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lundi 30 septembre 2013

❛Disque❜ "Outre-Mers", Label Paraty, Bruno PROCOPIO, Charles BARBIER • Marcos PORTUGAL et sa Missa Grande : Riders to the Sea !

 Retrouvez ICI la critique de Jacques DUFFOURG relative à cette Missa Grande jouée en concert à PARIS (2011) ...

Un disque Paraty pouvant être acheté ICI
Étrange sensation, que cette expédition musicale  au centre d'un rococo mystique ! De cette Missa Grande, le chœur liminaire n'offre-t-il pas une anticipation (pour le moins inattendue) de ce que seront les captivantes enluminures chorales de Merlin - un opéra d'Isaac ALBÉNIZ -, mâtinées d'un soupçon de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome de Sergeï RACHMANINOV ?

Le Brésilien Marcos PORTUGAL (1762-1830, portrait plus bas), qui détient la clef de ces contrées exotiques est un quasi inconnu en France : la consécration des musiciens d'expression lusitanienne tardant largement à y venir (connaît-on seulement, pour ne pas dire joue-t-on, Luís DE FREITAS BRANCOS ?).

Science des contrastes, effets de miroir, tourbillonnants changements rythmiques : quelle surprenante musique des sphères ! Un exemple : au  Chant d'entrée répondent en écho le Graduel, l'Alleluia et l'Offertoire. Ces trois derniers déroulent un somptueux plain-chant, une déconcertante mélopée, atemporelle, digne du Recordare de Kurt WEILL ou - j'irai encore plus loin - des Lamentations de Saint Jérémie d'Eřnst KRENEK...

Partition encore trop méconnue, éminemment lyrique, quoique parfois austère, elle jette un pont entre l'art grégorien et la polyphonie franco-flamande (se souvenir du magnifique recueil Roland DE LASSUS dû au même ENSEMBLE L'ÉCHELLE), tout en se livrant aux délices vocales du rococo. L'ensemble plonge dans une étrange lumière, quasi atonale. Visionnaire, génie protéiforme, Marcos PORTUGAL bouscule, bien avant KRENEK précité, nos repères, boussoles ou autres concepts ! D'une certaine manière, il annonce - avec quelque avance - l'ascèse brucknérienne ou... l'esthétique spectrale.

Bruno PROCOPIO dans la salle de l'Opéra de RIO DE JANEIRO - © Classique News
A contrario, le bondissant et extraverti Kyrie, primesautier, fantasque, fuse ; tel du ROSSINI déjanté.

Nous tenons là une œuvre paradoxale, atypique, d'une puissance inédite. Au gré de cette navigation musicale, le dépouillement y cède la place à un bel canto du genre le plus débridé, omniprésent, d'une rare inventivité. Ainsi se succèdent de spectaculaires feux d'artifice de vocalises extravagantes, des cascades de fioritures facétieuses, des enchevêtrements d'ornementations... fort éprouvantes pour les chanteurs.

Marcos PORTUGAL (1762-1830)
Caroline MARÇOT - © N.P.
Abondance d'harmonies envoûtantes ne nuit pas. Nous nous situons au-delà des frontières "classiques" de la musique religieuse ; c'est une immersion dans un drame sacré hors normes, une messe audacieuse, se permettant les plus folles embardées - bref, une fantaisie jubilatoire (le démonstratif Et ressurexit !) avec détour inattendu par la cantate avec orgue. Je salue hautement, sur cet instrument la prestation superlative d'Olivier HOUETTE.

De ce disque, chaque instant, chaque séquence est un pur enchantement, un miracle de subtilité. Le mérite en revient aux passionnés artisans d'un concert fort et prenant : le CHŒUR L'ÉCHELLE, sous la direction de Charles BARBIER pour le plain-chant et Quetzal, et de Bruno PROCOPIO (ci-dessus) chef invité pour la Missa Grande. Leurs atouts ? Sens de l'unité, de la cohésion, enthousiasme - exaltation même, tout cela se déployant avec une verve éblouissante.

