bruno Boterf chante sa partie de ténor tout en coordonnant sa troupe), représente une plus-value pédagogique inappréciable. Celle-ci aide largement à goûter l'alchimie d'une homogénéité aussi stupéfiante, dont le l'élaboration en amont est en réalité aussi exigeante que son déroulement paraît simple et naturel. Un grand moment de noble vulgarisation et de partage.

 Paris, Auditorium de la Bibliothèque Nationale de France, 22 III 2013.
Guillaume Costeley (1530-1606) : Mignonne allons voir si la rose.
Concert à l'appui du disque Ramée relaté ci-dessus.

‣ Ludus Modalis : Annie Dufresne, Edwige Parat, Jean-Christophe Clair,
Bruno Boterf, Vincent Bouchot, François Fauché, chant.
Freddy Eichelberger, clavecin David Boinnard encordé en boyau.
Olivier Bettens, déclamation - Bruno Boterf, direction.


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Toutefois, dans un laps de temps très restreint, Ludus Modalis a pris soin, s'il est possible, de frapper un coup plus fort. En prélude à une tournée de cinq mois devant mener l'ensemble à partir sa résidence normande d'Évreux vers divers lieux de France, le Temple du Foyer de l'Âme de Paris a accueilli, le 1er mai, Un Requiem du temps de Bach. Le propos (dans la lignée de réussites telles que Nathalie Stutzmann ou Violaine Cochard avec Bach, Hervé Niquet avec Striggio et ses contemporains, Leonardo García Alarcón avec Vivaldi...) est d'imaginer, à partir des sources les plus rigoureuses, un concert virtuel mais cohérent - ici, un Office Funéraire abreuvé de sources d'ordre très élevé, les Musikalische Exequien d'Heinrich Schütz (1585-1672), "coupées" de trois Motets et de l'illustre Cantate Christ lag in Todesbanden de Johann Sebastian Bach (1685-1750).

La vidéo promotionnelle du Requiem au temps de Bach, captée au Temple du Foyer de l'Âme

L'extrait vidéo ci-dessus permet de mieux saisir l'originalité de la démarche, telle qu'explicitée par Boterf en personne ("renaissanciser Bach, baroquiser Schütz"...). Instaurer un tel continuum entre ces deux piliers de la musique germanique, dont les naissances sont séparées d'exactement un siècle, c'est  suggérer une descente verticale du temps, depuis les sources polyphoniques, en passant par le stylus fantasticus (ou stil nuovo), jusqu'à certains (rares) italianismes, perceptibles dans les vocalisations des deux airs de la Cantate Christ lag. (1) Tant qu'à faire : autant partir également à la conquête de l'espace ! C'est précisément ce que réalisent les musiciens, ceux de Ludus comme ceux de l'Académie Sainte Cécile, se prêtant, d'un morceau à l'autre, à toutes les combinatoires offertes par la disposition du Temple (éloquent dans la vidéo, ainsi que ci-dessous).

Des artistes de Ludus Modalis au Temple du Foyer de l'Âme, le 1° mai 2013 - © Jacques Duffourg
Il n'est pas nécessaire de rappeler quel chef d'œuvre incontournable constituent les Musikalische Exequien de Schütz, ce qu'est venu encore souligner un récent enregistrement référentiel de Vox Luminis. Séparer leurs trois parties, aux durées inégales, pour les interpoler avec du Bach, pouvait sembler a priori risqué. Risque conjuré par l'intelligence du choix des Motets (le Jesu meine Freude étant lui-même fractionné), l'utilisation optimale des ressources variées de la spatialisation, l'éloquence du cornet et des trois tessitures de sacqueboutes ; enfin, l'adéquation fusionnelle des cordes de l'Académie à la phalange vocale en total état de grâce bien que fort étoffée...

Tous ces éléments contribuent à faire d'Un Requiem du temps de Bach plus qu'une trouvaille : à n'en pas douter, un essentiel de la musique sacrée jouée en France cette année, que nous retrouverons avec joie lors de festivals à venir, d'Arques la Bataille à Toulouse Les Orgues.


