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lundi 4 décembre 2017

❛Repère❜ Meilleurs vœux 2018 à toutes et tous ! • Appoggiature ne vous oublie pas...


APPOGGIATURE observe une pause - à l'évidence de très longue durée - depuis exactement quatre années. Sa dernière chronique à avoir été publiée, ci-dessous, est celle des DANAÏDES d'Antonio SALIERI, à VERSAILLES, le 27 novembre 2013.

J'y avais alors entendu en version de concert (et ai rendu compte avec le plus grand enthousiasme) une réalisation d'un niveau tout à fait superlatif.

Elle était due aux bons soins et aux grands talents de toutes les équipes et artistes impliqués : PALAZZETTO BRU ZANE, CENTRE DE MUSIQUE BAROQUE & OPÉRA ROYAL DE VERSAILLES, CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES, PAGES & CHANTRES DE VERSAILLES, LES AGRÉMENS & GUY VAN WAAS, SOLISTES & CHORISTES...

Voilà, reconnaissons-le, une belle manière de tirer son chapeau, et de tourner une page dans la vie personnelle d'un chroniqueur indépendant. Ainsi va le microcosme dénommé "blogosphère".

Aujourd'hui, certains articles parmi les plus anciens peuvent souffrir de "liens morts", de "vidéos fantômes" ; quelques clichés ou vignettes ont disparu de leur côté dans les imprévisibles limbes numériques. Mais je n'ai pas le moyen, et surtout pas le temps d'y porter remède. Acceptez toutes mes excuses pour ces désagréments de pagination et de lecture.

Philip GLASS, Robert WILSON : EINSTEIN ON THE BEACH, 1° scène du Jugement - © Théâtre du Châtelet 2014
Je présente à mes fidèles lectrices et lecteurs mes meilleurs vœux pour le millésime qui s'approche. Vœux musicaux et lyriques, s'il en fut... que j'illustre ci-dessus  par une scène de l'une des plus belles productions d'opéra parisiennes de ces dernières décennies - sans exagération aucune de ma part !

APPOGGIATURE aurait en effet aimé se voir offrir l'opportunité de rendre compte de ce magnifique EINSTEIN ON THE BEACH, de Philip GLASS et Robert WILSON 2014. Je l'avais fait, avec tout mon cœur, au sujet d'une autre pépite de la musique "maximaliste", NIXON IN CHINA de John ADAMS ! Ou bien du chef d'œuvre de l'opéra américain du XX° siècle, STREET SCENE de Kurt WEILL.

Chers mélomanes internautes... et chers musiciens, éditeurs... intermédiaires de presse ou attachés de communication, vous professionnels sans qui rien n'aurait vu le jour : APPOGGIATURE ne vous oublie pas. Peut-être n'est-ce qu'un au revoir ?

Vous pouvez continuer de me lire dans l'excellente revue que j'ai décidé de rejoindre, BaroquiadeS !
MANTET, Roussillon (Pyrénées Orientales), FRANCE  - © Jacques DUFFOURG-MÜLLER

vendredi 1 novembre 2013

❛Disque & Concert❜ Henri TOMASI (1901-1971) en majesté auprès du label Indésens • Éric AUBIER, Fabrice MILLISCHER, "Rentrée solaire"... ou "Sound the trumpet" !

Un disque Indésens pouvant être acheté ICI
Constater que les œuvres d'Henri TOMASI (1901-1971) ne sont pas légion dans les  programmes de concerts... relève de l'évidence. Je me rappelle la courageuse initiative d'une dynamique directrice de théâtre marseillaise, Renée AUPHAN, ville natale du musicien !

Au cours  d'une surprenante saison lyrique (en 2001), consacrée à l'Orient et ses mille et un sortilèges, elle avait osé un pari risqué : redonner sa chance à L'Atlandide, un des opéras de TOMASI... jamais représenté ailleurs. Quel théâtre, maintenant, remettra à l'honneur  Don Juan de Manara ?

Sa vie durant, ce compositeur s'est évertué à forger un langage singulier. Sobre car émaillé d'un lyrisme discret, subtil,  puissant, il demeure magnétique, bien que traversé de soubresauts insolites et de contrastes inattendus.

Je cite pour mémoire le formidable enregistrement Naxos - datant maintenant d'une quinzaine d'années - des Fanfares liturgiques si proches d'Olivier MESSIÆN, et le miraculeux Requiem pour la paix, pouvant rivaliser sans coup férir avec le War Requiem de Benjamin BRITTEN, en matière de fulgurante dramaturgie.