La Cathédrale de CUENCA (Espagne), lieu de l'enregistrement - © www.spain.info/fr
Le prix de ce joyau musical est élevé, à double titre :  partition négligée, exhumée même, elle est un témoignage "outre-mers" d'un âge charnière, entre XVIII° et XIX° siècles. Elle n'en ouvre pas moins des perpectives audacieuses, voire inattendues, comme je l'ai indiqué. La Missa Grande de PORTUGAL "rejoint" ainsi la Passion Grecque de Bohuslav MARTINŮ, ou l'Apocalypse selon saint Jean de Jean FRANÇAIX.

Quant au sublime chant de sortie, Quetzal (2002) de Caroline MARÇOT (ci-dessus), il se nourrit des clameurs de PENDERECKI, voire de WAINBERG ! Marginal, insolite, il est une captivante Leçon de Lumières, magnifié par un chœur en apesanteur. Un périple inoubliable.

 Pièces à l'écoute simple (lecteur DivShare, tout en bas de l'article)  ① Chant d'entrée, Loquebar de testimonis tuis (plain-chant) ‣  Et resurrexit   Chant de sortie, Quetzal (2002) de Caroline MARÇOT ‣ © Label Paraty 2013.


 Marcos PORTUGAL (1762-1830) : Missa Grande - Caroline MARÇOT (née en 1974) : Quetzal.

‣ Luanda SIQUEIRA, Charles BARBIER, Karine AUDEBERT,
Hervé LAMY, Sorin Adrian DUMITRASCU, Frédéric BOURREAU.
Orgue historique de la Cathédrale de CUENCA (Espagne) : Olivier HOUETTE.

‣ CHŒUR L'ÉCHELLE - dir. (plain-chant) : Charles BARBIER - dir. (ensemble) : Bruno PROCOPIO.

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dimanche 14 octobre 2012

❛Disque❜ L'Ensemble l'Échelle, Roland de Lassus • La Chambre Musicale d’Albert le Magnifique, un premier enregistrement particulièrement réussi.

Un CD Paraty pouvant être acheté ICI
Compositeur de la Renaissance tardive (Cinquecento : XVI° siècle), Roland de Lassus (Orlande de Lassus, ou encore Orlando di Lasso pour ses contemporains italiens) naît en 1532 à Mons, dans l'actuelle Belgique. 
Il entre en musique en commençant comme choriste à la manécanterie de la paroisse de Saint-Nicolas-en-Havré, où il reste jusqu'à l'âge de douze ans. 
De 1547 à 1549 il travaille à Milan, puis part à Naples vers 1550 : c'est l'époque de ses débuts en composition. Nous le retrouvons plus tard à Rome, travaillant pour Cosme de Médicis, après quoi il devient Maître de Chapelle de la Basilique Saint Jean de Latran en 1553. 
En 1555, il retourne aux Pays-Bas ; et c'est un tout jeune homme - quoique déjà nanti d'un métier extrêmement solide - qui voit ses premières œuvres publiées, à Anvers, à partir de cette même année.

En 1556, Lassus rejoint la Cour d’Albert V de Bavière, lequel désire s'entourer de musiciens du plus haut renom. Il restera au service de ce prince comme de son fils, Guillaume V, jusqu'à sa propre disparition, en 1594 Cet Orphée belge (comme il fut nommé par ses contemporains) était doté d'une voix exceptionnelle. Ses talents de compositeur et chanteur se sont d'ailleurs propagés en dehors du milieu musical: en 1570, le pape Grégoire XIII le fait chevalier ; et en 1571 et 1573, le roi Charles IX de France l'invite à sa Cour. 
À la fin des années 1570 et 1580 - malgré la fréquentation des madrigalistes de la Cour d'Este - son style est devenu plus simple et plus raffiné.

Roland (Orlande) de Lassus, ou Orlando di Lasso, 1532-1594
Compositeur prolifique, Lassus a écrit plus de deux mille œuvres dans tous les genres, en latin, français, italien et allemand. Ce qui en est parvenu jusqu'à nous demeure considérable : cinq cent trente motets, cent soixante-quinze madrigaux italiens et villanelle, cent cinquante chansons françaises et quatre-vingt-dix lieder allemands - enfin, près de soixante messes complètes ont été conservées ! Ses ultimes créations sont, le plus souvent, considérées comme majeures. Parmi elles, brille particulièrement  le recueil de vingt-et-un madrigaux spirituels connu sous le nom Lagrime di San Pietro - Larmes de Saint Pierre.