(1) Cette continuité, au moins partielle, de la liturgie musicale "germanique" nous est encore plus familière depuis que l'Ensemble Les Métaboles et Léo Warynski ont rendu à nos oreilles cette Messe hors du commun de Johannes Brahms - laquelle plonge également dans la Polyphonie, parcourt le baroque et le rococo autrichiens, s'imprègne de Mendelssohn ou Bruckner... et annonce le XX° siècle. Lire notre chronique ICI.

 Paris, Temple du Foyer de l'Âme, 1er V 2013 - Un Requiem du temps de Bach.
À partir des Musikalische Exequien d'Heinrich Schütz (1585-1672)
et de Motets et Cantates de Johann Sebastian Bach (1685-1750).

‣ Ludus Modalis : Annie Dufresne, Edwige Parat, Eva Zaicik, Kaoli Isshiki,
Jean-Christophe Clair, Sophie Toussaint, Bruno Boterf, Vincent Bouchot,
Hugues Primard, Olivier Coiffet, François Fauché,
Jean-Claude Saragosse, chant.
Simen van Mechelen, Stéphane Müller, Franck Poitrineau, sacqueboutes.
Freddy Eichelberger, orgue.

‣ Académie Ste Cécile : Philippe Couvert, Franck Pichon, violons -
Hélène Suignard, alto.
Jean-Christophe Marcq, violoncelle - Miguel Frechina Ten, contrebasse.
Bruno Boterf, direction.

jeudi 7 mars 2013

❛Concert❜ "La Voix de l'Âme", belle réalisation didactique de La Cavatine ● Comme une cantate de Bach imaginaire, autour du symbolisme du hautbois.

Particulièrement réussi, le visuel de cette manifestation...
La Cavatine, ou quatre jeunes musiciens dans le vent (photographies ci-dessous) ! Réunis le 25 janvier 2013 à l'Église Évangélique Allemande du IX° arrondissement de Paris, ils ont su suivre une voie (Voix) fort originale pour condenser et transmettre - de manière didactique et plaisante, en un peu plus d"une heure de musique - l'un des corpus les plus colossaux de notre héritage occidental, celui des Cantates sacrées de Johann Sebastian Bach (1685-1750).

Le titre du concert, La Voix de l'Âme, peut paraître à la première lecture bien vague, voire banal. Il n'en est évidemment rien, tant il obéit à la logique interne qui prévaut dans le choix des morceaux proposés. Et de manière a priori paradoxale, cette Voix s'ordonne et s'alimente essentiellement autour d'une sève nourricière de nature... instrumentale.

En effet, la pierre angulaire de ce parcours repose sur "l'instrument des bergers", le hautbois. Pas seulement par la rémanence, au cœur des chefs d'œuvre vocaux du Cantor de Leipzig, comme dans beaucoup de partitions baroques (1) de ce timbre et de cette couleur uniques. De manière sans doute plus essentielle, au sein de compositions qui sont avant tout des liturgies de la parole, le hautbois présente, pour la communauté des fidèles à qui elles sont destinées, un caractère très hautement symbolique.

Gille Cantagrel - © La Cavatine
Le déchiffrage de ladite symbolique est confiée par La Cavatine à celui qui est sans doute le plus grand expert actuel en la matière : Gilles Cantagrel (photographie ci-dessus). Au cours d'une présentation aussi captivante que concise, le conférencier insiste avec son éloquence accoutumée sur l'importance que revêtaient à l'époque des choix musicaux (tonalité, rythme, tempo, orchestration, tessitures...) auprès d'une assistance susceptible de recevoir et comprendre  par ces codes la Bonne Nouvelle - de la même manière que les ouailles du Moyen-Âge savaient lire et comprendre les Jugements Derniers des tympans des cathédrales.

Étonnamment, le hautbois précité, qui accompagne les Rois Mages (et par conséquent la naissance du Sauveur), se voit ici associé, comme le souligne Cantagrel, à des textes de Cantates que l'auditeur moderne peut juger doloristes, voire macabres. Il n'est là, pourtant, aucune antinomie pour les croyants du temps : par sa Passion, rachat des péchés des hommes, le Christ a ouvert à chacun d'entre eux les portes de la félicité éternelle, appelée à succéder à la via doloris terrestre. En conséquence, la douleur et la mort tant chantées par Bach, non seulement ne sont ni une fin ni un tourment, mais - plus encore qu'une délivrance - un passage. Transition de la vie ordinaire vers la vie véritable, ce re-commencement ne peut être, sous l'angle musical, qu'une seconde naissance... bercée par les mélismes d'un hautbois.