Difficile, dès lors, de comprendre l'ostracisme dans lequel semble être tombé TOMASI ? Il n'a pourtant rien d'un dangereux novateur, d'un iconoclaste dynamitant la tonalité... ou d'un "contrapuntique" austère ! Et à l'inverse, il est l'exact contraire d'un simple faiseur estimable.

Henri TOMASI (1901-1971)
Qui est-il ? Un artisan atypique, de tempérament fascinant et de talent sans égal, avec un quelque chose de  rebelle à la Jean GIONO, autre illustre Provençal. Son originalité est  aussi forte que celles d'un Darius MILHAUD ou d'un Jean FRANÇAIX ; voire, dans un style bien différent, un Max D'OLLONE !

C'est ce que démontrent les pages présentées dans ce CD Indésens, en avant-premières mondiales. Et, plutôt que d'écrire un n-ième Concerto pour piano, ou pour violon, il choisit de célébrer deux cuivres, la trompette et le trombone : visiblement, ses instruments de prédilection.

Éric AUBIER, trompettiste - © www.lieksabrass.com
La trompette... Fluide et aérienne, est poussée par Henri TOMASI dans ses ultimes retranchements ; sous sa plume, ses multiples (et inattendues) capacités expressives - à la fois élégiaque, fantasque, hypnotique - sont ahurissantes. De la haute voltige. Confronté à de telles acrobaties, Éric AUBIER (ci-dessus), extrêmement brillant, déroule une virtuosité décoiffante dans un jeu subtil, tout de précision diabolique et de poésie troublante. Résultat miraculeux d'émotion, l'auditeur en sort K.O. pour le compte !

Autre modèle de raffinement et d'élégance : le Concerto pour trombone, une des ses partitions les plus abouties, où c'est au tour de Fabrice MILLISCHER (ci-dessous) de faire merveille. TOMASI se métamorphose ici en ciseleur de diamant : alliage unique de timbres, imbrication de thèmes sidérante de doigté, et rutilance de l'orchestration, lumineuse, transparente, tour à tour cuivrée et suave. À l'arrivée,  une architecture musicale hors norme pour un chaos abrupt au sein duquel se love un incandescent brasier sonore.

Fabrice MILLISCHER, tromboniste - © Jean-Claude GORIZIAN
Incontestablement, la partition la plus  forte demeure Noces de cendres, une splendide ode onirique aux accents dignes d'un Silvestre REVUELTAS, d'un Igor STRAVINSKY, d'un Maurice RAVEL... et de la musique de jazz ! Ici prévaut un ballet étourdissant d'harmonies très richement colorées, et fortement scandées - entre le poème symphonique, le conte fantastique, la fantaisie, et même la ballade.

L'extraordinaire - et si poignant - Andante "La jeune fille et la mort" s'avère une séquence d'une beauté suffocante, en apesanteur, au pouvoir littéralement incantatoire.

Riant, rayonnant, audacieux, ce disque mérite d'être encensé sans réserve, tant il donne Foi en la Musique... au sens ou l'entend le personnage du Compositeur (Komponist) dans l'Ariadne auf Naxos de Richard STRAUSS.

 Henri TOMASI (1901-1971) : Concertos pour trompette et pour trombone -
Noces de cendres - Suite pour trois trompettes.

‣ Éric AUBIER, trompette - Fabrice MILLISCHER, trombone.
Orchestre d'Harmonie de la Garde Républicaine - dir. : François BOULANGER - Sébastien BILLARD.

 Concert (même programme, moins la Suite) à la Cathédrale Saint Louis des Invalides, PARIS, le 7 II 2013.

 Un disque Indésens pouvant être acheté ICI.

vendredi 4 octobre 2013

❛Disque❜ Indésens, Solenne PAÏDASSI & Laurent WAGSCHAL • Dans l'intimité d'un magnifique concert à ILLIERS COMBRAY, en compagnie de M. de VINTEUIL...

Un disque Indésens pouvant être acheté ICI
Redoutable programme, que celui qui nous est proposé dans ce nouveau disque du label Indésens... Effectivement, les Sonates regroupées ici - notamment celle de César FRANCK (1822-1890) - ont tenté les plus grands archets, et ce, presque depuis les débuts du gramophone et autres cires, ou rouleaux. Et si elles les ont tentés, le moins que l'on puisse dire est que les réussites sont légion !