L’Ensemble l’Échelle a été fondé en septembre 2010 par l'alto Caroline Marçot et le ténor (1) Charles Barbier (retrouvez notre article sur la Missa Grande de Marcos Portugal, offerte l'an dernier aux Invalides). Ses artistes ont choisi de nous entraîner dans des compositions peu jouées du maître, dédiées à son protecteur Albert V, dans un recueil intitulé pour cette raison La Chambre Musicale d'Albert le Magnifique. Il s'agit en vérité d'un bouquet de petits chefs-d'oeuvre, retrouvant le souvenir du concert vocal (alto, ténor) et instrumental (cornets et sacqueboute) à la vénitienne. Cette formule fut inventée vers 1580 par Giovanni Gabrieli, compositeur de la Sérénissime, pour définir les partitions vocales avec accompagnement d'orgue ou d'un sobre ensemble instrumental.  Une "petite forme", par conséquent, propre à nous faire pénétrer dans la complicité simple d'une réunion entre amis, une musique de plaisir partagé et de connivences...


L'Ensemble l'Échelle
L'agilité, la finesse et la sensibilité des solistes de l’Ensemble ne sont jamais mises en défaut : le chant reste toujours d'une pureté parfaite, et, point très important, les intentions du compositeur, ne sont jamais surjouées). L’instrumentarium utilisé met en lumière la délicatesse des textes, reflet de l’intimité d’un Lassus partageant avec autant d'imagination que simplicité un métier parvenu à son zénith…
 La soprano Véronique Bourin, (que nous avons déjà entendue avec plaisir au sein de l'ensemble Doulce Mémoire), et le ténor Charles Barbier se haussent, dès ce premier opus, au niveau des compétiteurs les plus prestigieux (plages n° 6, 11, 23... extraits sonores en bas de page). À leurs côtés, les coruscants instrumentistes (plages 1, 34, 43 ou 44... extraits en bas de page), eux aussi, méritent tout les éloges.

Éloquent, techniquement très abouti et intelligemment organisé, cet album superbe, doté au surplus d'une prise de son superlative, est chaudement recommandé à qui veut s'initier à l'art de Roland de Lassus. Pour  qui souhaitera approfondir, recommandons en outre Philippe Herreweghe (Les Larmes de Saint Pierre, Harmonia Mundi) ; ainsi que Rinaldo Alessandrini (Opus 111) ou l’Ensemble Clément Janequin (Harmonia Mundi) dans des cycles de Chansons et Mauresques. Et encore, l'Ensemble Vocal Orlando de Laurent Gendre pour Les Lamentations du Prophète Jérémie (Cascavelle). Enfin, les diverses productions dues aux Tallis Scholars de Peter Philips.

(1) Charles Barbier est également sopraniste et chef d'ensemble...

‣  Retrouvez le site de la Chambre Musicale d'Albert le Magnifique.

‣ Pièces à l'écoute simple, en bas de page  1) n°1, Cantate Domino (Prima Pars) 2) n°6, Maria Clausus Hortus - 3), n°11, Verbum Caro - 4) n°23, Duo numéro 12 - 5) n°34, Regina Cœli Lætare (Prima Pars) - 6) n°43, Ad Te Perenne Gaudium - 7) n°44, Resonet In Laudibus (Prima Pars). © Disques Paraty, 2011.

 Stéphane Houssier

 La Chambre Musicale d'Albert le Magnifique :
Œuvres de Roland de Lassus composées pour la Cour d'Albert V de Bavière.
Ensemble l'Échelle, direction : Caroline Marçot et Charles Barbier.

 Un CD Paraty pouvant être acheté ICI.



vendredi 16 décembre 2011

❛Concert❜ Paris, Cathédrale Saint-Louis des Invalides, 11/12/2011 • Marcos Portugal, 'Missa Grande' par Bruno Procopio & l'Ensemble l'Échelle.