Timothée Oudinot, Lucile Perrin, Louis-Noël Bestion de Camboulas, Véronique Housseau - © La Cavatine
Voilà pourquoi le programme tire une forte part de son extrême intelligence (et de sa haute sensibilité) de la prestation marathonienne - eu égard à l'endurance requise par l'instrument - du hautboïste Timothée Oudinot (photographies ci-dessus... & ci-dessous au oboe da caccia, ou hautbois de chasse). L'artiste se voit sollicité sur trois instruments distincts (!) d'un bout à l'autre (2), ses seuls répits étant les deux mouvements de Suites pour violoncelle BWV 1007-1008, interprétés avec une intériorité toute luthérienne par Lucile Perrin ; ainsi que l'air Öffne dich mein ganze Herze de la très célèbre BWV 61 Nun komm, der Heiden Heiland, permettant à l'organiste Louis-Noël Bestion de Camboulas de s'employer à découvert (3).

Le mérite d'Oudinot est d'autant plus grand que, ne se départant jamais du plus pastoral des sourires, il se donne les moyens - didactisme, encore - de proposer un autre instant pédagogique, en début de seconde partie. Ceci, sous la forme d'un comparatif entre le hautbois baroque "standard", le hautbois d'amour et le hautbois de chasse (relais entre l'ancien cornet à bouquin, et le futur cor anglé, devenu "cor anglais"), tous trois sollicités lors du concert !

Timothée Oudinot, Lucile Perrin, Louis-Noël Bestion de Camboulas, Véronique Housseau - © La Cavatine
L'autre voix de l'âme, qui lui fait écho, c'est celle de Véronique Housseau (photographies ci-dessus & ci-dessous) jeune soprano lyrique-léger au timbre cristallin, à la contribution également écrasante. Ses seuls vrais repos résident dans les deux méditations pour violoncelle seul de Lucile Perrin, et la Sinfonia de l'immense BWV 76 Die Himmel erzählen die Ehre Gottes, qui ouvre le second volet de la soirée (hautbois d'amour, viole de gambe ici remplacée par le cello, orgue). Curieusement, c'est à l'issue de cette pause que le matériau de la chanteuse paraît le plus crispé, ne pouvant taire une relative "verdeur" au cours de l'air de la BWV 75 Die Ellenden sollen essen.

En revanche, ses miroitements argentins et expressifs font merveille ailleurs, d'autant que l'implication textuelle est forte. L'exemple le plus abouti n'est même pas de la plume de Bach... mais de Georg Philipp Telemann (notre compositeur de l'année 2012, lire notre rétrospective) - convié en un unique et admirable extrait de la TWV 4:17 Du, aber Daniel - juste avant l'entracte. À complimenter de même, la BWV 127, Herr Jesu Christ, wahr' Mensch und Gott, toute de legato, volutes, voix filée du meilleur aloi. Et surtout, la très belle tenue d'un talisman tel que Mein Herz schwimmt in Blut - Stumme Seufzer, stille Klagen, cette BWV 199 "icône", dans laquelle les plus fameux sopranos se sont depuis longtemps illustrés.

Louis-Noël Bestion de Camboulas & Véronique Housseau - © La Cavatine
Deux choses encore. Le choix du bis irréel Flößt mein Heiland, flößt dein Namen (sans effet d'écho, forcément), de la quatrième section de l'Oratorio de Noël : voilà qui rehausse encore, un mois jour pour jour après la Fête de la Nativité, l'intelligence programmatique déjà louée.

Plus significatif encore - car tellement subtil - est le choix de deux portiques, d'entrée et de sortie de soirée, cette fois parmi les cantates profanes de Johann Sebastian Bach. C'est le mariage qui s'y trouve célébré, par deux airs très contrastés (de l'affliction à l'allégresse) issus de la BWV 202 Weichet nur, betrübte Schatten.