Redoutable encore, car les deux solistes ici présentés (portraits plus bas), s'ils ont déjà foulé les plus grandes scènes internationales, en y remportant de vrais succès, n'en sont pas moins à l'orée de leurs carrières. Surtout Solenne PAÏDASSI, qui n'est présente que sur un DVD, y jouant le troisième Concerto de Camille SAINT-SAËNS (déjà !) ; Laurent WAGSCHAL quant à lui ayant déjà une bonne quinzaine de disques à son actif : musique de chambre de Maurice EMMANUEL, Gabriel PIERNÉ (tiens donc), Camille SAINT-SAËNS, Gabriel FAURÉ, Jean CRAS, Claude DEBUSSY - ou Florent SCHMITT...

Marcel PROUST (1871-1922) (Jacques-Émille BLANCHE)
Redoutable enfin... car comment ne pas avoir à l'esprit l'univers proustien et la fameuse Sonate du compositeur VINTEUIL, lequel vient la jouer chez les VERDURIN, Madame tenant salon après avoir rencontré un succès parisien plus qu'honorable... C'est dans Un Amour de Swann (À la recherche du temps perdu) que cette Sonate accompagne les sentiments de Swann et d'Odette. Celle de FRANCK est présentée en tant que l'un de ses modèles... même si Marcel PROUST (ci-contre) n'a jamais confirmé – ou infirmé – cette assertion, et même si d'aucuns y ont plutôt reconnu la Sonate op. 75 de Camille SAINT-SAËNS, tout comme d'autres y ont entendu Gabriel FAURÉ).

The Art of Violin, voilà ce qui est inscrit au frontispice de ce disque : c'est un comble pour un disque censé célébrer l'école franco-belge de violon ! et pourquoi pas l'Art du Violon ? Pour autant, il est indéniable que ces trois Sonates - ainsi que la fameuse Méditation tirée de l'opéra Thaïs de Jules MASSENET (1842-1912) - incarnent la quintessence de cet art violonistique de la fin du XIX° et début du XX° siècles. Et, ainsi que PROUST nous le fait comprendre lui même à travers la Sonate de Monsieur de Vinteuil, elles sont l'archétype de la sonate pour piano et violon ; genre qui, de BEETHOVEN à SCHUMANN en passant par BRAHMS, de FAURÉ à YSAŸE jusqu'à DEBUSSY et RAVEL, a vu naître tant de chefs d’œuvre.

Solenne PAÏDASSI, © d'après son site
C'est avec un classicisme "naturel" et confondant de facilité que les deux instrumentistes abordent et mènent à leur terme les partitions offertes par cet enregistrement.

Que l'on me comprenne bien. Employant le mot de classicisme, j'évoque toutes les qualités de la grande école de violon française, représentée par Christian FERRAS, Jacques THIBAUD, Ginette NEVEU, Pierre AMOYAL, Gérard POULET, Augustin DUMAY... ou, plus récemment, Laurent KORCIA, Renaud CAPUÇON - sans omettre, par assimilation, le Belge Arthur GRUMIAUX.

Justement notoire, la Sonate de César FRANCK revendique une discographie huppée, où brillent de magnifiques témoignages : Christian FERRAS & Pierre BARBIZET, Jean HUBEAU & Olivier CHARLIER, Jacques THIBAUD & Alfred CORTOT, Yehudi & Hephzibah MENUHIN, Itzakh PERLMAN & Martha ARGERICH, David OÏSTRAKH & Svjatoslav RICHTER... Celle de SAINT-SAËNS (1835-1921) l'est un peu moins, ce qui n'a pas empêché Jean-Jacques KANTOROW & Jacques ROUVIER,  Gérard POULET & Noël LEE, Jean HUBEAU & Olivier CHARLIER... de s'y montrer à leur meilleur. Au service de l'une ou de l'autre, PAÏDASSI et WAGSCHAL ne rougissent à aucun moment face à de tels parrainages.

La découverte nous vient du merveilleux Gabriel PIERNÉ (1863-1937), un ami de DEBUSSY et disciple de FRANCK et MASSENET ! Relativement connus sont Cydalise et le Chèvre-pied, ballet panthéiste, les Paysages franciscains, ou encore le Quintette pour piano et cordes. Sa Sonate opus 36 est en effet une exquise rareté, dont le positionnement aux côtés de celles de ses aînés témoigne d'un goût particulièrement bienvenu.

Laurent WAGSCHAL, © Nikos SAMALTANOS
Dés les premières mesures de la Sonate de SAINT-SAËNS, le ton - magistral - est donné. Servie par une remarquable prise de son, la complicité des deux artistes ne se dément pas tout au long des douze plages d'un disque passionnant de bout en bout. Tour à tour rêveur et très tendre (SAINT-SAËNS), enthousiaste mais profondément lyrique (PIERNÉ) : plusieurs écoutes ne parvenant pas à percer tous les secrets de ses charmes.

