mercredi 15 mai 2013

❛Concert❜ Récital de fin de classe de maître à la Fondation Mona Bismarck • Copland, Berlin, Barber : la Nuit Américaine de David Stern, Jeff Cohen et Opera Fuoco.

C. Guillemin, J. Fioretti, G. Fisher, E. de la Peña, T. Matos & S. Kubo - © via Elenora de la Peña
David Stern, fondateur et âme d'Opera Fuoco, directeur musical de l'Opéra d'Israël, c'est en quelque sorte McGyver au pays des Philharmonies. Son couteau suisse, son ingéniosité, disons-le sa malice, il les met - outre ses talents artistiques stricts (mais si vastes) - à la disposition du plus élevé des projets : la transmission. Stern est un passeur, et ce n'est pas sa très remarquable présentation des différents compositeurs fêtés ce soir, qui mettra en porte-à-faux ses dons de partage, son goût de la noble vulgarisation, son amour de la jeunesse - son humour, aussi.

À deux reprises déjà, nous avons eu l'occasion de louer cette polyvalence, cette pédagogie : que ce soit dans une adaptation de l'exquise opérette anglaise Le Mikado de Sullivan avec des enfants des écoles, ou, si près de nous, lors d'une véritable démonstration "historiquement informée", en faveur de Cantates romantiques françaises, avec le magistral concours de la mezzo soprano Karine Deshayes (1). Avec l'identique Fuoco, nous avons entendu Stern prendre à bras le corps le Johann Christian Bach de Zanaïda, ou conclure une classe de maître préparée avec Paul Agnew autour du chant anglais, de Purcell à Britten. Infatigable, en sus !...

Le boudoir d'accueil du Mona Bismarck American Center for Art & Culture - © Jacques Duffourg
La classe de maître, par définition, c'est le triomphe de la jeunesse. Pour quelques heures, dans le cocon très cosy de l'hôtel particulier parisien (ci-dessus) où siège le Mona Bismarck American Center for Art & Culture, six artistes rayonnants (photos tout en haut & tout en bas) (2) ont été invités à porter, justement, les couleurs des États-Unis : cinq chanteurs - la soprano Julie Fioretti, la mezzo soprano Eleonora de la Peña, le ténor Gitai Fisher, les deux barytons Charlie Guillemin & Tiago Matos - et le pianiste Satohi Kubo.

À leur programme, trois compositeurs, Irving Berlin (Israel Beilin, 1888-1989), Aaron Copland (1900-1990) et Samuel Barber (1910-1981). Trois Américains, bien sûr, mais aussi trois de ces génies d'origine juive qui apportèrent au Nouveau Monde du XX° siècle leur musicalité hors pair et leur sens exceptionnel de l'acculturation ; parmi d'autres Leonard Bernstein ou Kurt Weill (sur ce dernier, lire notre chronique de son opéra Street Scene offert récemment au Châtelet) !

J. Fioretti, E. de la Peña, C. Guillemin, G. Fisher, T. Matos, E. McDonnell (directeur), D. Stern - © Jacques Duffourg
Les œuvres retenues, denses et courtes, essentiellement en solo, sont absolument toutes des bijoux de tendresse et d'esprit. Y compris - et peut être davantage, même - celles d'Irving Berlin... Ne serait-ce que parce que ce musicien, étiqueté "comédie musicale" (ce qui n'est pas très bien vu chez certains mélomanes français dédaigneux), doté comme ses pairs d'un sens mélodique imparable ouvrant la porte à une multitude de nuances, représente la quintessence d'un don particulier. Contenu dans le titre même de sa Simple Melody qui clôt le concert (en bis à cinq...), ce talent est résumé non sans astuce par David Stern : "il n'est rien de plus difficile pour un artiste, même le mieux préparé, que d'interpréter simple".

Faut-il, dès lors, que ces six jeunes gens clairement doués aient été de surcroît préparés, par un autre polyvalent, Jeff Cohen (ci-dessous), pour qu'ils restituent avec un naturel aussi confondant que leur joie de chanter et de vivre, les francs miroitements, demi-teintes et autres quarts de soupirs illuminant ces camées ! Julie Fioretti, qui fut  la Yum-Yum du Mikado précité, a gagné en fruité sans rien perdre de son ingénuité irrésistible (I Bought Me A Cat de Copland), tandis qu'Eleonora de la Peña lui fait écho par un velouté ambigu - exemple, Rain Has Fallen de Barber.

Jeff Cohen, pianiste, compositeur, chef de chant et enseignant - © Salle Gaveau
Barber,  c'est la grande spécialité de Gitai Fisher, dont le timbre sensuel nourrit trois de ses opus d'un lyrisme sans excès. Les deux barytons sont complémentaires : plus clair, et plus tchatcheur, Charlie Guillemin s'éclate comme nous chez Berlin (Society Bear...) ; Tiago Matos pour sa part, impressionne par une tessiture longue et un aplomb qui aurait séduit Martin Scorsese (I Hear An Army, Barber encore). Enfin, le soutien pianistique très précis et constamment engagé de Satoshi Kubo n'appelle que des éloges.

De ces soirées "hors les murs", loin des grands théâtres ou des salles les plus courues, qui marquent au moins autant que certaines affiches de stars. David Stern, toujours : "Sur qui compter d'autre que la jeunesse, pour améliorer le monde ?".


‣ À l'écoute simple en bas d'article (quoique non chanté à ce concert)  Aaron Copland : Laurie'song, extrait de The Tender Land  Dawn Upshaw, soprano - The Orchestra of St Luke's, direction : David Zinman ‣ © Nonesuch 1995.

(1) Dans les deux cas, au Théâtre de Saint Quentin en Yvelines, où Opera Fuoco est en résidence.

(2) Oui, six ! Ne tirez pas sur le pianiste...
 Paris, Mona Bismarck American Center for Art & Culture, 26 IV 2013 :
Mélodies de l'École Américaine, un concert de fin de masterclass d'Opera Fuoco préparée par Jeff Cohen.

‣ Julie Foretti, soprano - Eleonora de la Peña, mezzo soprano - Gitai Fischer, ténor -
Charlie Guillemin et Tiago Matos, barytons - Satoshi Kubo, piano. Présentation de David Stern.

 Mélodies de Irving Berlin (1888-1989), Aaron Copland (1900-1990) & Samuel Barber (1910-1981).


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