Ceci vient rappeler, à qui l'aurait perdu de vue, que les épousailles terrestres ne sont rien d'autre que la métaphore de l'Alliance : celle conclue entre Jésus Christ et son Église. Didactique, avions-nous précisé.


À ne pas manquer le 9 mars !
(1) Pas seulement baroques ! Il est à notre sens évident que le Gustav Mahler du quatrième mouvement de la III° Symphonie, l'O Mensch ! de Nietzsche, ne procède pas autrement - tant les traits surnaturels du hautbois y sonnent comme autant d'interrogations métaphysiques de même nature que celles de Bach.

(2) Une légère pointe de fatigue - très compréhensible - est perceptible par de marginales imprécisions, au cours de l'extrait jubilatoire de la Cantate de mariage BWV 202 qui clôt les festivités. Cela n'enlève absolument rien à la performance du jeune hautboïste, qui représente pour nous une première.

(3) Au-delà de ces "découverts" précis, il convient d'applaudir sans réserve l'excellence de ces deux continuistes, tout  au long de la totalité du récital. Louis-Noël Bestion de Camboulas dirige, par ailleurs, le jeune Ensemble Les Surprises, que nous avons eu le plaisir d'entendre récemment à Ambronay.

  Paris, Église Évangélique Allemande, 25/01/2013 : La Voix de l'Âme - Bach - Cantates sacrées.
Un concert organisé par l'ensemble La Cavatine et présenté par Gilles Cantagrel.

Johann Sebastian Bach (1685-1750) - Extraits des Cantates BWV 202, 1, 21, 127, 92,76, 75, 61, 199. 
Extraits des Suites pour violoncelle seul BWV 1007 & 1008.
Extrait de l'Oratorio de Noël BWV 248 (bis).

‣ Georg Philipp Telemann (compositeur de l'année 2012 Appoggiature) - Extrait de la Cantate TWV 4:17

‣ La Cavatine : Véronique Housseau, soprano ; Timothée Oudinot, hautbois ; Lucile Perrin, violoncelle ;
Louis-Noël Bestion de Camboulas, orgue.

dimanche 20 mai 2012

❛Disques❜ Deux nouveautés "Ambronay", Bach Drama (Leonardo Garcìa Alarcòn) & Vespro per l'Assunta (Martin Gester) • Un bon Bach, mais un frustrant Porpora.

Ce disque peut être acheté ICI
Drama ? Une chose est sûre : ce nouvel enregistrement Ambronay Éditions va nous faire regretter une fois pour toutes que Johann-Sébastian Bach ne se soit pas définitivement penché sur l'écriture d'opéras...

Drama ! Leonardo Garcìa Alarcòn, ici à la tête des Agrémens comme pour le récent Vespro a San Marco,  sait, dès le début, nous entrainer dans ces "opéras de chambre" que constituent, de fait, ces trois cantates profanes. Le Chœur de Chambre de Namur, soutenu par le continuo subtil, sait ici se faire tendre, enjoué, vaillant... Les chanteurs, pour la plupart, supportent sans la moindre difficulté la comparaison avec ceux qu'avaient retenus René Jacobs... dans le même programme.

Les nombreux personnages, en effet, sont tous campés avec justesse ; la technique sûre du groupe de solistes répond à merveille au propos plein d'allégresse du chef. Surplus de plaisir : les timbres se marient admirablement entre eux.

Léger (oh ! très léger !) regret... Il se trouve peut-être un brin de mollesse au cours de certains passages (Aria n° 5 de la BWV 201, par exemple), mais celui-ci est largement compensé par l'énergie, la vie intense qui fuse des pièces qui suivent.

Cette réserve ne s'imposait pas chez Peter Schreier - qui fut longtemps celui que nous écoutions (et que nous réécoutons toujours avec plaisir) dans ces Cantates, avant que n'arrive notre Jacobs précité. Elle n'avait pas lieu d'être non plus dans le corpus Harnoncourt/Leonhardt.

Pompeo Batoni (1708-1787) - Hercule à la croisée des chemins, version de Turin (1742)
Certes, le travail de Schreier peut dater. Quoique... 1983 : pas même trente ans, un coffret de huit CD enregistrés pour Edel - toujours disponible pour une bouchée de pain ! Quelle théâtralité n'y convoqua-t-il pas, pour lui comme pour l'ensemble de ses musiciens !