Le jeu de Solenne PAÏDASSI et Laurent WAGSCHAL a ceci d'équilibré qu'il n'est ni "trop virtuose" (surtout chez FRANCK dont l'écriture peut parfois donner au soliste des idées démonstratives qui n'ont pas lieu d'être ici) ni "trop romantique" (la Méditation de Thaïs est, en ce sens, un écueil que certains violonistes n'évitent pas, transformant en guimauve une pièce qui, jouée sans mesure, peut aisément tomber dans ce travers)...

Ceci suscite grandement l'envie que ces deux acolytes inspirés - à l'instar d'HASKIL avec GRUMIAUX, d'OÏSTRAKH avec BAUER ou de FERRAS avec BARBIZET - nous guident encore pas à pas dans cet univers incantatoire ; qui sait avec des FAURÉ, LEKEU, et autres ROUSSEL ?

L'un et l'autre ont d'évidence tellement d'autres trésors à nous faire partager !


 Pièces à l'écoute simple (lecteur tout en bas de l'article)  ① Sonate de SAINT-SAËNS : Adagio ② Sonate de PIERNÉ : Allegretto   Sonate de FRANCK : Recitativo Fantasia ‣ © Label Indésens 2013.


 Camille SAINT-SAËNS (1835-1921) : Sonate - Gabriel PIERNÉ (1863-1937) : Sonate -
César FRANCK (1822-1890) : Sonate - Jules MASSENET (1842-1912) : Méditation de Thaïs.

 Solenne PAÏDASSI, violon - Laurent WAGSCHAL, piano.

 Un disque Indésens pouvant être acheté ICI.

lundi 30 septembre 2013

❛Disque❜ "Outre-Mers", Label Paraty, Bruno PROCOPIO, Charles BARBIER • Marcos PORTUGAL et sa Missa Grande : Riders to the Sea !

 Retrouvez ICI la critique de Jacques DUFFOURG relative à cette Missa Grande jouée en concert à PARIS (2011) ...

Un disque Paraty pouvant être acheté ICI
Étrange sensation, que cette expédition musicale  au centre d'un rococo mystique ! De cette Missa Grande, le chœur liminaire n'offre-t-il pas une anticipation (pour le moins inattendue) de ce que seront les captivantes enluminures chorales de Merlin - un opéra d'Isaac ALBÉNIZ -, mâtinées d'un soupçon de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome de Sergeï RACHMANINOV ?

Le Brésilien Marcos PORTUGAL (1762-1830, portrait plus bas), qui détient la clef de ces contrées exotiques est un quasi inconnu en France : la consécration des musiciens d'expression lusitanienne tardant largement à y venir (connaît-on seulement, pour ne pas dire joue-t-on, Luís DE FREITAS BRANCOS ?).

Science des contrastes, effets de miroir, tourbillonnants changements rythmiques : quelle surprenante musique des sphères ! Un exemple : au  Chant d'entrée répondent en écho le Graduel, l'Alleluia et l'Offertoire. Ces trois derniers déroulent un somptueux plain-chant, une déconcertante mélopée, atemporelle, digne du Recordare de Kurt WEILL ou - j'irai encore plus loin - des Lamentations de Saint Jérémie d'Eřnst KRENEK...

Partition encore trop méconnue, éminemment lyrique, quoique parfois austère, elle jette un pont entre l'art grégorien et la polyphonie franco-flamande (se souvenir du magnifique recueil Roland DE LASSUS dû au même ENSEMBLE L'ÉCHELLE), tout en se livrant aux délices vocales du rococo. L'ensemble plonge dans une étrange lumière, quasi atonale. Visionnaire, génie protéiforme, Marcos PORTUGAL bouscule, bien avant KRENEK précité, nos repères, boussoles ou autres concepts ! D'une certaine manière, il annonce - avec quelque avance - l'ascèse brucknérienne ou... l'esthétique spectrale.

Bruno PROCOPIO dans la salle de l'Opéra de RIO DE JANEIRO - © Classique News
A contrario, le bondissant et extraverti Kyrie, primesautier, fantasque, fuse ; tel du ROSSINI déjanté.

Nous tenons là une œuvre paradoxale, atypique, d'une puissance inédite. Au gré de cette navigation musicale, le dépouillement y cède la place à un bel canto du genre le plus débridé, omniprésent, d'une rare inventivité. Ainsi se succèdent de spectaculaires feux d'artifice de vocalises extravagantes, des cascades de fioritures facétieuses, des enchevêtrements d'ornementations... fort éprouvantes pour les chanteurs.

