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Un disque Ambronay Éditions pouvant être acheté ICI |
Être iconoclaste, c'est un art réservé aux gentilshommes. Un tel parti pris, d'abord dérangeant (et conçu pour cela, sans doute), s'avère en seconde lecture, cohérent, si peu exotique ! Il s'agit , de fait, de deux figures mythiques, musiciens pionniers, révolutionnaires, dont l'empreinte a marqué durablement, chacun en ce qui le concerne, l'histoire et l'écriture musicale. Le Crémonais (1567-1643) est manifestement à l'origine de l'opéra moderne, avec un style et une science inimitables, visionnaires : le recitar cantando, mélodie continue ou immense récitatif accompagné avant la lettre, le madrigal à l'origine du sprechgesang. À notre sens d'ailleurs, Il ritorno d'Ulisse in patria s'avère tout simplement un condensé homérique ... wagnérien avant l'heure.
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William Sabatier, bandonéoniste, © son compte Facebook |
Astor Piazzolla (1921-1992) a donné ses lettres de noblesse à un instrument consubstantiel à la bouillonnante culture sud-américaine, le bandonéon, aux inflexions tripales accaparantes, à l'instar du cymbalum hongrois. Référence absolue du tango, l'Argentin sait aussi réinventer complètement "notre" drame lyrique : Maria de Buenos Aires (livret d'Horacio Ferrer, 1968), fable fantasque et expressionniste, est un opéra particulier à l'atmosphère ensorcelante - disons un Street Scene à la sauce argentine - si peu couru, hélas, sous nos latitudes européennes !
Nous lévitons de l'Italie du XVII° siècle à l'Argentine du XX° avec un naturel déconcertante et un bonheur égal : sans que ce supposé grand écart paraisse un seul instant plaqué, artificiel, ni même savant exercice de style du type "pastiche". Les deux esthétiques, hautement complémentaires, se confondent, se juxtaposent, se déhanchent ensemble avec une unité insoupçonnée. La démarche, d'une logique implacable finalement, est un double hommage à deux foisonnants Argentins de notre temps (Alberto Ginastera, 1916-1983 & Osvaldo Golijov, né en 1960) n'envahissant pas davantage les salles de concert du Vieux Monde.
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Mariana Flores, © non fourni |
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Leonardo G. Alarcón, © non fourni |
Les solistes embarqués dans cette drôle d'équipée sauvage sont littéralement bouleversants. D'abord, Mariana Flores (ci-dessus : l'une de nos deux chanteuses de l'année 2012) : aussi lumineuse dans le lamento baroque... (2) que dans l'incantation insinuante, la déploration à fleur de lèvre si propre à l'univers de Piazzolla. Après un Diluvio Universale assez miraculeux (disque de l'année 2011, récemment offert à l'Opéra Comique de Paris), la soprano au timbre capiteux et suave, s''empare avec fraicheur des mélodies enfiévrées aux mélismes bariolés. Elle en dévoile l'incroyable poésie primitive, mélancolique - parfois même désespérée - le tout nimbé d'une profondeur insondable (plages 4, 8, 15 & 16). Sans doute moins ensorcelant de timbre, mais tout aussi enjôleur et entraînant, se révèle le baryton Diego Valentín... Flores.
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Buenos Aires de nuit, © non communiqué |

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Quito Gato, théorbe, guitare baroque... et guitare électrique, © son compte MySpace |
Mais soyons franc : il est presque impossible de mettre en avant un extrait particulier plutôt qu'un autre dans cette sidérante cantate-symphonie, marginale, et osons le mot : underground. Utopia Argentina, c'est son nom, ou plutôt son sous-titre. Une utopie délicieuse (3), alliant rigueur et divertissement, un défi au temps et à l'espace. Passionnant et incontournable.
(3) Les grands interprètes du "mouvement historiquement informé" semblent priser ces reconstitutions ou voyages hypothétiques dans le temps et/ou l'espace : relevons Bach, une cantate imaginaire de Nathalie Stutzmann, Un requiem du temps de Bach de Bruno Boterf... Dans le tout dernier CD AgOgique, Violaine Cochard et Stéphanie-Marie Degand font se rencontrer Duphly et Mozart ! Quant à Alarcòn lui-même, le voici multi-récidiviste, si ce n'est relaps, après Une passion allemande et les Vêpres à Saint-Marc de Vivaldi, chroniquées ici-même.
‣ Pièces à l'écoute simple, en bas d'article ‣ ① Astor Piazzolla, Romance del Diablo, 1965 ‣ ② Astor Piazzolla, Chiquilín de Bachín, 1968 ‣ ③ Claudio Monteverdi, Lamento della ninfa, 1638 ‣ © Ambronay Éditions 2012.
‣ Piazzolla - Monteverdi, Una Utopia Argentina.
‣ Un disque Ambronay Éditions pouvant être acheté ICI.
Un extrait du spectacle Monteverdi-Piazzolla, © Flâneries Musicales de Reims |
(1) Littéralement, "souviens toi d'oser toujours". Une règle, si ce n'est une hygiène de vie, plus explicite et plus ambitieuse que "la fortune sourit aux audacieux"...
(2) À propos de baroque - et quitte à attendre un enregistrement aussi transversal pour l'écrire enfin - il ne fait aucun doute que cette artiste aux sobres moirures d'or et d'ébène, toujours perlantes de nostalgique rosée... s'impose peu à peu à nous comme l'héritière naturelle de la si regrettée Montserrat Figueras.

‣ Piazzolla - Monteverdi, Una Utopia Argentina.
Un programme "en miroir", conçu par Leonardo Garcìa Alarcòn pour la Cappella Mediterranea.
‣ La Cappella Mediterranea : Mariana Flores, soprano - Diego Valentín Flores, baryton -
William Sabatier, bandonéon - Quito Gato, théorbe, guitares baroque et électrique -
Girolama Bottiglieri & Juan Roqué Alsina, violons - François Joubert-Caillet, viole de gambe -
Romain Lecuyer, contrebasse - Gustavo Gargiulo, cornet à bouquin & cornet muet - Marie Bournisien, harpe -
Leonardo García Alarcón, clavecin, orgue, épinette, piano & direction.
William Sabatier, bandonéon - Quito Gato, théorbe, guitares baroque et électrique -
Girolama Bottiglieri & Juan Roqué Alsina, violons - François Joubert-Caillet, viole de gambe -
Romain Lecuyer, contrebasse - Gustavo Gargiulo, cornet à bouquin & cornet muet - Marie Bournisien, harpe -
Leonardo García Alarcón, clavecin, orgue, épinette, piano & direction.
J'ai apprecié beaucoup!
RépondreSupprimerChère Compiuta,
SupprimerJe vous remercie infiniment pour ce petit mot encourageant. La mission du "projet Appoggiature" n'est rien d'autre que partage, partage, partage - partage encore !!
Très belle semaine à vous, merci de nous être fidèle...
Étienne