En dépit de cette retenue passagère, Alarcòn et sa fine équipe prennent désormais place, sans démériter, aux côtés des ci-dessus nommés. Le chef argentin démontre - une fois de plus - après tant de Judas Macchabaeus et autres Diluvio Universale (notre disque de l'année 2011) qu'il n'est nul besoin de star-system débridé, ou de tapage publicitaire pour faire de la belle, de l'excellente musique...

Très bonne idée, également, que d'avoir filmé la Cantate BWV 213 (DVD "bonus") ; et d'avoir disposé une cantate par CD, permettant ainsi une écoute cohérente en continu. Tant pis si, aujourd'hui, des disques de plus de quatre-vingts minutes ne sont pas rares, le présent minutage s'avérant pour le coup plutôt chiche.

Drama ? Oui, ce sont bien là des modèles de drama per musica que vous nous offrez ici, maestro Leonardo... Soyez en pleinement remercié !

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Ce disque peut être acheté ICI
Martin Gester connaît son métier, cela ne fait aucun doute... Le nombre de disques qu'il nous à déjà offerts, sous divers labels, de compositeurs aussi variés que Mozart, Monteverdi, Haydn, Charpentier, Lully... et même Tomas Luis de Victoria : voilà qui nous a depuis longtemps prouvé son amour de la musique - en particulier du chant.

Si les présentes Vêpres de Nicola Porpora méritaient, au moins par principe; d'être redécouvertes, demandons-nous tout de même, à leur écoute, d'où peut provenir la lassitude qui nous étreint sans concession ?...

Ce ne peut être des forces de la Maîtrise de Bretagne, jamais en défaut, dispensant de bout en bout un chant magnifique... Ce n'est pas plus, assurément, du geste impeccable de Gester vis-à-vis de son fameux Parlement de Musique ! Serait-ce... de Porpora lui-même ?

Sans aucun doute : rapporté à d'autres offices de Vêpres (Monteverdi ou Vivaldi, pour ne citer qu'eux), nous ne pouvons nous empêcher de penser que le défaut d'inspiration du Napolitain s'avère accablant. Manque d'ampleur liturgique, absence de sens du sacré, linéarité permanente du discours, voilà qui constitue déjà beaucoup.

Asher Brown Durand (1796-1886) - Les Vêpres indiennes (1847)
Lorsque s'y ajoute encore un je-ne-sais-quoi de redondant, tout - décidément - nous laisse dès lors sur notre faim ! Un enregistrement on ne peut moins vivifiant, pour curieux et/ou collectionneurs.

‣ Pièces à l'écoute simple, en bas de page  Johann Sebastian BachDer Streit zwischen Phöbus und Pan (1 : Air de Phöbus) - Der Zufriedengestellte Äolus (2 & 3 : Chœur d'entrée & Air de Pallas Nicola Porpora - Lauda Jerusalem (4 : Introduction). © Ambronay Éditions 2012

Retrouvez ICI le film d'Olivier Simonnet sur Herkules auf dem Scheideweg (Hercule à la croisée des chemins), © Ambronay Éditions & © Arte 2012.


▸ Leonardo Garcìa Alarcòn, Chœur de Chambre de Namur, Les Agrémens : Bach Drama.
Johann Sebastian Bach (1685-1750), Cantates Profanes -
Der Streit zwischen Phöbus und Pan, Der Zufriedengestellte Äolus, Herkules auf dem Scheideweg - Céline Scheen, Christian Immler, Makoto Sakurada, Alejandro Meerapfel,
Fabio Trümpy, Clint van der Linde.

2 CD + 1 DVD Ambronay Éditions pouvant être achetés ICI

▸ Martin Gester, Maîtrise de Bretagne, Le Parlement de Musique : Vespro Per La Festività Dell'Assunta.
Nicola Porpora (1686-1768), Vêpres -
Laudate Pueri, Salve Regina, Laetatus Sum, Lauda Jerusalem -
Marilia Vargas, Michiko Takahashi, Delphine Galou.

1 CD Ambronay Éditions pouvant être acheté ICI