Deuxième concert comportant des cantates de Bach, à l'occasion du quarante-cinquième Festival de La Chaise-Dieu. Après la très politique BWV 214, Tönet, ihr Pauken offerte par Vàclav Luks et son Collegium 1704, ce sont en quelque sorte trois chants de louange du cantor que propose le Bach Collegium Japan de Masaaki Suzuki (ci-contre), à l'occasion de sa première exhibition en France, hors Paris. Deux de ces cantates, Gott, man lobet dich in der Stille (BWV 120) et Wir danken dir, Gott s'attachent, derrière leurs titres évocateurs, la rutilance de trois trompettes. Pour être circonstancielle (l'élection annuelle du conseil municipal de Leipzig), la jubilation des partitions réfute pourtant toute enfilade factice, offrant des sections fortement différenciées, voire recueillies.
Tournant le dos à la célèbre Danse Macabre de La Chaise-Dieu (ci-dessus), le choix d'un tel triptyque de lumière est d'autant plus pertinent pour une première apparition dans un festival de grand renom, que l'un des atouts maîtres de Suzuki dans son intégrale discographique est une plasticité, une liberté de respiration idéalement en phase avec l'annonce de la Bonne Nouvelle. Les parties chorales du Bach Collegium Japan, en particulier, s'avèrent d'une flexibilité fabuleuse (BWV 30)... D'autant plus méritant que le chef, shooté à l'action de grâce, se laisse parfois aller à des dynamiques fort peu dosées : la BWV 120 assène ainsi volontiers des contours martiaux outrés ; peu indulgents de surcroît envers la précision (et la justesse) des fameuses trompettes.
Les instrumentistes ne le cèdent en rien aux choristes, leurs interventions, tant obligées (flûte, violon) que concertante (orgue), surtout, révélant des individualités de grand talent ; en sus d'un jeu collectif huilé, sans la moindre raideur. Ceci à rebours de commentaires désolants, encore entendus et lus ici-même, selon lesquels leur qualité de Japonais ne leur offrirait «que leur technique, aux dépens de toute souplesse» (!). Des chanteurs, dont aucun en revanche n'est nippon, on ne saurait faire tel éloge, tant leur bilan est inégal.
Rachel Nicolls revendique une technique sûre, mais son soprano assez ingrat et son uniformité de ton contredisent, au moins partiellement, les délices que promettent ses mots. Gerd Türk dispose, lui, d'un timbre enviable ; cependant, son phrasé précautionneux, voire inhibé, dément, là encore, les libations annoncées. De Peter Kooij (ci-contre), qu'on entend toujours avec joie dans un répertoire qu'il exalte avec bonheur depuis si longtemps, les ans ont passablement émoussé un métal désormais moins lustré - et surtout moins solide. Le baryton-basse néerlandais donne malgré tout le change, par sa capacité à nuancer des textes pourtant bien univoques. C'est finalement Robin Blaze, contre-ténor futé, qui tire le quatuor vers le haut, en dépit d'un sensible manque d'endurance : matériau plaisant, vocalisation plaisante et une sorte de british touch délicieuse, offrant une pointe de recul mutin, vis-à-vis d'une liesse communicative... mais si prévisible.
Masaaki Suzuki quant à lui – hors les périlleuses vapeurs d'adrénaline précitées – ne se départit jamais, en ces réjouissances, du goût du détail ni de la rigueur tout organistique d'un digne élève de Ton Koopman. En même temps, il semble s'en amuser : à raison, du reste, tant le génie de Bach ne se limite sûrement pas à une resucée obsessionnelle du Golgotha. Divertissant et idéalement festivalier.
▸ un texte de Jacques Duffourg
▸ un texte de Jacques Duffourg
Festival de La Chaise-Dieu, Abbatiale Saint-Robert, 22 août 2011 - Johann-Sebastian Bach : Cantes BWV 120, 29 et 30 - Rachel Nicolls, soprano ; Gerd Türk, ténor ; Robin Blaze, contre-ténor ; Peter Kooij, basse -
Bach Collegium Japan, direction : Masaaki Suzuki.
❛Crédits iconographiques - Masaaki Suzuki, Bach Cantatas Website -
La Danse Macabre de La Chaise-Dieu, Jacques Duffourg - Peter Kooij, www.peterkooij.de❜
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