Marcos PORTUGAL (1762-1830)
Caroline MARÇOT - © N.P.
Abondance d'harmonies envoûtantes ne nuit pas. Nous nous situons au-delà des frontières "classiques" de la musique religieuse ; c'est une immersion dans un drame sacré hors normes, une messe audacieuse, se permettant les plus folles embardées - bref, une fantaisie jubilatoire (le démonstratif Et ressurexit !) avec détour inattendu par la cantate avec orgue. Je salue hautement, sur cet instrument la prestation superlative d'Olivier HOUETTE.

De ce disque, chaque instant, chaque séquence est un pur enchantement, un miracle de subtilité. Le mérite en revient aux passionnés artisans d'un concert fort et prenant : le CHŒUR L'ÉCHELLE, sous la direction de Charles BARBIER pour le plain-chant et Quetzal, et de Bruno PROCOPIO (ci-dessus) chef invité pour la Missa Grande. Leurs atouts ? Sens de l'unité, de la cohésion, enthousiasme - exaltation même, tout cela se déployant avec une verve éblouissante.

La Cathédrale de CUENCA (Espagne), lieu de l'enregistrement - © www.spain.info/fr
Le prix de ce joyau musical est élevé, à double titre :  partition négligée, exhumée même, elle est un témoignage "outre-mers" d'un âge charnière, entre XVIII° et XIX° siècles. Elle n'en ouvre pas moins des perpectives audacieuses, voire inattendues, comme je l'ai indiqué. La Missa Grande de PORTUGAL "rejoint" ainsi la Passion Grecque de Bohuslav MARTINŮ, ou l'Apocalypse selon saint Jean de Jean FRANÇAIX.

Quant au sublime chant de sortie, Quetzal (2002) de Caroline MARÇOT (ci-dessus), il se nourrit des clameurs de PENDERECKI, voire de WAINBERG ! Marginal, insolite, il est une captivante Leçon de Lumières, magnifié par un chœur en apesanteur. Un périple inoubliable.

 Pièces à l'écoute simple (lecteur DivShare, tout en bas de l'article)  ① Chant d'entrée, Loquebar de testimonis tuis (plain-chant) ‣  Et resurrexit   Chant de sortie, Quetzal (2002) de Caroline MARÇOT ‣ © Label Paraty 2013.


 Marcos PORTUGAL (1762-1830) : Missa Grande - Caroline MARÇOT (née en 1974) : Quetzal.

‣ Luanda SIQUEIRA, Charles BARBIER, Karine AUDEBERT,
Hervé LAMY, Sorin Adrian DUMITRASCU, Frédéric BOURREAU.
Orgue historique de la Cathédrale de CUENCA (Espagne) : Olivier HOUETTE.

‣ CHŒUR L'ÉCHELLE - dir. (plain-chant) : Charles BARBIER - dir. (ensemble) : Bruno PROCOPIO.

 Un disque Paraty pouvant être acheté ICI.

mardi 24 septembre 2013

❛Disque & Livre❜ Palazzetto Bru Zane, Festival de Montpellier Languedoc Roussillon • Thérèse de Jules MASSENET : beaucoup de satisfactions... et quelques déceptions.

 Retrouvez ICI l' étude d'Hervé OLÉON sur la relation entre Jules MASSENET et Lucy ARBELL ...

Un livre-disque 'ES' pouvant être acheté ICI
De l’automne 1905 à l’été 1906, c’est un Jules MASSENET (1842-1912) déjà affaibli par le mal qui l’emportera quelque six années plus tard (1) qui s’affaire à la composition d’une nouvelle œuvre, un drame musical en deux actes intitulé Thérèse, sur un livret de son ami, le chroniqueur et dramaturge Jules CLARETIE (1840-1913). Alors que son opéra Ariane vient de faire les frais d’une critique des plus tièdes, Jules MASSENET revient, avec Thérèse, à un type d’œuvre plus intimiste dans lequel il excelle.

Il me faut préciser que l’insuccès relatif d’Ariane est la résultante de deux difficultés particulières : tout d’abord les tournures alambiquées du livret de Catulle MENDÈS (l’invocation Atroce Eros, âpre Cypris du III en est un bel exemple…), doublées du fait que les "gros ouvrages", à l’exception du Cid, n’ont jamais été la plus belle marque de fabrique du compositeur. Thérèse rejoint les autres pièces lyriques de Jules MASSENET dont l’action se déroule dans un cadre géographique très circonscrit, avec un nombre de personnage restreint. En outre, à l’instar de Manon (1884) et Chérubin (1905), Thérèse témoigne du vif intérêt que le compositeur porte au XVIII° siècle.