Mettre en rapport des festivités dédiées, aux Invalides, à la célébration de l'Artillerie, avec une démarche musicale "historiquement informée", voilà qui ne tombe pas forcément sous le sens. Quel lien, suffisamment judicieux, dénicher pour cela ? Louons par conséquent Sainte Barbe, patronne des artilleurs : protectrice du lieu, elle se trouve également dédicataire d'une de ces compositions religieuses à grand apparat dont le XVIII° siècle finissant avait le secret, à tel point qu'elles s'exportaient jusque dans le Nouveau Monde. Le Brésil, en l'occurrence, par l'entremise du compositeur d'origine lisboète Marcos Portugal (1762-1830, figure de proue de la production dite luso-brésilienne, portrait tout en bas) et de sa Missa Grande. Grande comme l'est ce pays, lequel parle naturellement beaucoup à Bruno Procopio (photo ci-dessus) :  le claveciniste, fondateur-directeur du label Paraty - ici chef invité de l'Ensemble l'Échelle -, est en charge de la coordination d'un concert ne comprenant, pour tous instrumentistes, que les  excellents Olivier Houette à l'orgue positif, et Antoine Ladrette au violoncelle. Les forces chorales y sont en revanche profuses, l'Échelle déployant quatre voix par partie, au sein desquelles se remarquent ses directeurs artistiques Caroline Marçot et Charles Barbier (photos ci-dessous).

Comment qualifier cette œuvre aux imposantes dimensions, dont il est précisé en notice qu'elle bénéficia d'un "considérable rayonnement géographique et temporel", si ce n'est d'essentiellement rococo ? Rococo tardif sûrement, du moins en rapport de l'esthétique européenne qui la vit naître (1782 :  c'est aussi l'année de la Grande Messe en ut de Mozart, dont certains échos soufflent ici, notamment l'Et incarnatus, dans la cadence du Quoniam). Mais un rococo en phase, sans doute, avec l'expansion toute coloniale d'un terre de mission catholique, où le compositeur s'installa en 1811, et où la partition fut donc tant diffusée. Rococo certainement, ce Christe Eleison aux entrées sagement décalées mais à la ligne serpentine, comme enguirlandée. Rococo encore et  surtout, au terme d'un volubile et fleuri Gloria à huit sections, le Quoniam justement, traité tel un duo d'opéra vocalisant (et assez délirant) ; où, face au soprano lumineux de Luanda Siqueira, luit l'autre soprano - non moins splendide de projection, virtuosité et éclat  - de Charles Barbier.

Spectacle supplémentaire que de voir (et d'entendre) ce dernier assurer tout aussi crânement ses attributions de ténor et de chef de chœur. Quel chœur du reste, dont la jeunesse (un an) n'a d'égale que l'homogénéité technique, agrémentée de quelques timbres spectaculaires, en particulier chez les basses ! Tactus d'une somptueuse élégance offert en prime, pour d'hypnotiques interpolations, dans l'ordinaire de la messe de plain-chant, selon les rites. Des combinatoires insérées comme autant de respirations naturelles, de contrepoints aux volutes baroques galbées par le soin tout paternel de Procopio. En clef de voûte, une sortie aussi originale que malicieuse, due au talent de compositrice de Caroline Marçot. Imitant - là encore -  une pratique vernaculaire attestée, avec Quetzal, sorte d'Ite misa est créole, subtiles incantations tressées de breton, de corse, et d'onomatopées. Cette fort belle réussite, concomitante à la publication, par le même Ensemble l'Échelle, de La Chambre musicale d'Albert le Magnifiqueet inscrite dans une ambition plus largement dénommée Outre-Mers, fera l'objet à son tour  d'un enregistrement, à la cathédrale de Cuenca (Castille) en 2012. Auprès du label Paraty bien sûr, dont le précieux patronage est très opportunément rappelé en cette après-midi parisienne.


   Un entretien vidéo avec Charles Barbier (Daily Motion).

 Des extraits vidéo de la Messe sont disponibles sur YouTube ;  ici même, le Domine Deus.
Crédits iconographiques - Bruno Procopio, Classique News - Caroline Marçot, Musique nouvelle en liberté -
Charles Barbier,
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