Jules MASSENET (atelier NADAR, 1907)
L’action se déroule au cœur de la Révolution Française. Elle s’inspire fortement de l’histoire de Madame ROLAND, l’une des personnalités phares du parti Girondin, guillotinée à Paris le 8 novembre 1793.

Le premier acte du drame s’ouvre au château de Clagny, dans les environs de VERSAILLES, en octobre 1792. André THOREL, représentant du parti girondin, a acquis aux enchères cette demeure, autrefois propriété de son ami d’enfance, le marquis Armand de CLERVAL, qui a fui en exil. Thérèse, la jeune épouse d’André, souffre de la solitude que lui imposent les absences de plus en plus fréquentes de son mari, se rendant à Paris pour y exercer ses fonctions citoyennes. Lorsqu’Armand de CLERVAL reparaît, rentré clandestinement en France, Thérèse sent se raviver l’amour qu’elle éprouvait jadis pour lui, avant d’épouser André. Tiraillée entre le feu de cette ancienne passion inassouvie et le profond respect quelle éprouve pour son mari, la jeune femme comprend avec effroi qu’un drame se noue autour d’elle lorsqu’André assure Armand de sa protection.

Jules CLARETIE (caricature d'André GILL)
Le second acte se déroule à PARIS, en juin 1793, dans l’appartement d’André et de Thérèse. Celle-ci exprime son inquiétude croissante en écoutant les bruits de la ville en effervescence, alors que l’on diffuse la liste des suspects. André s’efforce une fois encore d’apaiser son épouse. Il a obtenu un sauf-conduit qui assurera le salut d’Armand. Mais cette perspective de sérénité retrouvée est de courte durée. Les Girondins accusés de trahison, André se rend auprès de ses compagnons députés pour soutenir leur cause. Armand tente alors de convaincre Thérèse de fuir avec lui. Il est prêt d’y parvenir lorsqu’ils apprennent l’arrestation d’André, conduit à la Conciergerie et promis à une mort certaine.

Thérèse supplie Armand de partir, en lui promettant qu’elle le rejoindra plus tard. Restée seule à sa fenêtre après le départ d’Armand, Thérèse assiste au passage de la charrette menant les condamnés à la guillotine. Parmi eux, elle reconnaît André. Accablée par le désespoir elle décide de suivre son époux dans la mort. Elle invective la foule et lance, debout à la fenêtre, un tonitruant "Vive le roi !" qui lui vaut d’être aussitôt arrêtée, au milieu des cris de haine et de colère.

E. CLÉMENT & L. ARBELL, scène de l'entrevue du parc
Lorsque l’œuvre est créée à l’Opéra de MONTE-CARLO, le 7 février 1907, sous le haut patronage du prince Albert Ier, elle remporte un vif succès. Dans le rôle-titre, nous retrouvons Lucy ARBELL, ultime égérie du compositeur, dans celui d’André, Hector DUFRANNE et dans celui d’Armand, Edmond CLÉMENT. Dans la reprise à l’Opéra-Comique, à Paris, le 19 mai 1911, DUFRANNE, alors en troupe à Chicago, sera remplacé par Henri ALBERS.

Nous pouvons considérer à plus d’un titre que Thérèse (illustration ci-contre) est un véritable accomplissement de son compositeur dans la veine naturaliste. Taxé d’imitation du Cavalleria rusticana de MASCAGNI avec La Navarraise (1894), MASSENET affirme ici sa propre identité stylistique (2). Les couleurs et les contrastes de l’orchestration, la qualité du livret en prose, mais aussi la réintroduction du clavecin au Ier acte, en coulisse, dans l’exposition du thème du Menuet d’amour - sans oublier la déclamation parlée de la scène finale : tout concourt à donner à l’œuvre une facture tout à fait originale. Jules MASSENET, point fondamental, est un homme de l’expérimentation. Tout au long de sa carrière, il transforme la matière musicale, il introduit des composantes nouvelles, voire insolites, dans l’instrumentation, il recherche de nouveaux effets sonores (3).

Par voie de conséquence, son legs ne peut pas être homogène, et c’est probablement ce qui dérange. Lorsque ses détracteurs parlent de style "pompier", ils ne fondent en réalité leur argumentation très partisane que sur une fraction, certes un peu maladroite mais très limitée, de son œuvre.

Alain ALTINOGLU, chef d'orchestre, © non précisé
En amont de l’enregistrement qui nous intéresse, Thérèse a fait l’objet de trois intégrales au disque. Dans la première, datant de 1973, Huguette TOURANGEAU incarne le rôle-titre, Ryland DAVIES celui d’André et Louis QUILICO celui d’Armand, avec le New Philharmonia Orchestra, sous la direction de Richard BONYNGE (Decca). En 1981, c’est Agnes BALTSA qui tient le rôle aux côtés de Francisco ARAIZA en Armand et Georges FORTUNE en André, avec le Chœur de la RAI et l’Orchestre Symphonique de Rome, sous la direction de Gerd ALBRECHT.

Cette version, d’abord sortie en vinyle chez Atlantis, a fait l’objet d’une réédition en CD en 1996 chez Orfeo. Si ces deux lectures, pionnières, sont globalement de bonne qualité, je ne peux que regretter, dans les deux cas, un manque manifeste de finesse dans la direction orchestrale ; et semblablement, dans certains partis pris, un peu tonitruants, de l’interprétation vocale. D’aucuns auraient tôt fait - et à juste titre - de reprocher à l’œuvre une certaine lourdeur, alors qu’elle offre au contraire une palette très nuancée de couleurs musicales. La troisième lecture, enregistrée en direct en 1992, avec Jeanne PILAND, Howard HASKIN, Charles VAN TASSEL et le Noordhollands Philharmonisch Orkest, sous la direction de Lucas VIS (Canal Grande), est plus confidentielle… et gagne à le rester, tant ses interprètes sont passés à côté du sujet, stylistiquement comme vocalement.

Étienne DUPUIS (André), © non précisé
La production du Festival de Montpellier - Radio France et du Palazetto Bru Zane, enregistrée en concert le 21 juillet 2012, avait donc de quoi réjouir par avance ceux qui, comme moi, attendaient impatiemment une interprétation plus juste de Thérèse. Je dois concéder que sur ce point, la satisfaction est globalement au rendez-vous, en particulier grâce à la qualité de l’Orchestre de l’Opéra de Montpellier. Celui-ci a su, sous la baguette avisée d’Alain ALTINOGLU (notre chef de l'année 2012, photo ci-dessus), redonner à la fois tout son raffinement, sa subtilité et son essence dramatique à cette pièce musicale, certes relativement brève, mais complexe. Tantôt lumineux et léger, tantôt sombre et tragique, le "tapis" sonore de l’orchestre sonne "vrai", rien n’est surfait : tout est justement mesuré. Quant au thème du menuet joué en coulisse par l’excellente Marie-Paule NOUNOU, au clavecin, il est d’une délicatesse absolue qui en fait d’autant plus regretter la brièveté (4).

Sous l'angle du chant, le bilan est plus mitigé. Il convient d’abord de saluer la très belle prestation du Canadien Étienne DUPUIS (photo ci-contre). Sa voix de baryton aux accents juvéniles correspond parfaitement au personnage d’André. Fidèle à l’un des principes fondateurs de l’École de chant nord-américaine, sa diction est parfaite, et son phrasé des plus appliqués. Étienne DUPUIS est sans conteste la révélation vocale de cet enregistrement.

Charles CASTRONOVO (photo plus bas) dispose également d’un timbre parfaitement compatible avec le rôle d’Armand. Les harmoniques sont riches, les aigus brillants. On peut cependant regretter que sa tendance à "tuber" les sons nuise parfois à la compréhension du texte - penchant d’autant plus regrettable que, lorsque le jeune ténor s’autorise à chanter davantage sur la clarté, sa voix prend des sonorités qui ne vont pas sans rappeler celles du regretté Alfredo KRAUS. Considérons qu’étant non francophone, ce bel artiste peut toutefois bénéficier de circonstances atténuantes. Tel n’est pas le cas de tous, et pour cause.

Nora GUBISCH (Thérèse), © MusicaGlotz
En effet, Nora GUBISCH (notre chanteuse de l'année 2012, photo ci-dessus) déçoit quelque peu. S’il est évident dès les premières mesures qui lui sont imparties (Pauvres gens, braves gens…) qu’elle ne dispose pas du matériau vocal approprié pour le rôle de Thérèse, on ne saurait vraiment lui en vouloir d’avoir accepté le défi, les véritables contraltos étant en voie d’extinction en France. De Lucy ARBELL, voix un peu hybride, de qualité inégale (5), d’abord étiquetée mezzo-soprano puis contralto, nous savons, par l’écriture des rôles composés sur mesure pour elle par MASSENET, qu’elle possédait des graves larges et puissants (6).

Charles CASTRONOVO (Armand), © n. p.
Chez Nora GUBISCH, la partie inférieure du registre manque cruellement de matière : mais admettons… En revanche, sur l’articulation très approximative - surtout chez une cantatrice française - je serai beaucoup plus intransigeant. Pour le coup, je pense volontiers qu’une Anne Sofie VON OTTER, bien que Suédoise, aurait bien mieux convenu. Nora GUBISCH est également hors sujet dans le final déclamé. Là où Huguette TOURANGEAU avait proposé une interprétation un peu surannée, Agnès BALTSA, prudente, avait préféré de son côté s’en tenir à la version chantée initialement composée par MASSENET. L’intention donnée par Nora GUBISCH se rapproche malheureusement davantage de la folie d’Anita dans La Navarraise, que du désespoir lucide voulu ici par le compositeur et le librettiste.

Quel dommage ! Pour reprendre une expression qui n’a rien de musical, mais résume pourtant bien les choses : "essai bien tenté, mais non transformé"...

Afin de terminer cette recension par une nouvelle note positive, il convient de saluer la tenue tout à fait honorable des petits rôles, François LIS en particulier, dans le personnage de Morel. De plus, les brèves interventions des Chœurs de l’Opéra de Montpellier sont précises et justes. Les bruits de foule et les interventions parlées sont savamment dosés, conférant à l’ensemble un rendu très réaliste.

Lucy ARBELL, affiche création 1907
C’est donc une "résurrection" partiellement réussie qu’offre cet enregistrement. Ses qualités s'ajoutent à celles des versions antérieures. La dynamique et la couleur de l’orchestre de l’opéra de Montpellier, la pertinence des interventions secondaires et la très convaincante interprétation d’Étienne DUPUIS en font foi. Charles CASTRONOVO, de son côté, se tire plutôt bien de cet exercice de style, en dépit de quelques défauts de prononciation à mettre sur le compte de contestables choix de technique vocale. Quant à l’interprétation du rôle-titre, qu’en dire de plus, si ce n’est qu’elle n’a hélas pas l’éclat tant souhaité... Sans ces deux objections, la dernière n'étant pas la moindre, nul doute que cette nouvelle production aurait pu s'imposer comme une véritable référence.

Le mot de la fin signalera la très belle qualité du support, présenté sous la forme, habituelle  chez Ediciones Singulares, d’un livre-CD. Les graphismes, la qualité du papier et le contenu très intéressant des textes qu’il contient, ajoutent indiscutablement à son attractivité.


(1) Dès 1893, Jules MASSENET souffre de douleurs abdominales de plus en plus violentes, symptomatiques d’un cancer du côlon, d’évolution lente.

(2) Il l’avait déjà fait en 1897 avec Sapho, sur un livret d’Alphonse DAUDET, dont le rôle-titre avait été composé spécialement pour la soprano Emma CALVÉ.

(3) Il utilisera ainsi le saxophone dans Le Roi de Lahore (1877) et Hérodiade (1881), dix darboukas dans Cléopâtre (création posthume, 1914) et l’électrophone dans le poème symphonique Visions (1891). Il fait fabriquer des copies de trompettes médiévales pour Le Cid (1885) et réintroduit également des instruments antiques dans Thaïs (1894).

(4) Dans l’enregistrement de 1996, Gerd ALBRECHT avait cru bon de remplacer le clavecin par l’association cordes-harpe qui reviendra effectivement en réminiscence dans l’ouverture de l’acte II. Ce faisant, il a malheureusement supprimé le caractère insolite de ce très beau passage…  

(5) Dans sa biographie intitulée Massenet (1934), Alfred BRUNEAU, disciple du compositeur,
relate qu’il la qualifia même de "contralto blafard" dans l’une de ses chroniques musicales.

(6) MASSENET évoquait dans ses Souvenirs (1912) les "accents graves et veloutés de sa voix de contralto".


 L'intégrale de l’enregistrement de 1981, BALTSA/ARAIZA/FORTUNE/ALBRECHT : Acte I & Acte II



 Jules MASSENET (1842-1912) : Thérèse, drame musical en deux actes,
sur un livret de Jules CLARETIE (MONTE-CARLO, 1907).

‣ Nora GUBISCH : Thérèse - Charles CASTRONOVO Armand de CLERVAL -
Étienne DUPUIS : André THOREL - François LIS : MorelYves SAELENS : Un officier -
Patrick BOLLEIRE : Un officier, un officier municipal - Charles BONNET : Une voix.

‣ Chœur & Orchestre de l'Opéra National de Montpellier Languedoc Roussillon,
Chef de chant : Jocelyne DIENST - Chef de chœur : Noëlle GÉNY - Direction musicale : Alain ALTINOGLU.