Marc Laho, Alice Coote et Ludovic Tézier - © V. Pontet, Théâtre des Champs-Élysées |
S'agit-il , au moins, d'une bonne synthèse scénographie-décors-costumes ? Pas très excitante, au vrai ! Guère imaginative, plutôt nue (illustrations ci-dessus, et plus bas). Non point "nulle", en tout cas, à condition de savoir passer outre le statisme récurrent des personnages, et l'assez grotesque "danse des canards" d'un chœur à flonflons (photo plus bas) (2). Mais... l'amateur d'opéra ne voit-il œuvrer sur les plateaux que des génies de la mise en scène ?
Les créateurs Stolz & Duprez, gravure contemporaine |
Deviendrions-nous adepte de la méthode Coué ? Avouons : ce spectacle comporte plus de raisons de se réjouir que de se lamenter. Pourquoi nier que nous ressortons de cette Favorite du Théâtre des Champ-Élysées touché en plein cœur, littéralement imbibé de musique ? Une Favorite, non une Favorita, ENFIN redonnée dans sa langue française originale, celle du Grand Opéra de 1840, tiré d'une obscure intrigue médiévale et ibérique, d'exactement un demi-millénaire antérieure.
Nous quittons l'Avenue Montaigne effectivement aux anges (3), parce les individualités réunies pour l'occasion sont remarquables, à défaut d'exceptionnelles. Quel quatuor (voire sextuor) vocal, pas seulement tissu de personnalités - mais de synergie, de parfait collectif... et, osons le mot puisque le sujet traite de religion : de communion.
Ludovic Tézier est un Alphonse XI de Castille non seulement royal, mais carrément... impérial. Sonore, dense, coloré, souple ! Stature (physique et vocale) d'airain, il revendique dans ce Donizetti encore italianisant, cinq ans après Lucia di Lammermoor, une aura qui le fait héritier d'un Renato Bruson, l'un des plus grands barytons à avoir servi le compositeur bergamasque. Dommage que la cabalette de son unique air n'ait pas été doublée ? À cette infime réserve près, il s'agit, de la part du Français, d'une démonstration supplémentaire, et non des moindres.
Ludovic Tézier est un Alphonse XI de Castille non seulement royal, mais carrément... impérial. Sonore, dense, coloré, souple ! Stature (physique et vocale) d'airain, il revendique dans ce Donizetti encore italianisant, cinq ans après Lucia di Lammermoor, une aura qui le fait héritier d'un Renato Bruson, l'un des plus grands barytons à avoir servi le compositeur bergamasque. Dommage que la cabalette de son unique air n'ait pas été doublée ? À cette infime réserve près, il s'agit, de la part du Français, d'une démonstration supplémentaire, et non des moindres.
La scène du bal - © V. Pontet, Théâtre des Champs-Élysées |
Occasion pour la cantatrice de mettre en lumière un velouté plutôt homogène, sans trop déplaisant hiatus de passage. Le bas et le medium sont assez ronds, solides, souvent sensuels ; l'aigu paraît plus mince, voire volatil, mais reste offert avec toute la précision requise. L'investissement émotionnel, quant à lui, est considérable et achève de convaincre.
Gaetano Donizetti (1797-1848) |
À louanger, que ce soit pour lui, comme pour l'autre non francophone Coote, une diction française tout à fait remarquable : à peine une pointe d'accent. Cela étant, répétons que rien d'autre n'est à attendre des librettistes Royer et Vaëz que des poncifs et autres chevilles, aujourd'hui terriblement vieillis.
Paolo Arrivabeni - © www.ramifications.be/Interviews/stefano_mazzonis.htm |
Une version originale française |
Raffinement exquis, les petits rôles de Don Gaspar et Inès échoient à de chanteurs de qualité, en les personnes de Loïc Félix (surtout) et Judith Gauthier. C'est assez dire, à nouveau, l'investissement qualitatif de cette production.
Enfin, dernière raison d'être ravi, l'osmose. Non seulement pilote habile de cette belle escouade de gosiers, Donizetti sait plus qu'avant se faire orchestrateur (4), en sus de vocaliste-né. Il a de bonnes raisons de s'échiner à la tâche : émerveiller Paris, alors capitale musicale de l'Europe, sur son terrain hautement réservé du Grand Opéra de surcroît : c'était le sésame ouvert sur la gloire (5).
Enfin, dernière raison d'être ravi, l'osmose. Non seulement pilote habile de cette belle escouade de gosiers, Donizetti sait plus qu'avant se faire orchestrateur (4), en sus de vocaliste-né. Il a de bonnes raisons de s'échiner à la tâche : émerveiller Paris, alors capitale musicale de l'Europe, sur son terrain hautement réservé du Grand Opéra de surcroît : c'était le sésame ouvert sur la gloire (5).
À ce jeu de la flamboyance, Paolo Arrivabeni (photo plus haut), l'Orchestre National de France et les deux Chœurs (Radio France & Champs-Élysées) s'avèrent ni plus ni moins formidables. Les cavatines demeurent comme elles doivent être, épurées, sans excès mièvres ou alanguis. Dans un style plus nerveux, la conduite des cabalettes et des strettes, de ces fameux finales à épate, le délié stupéfiant de vents sollicités sans répit, la qualité de soutien aux chanteurs en un équilibre scène/fosse très soigné - tout cela n'appelle que des éloges, tant s'écoule sous nos oreilles (en dépit de curieux et longs silences) un authentique flot belcantiste.
La distribution au complet pour les saluts - © Jacques Duffourg |
Franchement : bien qu'aux antipodes d'une déflagration théâtrale de "magnitude 100" digne de Médée (lire notre chronique - également opéra et DVD 2012 d'Appoggiature, voir notre rétrospective et notre portfolio), nous ne pouvons que féliciter les équipes impliquées de nous avoir permis, avec largesse, d'entrer de plain-pied dans cette utopie vitale nommée opéra.
L'amateur du genre écoute-t-il (et voit-il) si souvent festoyer pareille troupe ?
‣ Orchestre National de France, Chœurs de Radio France & des Champs Élysées - direction : Paolo Arrivabeni.
L'amateur du genre écoute-t-il (et voit-il) si souvent festoyer pareille troupe ?
(1) Dialogues de Carmélites s'annonce, au programme de la saison 2013/2014 du Théâtre ! Bel hommage à Francis Poulenc pour le cinquantenaire de sa disparition.
(2) Probablement le moment du ballet, un incontournable du Grand Opéra à la Française, quoiqu'absent de cette série (vu les circonstances dramaturgiques, c'est sûrement préférable).
(2) Probablement le moment du ballet, un incontournable du Grand Opéra à la Française, quoiqu'absent de cette série (vu les circonstances dramaturgiques, c'est sûrement préférable).
(3) Le cas de le dire : la version initiale de La Favorite, écartée en 1839 pour cause de censure, s'appelait... L'Ange de Nisida.
(4) Point hautement révélateur de la qualité du travail : il existe une réduction voix/piano de La Favorite signée de... Richard Wagner !
(5) Les Martyrs sont chronologiquement antérieurs : 10 avril 1840, au lieu de 2 décembre pour cette Favorite. Pour autant, le premier ouvrage n'était pas une création au sens propre, puisqu'il reprenait, en le développant et l'adaptant au style français, le Poliuto de 1838... dont la censure napolitaine n'avait pas voulu.
‣ Paris, Théâtre des Champs Élysées, 17/02/2013 : La Favorite (1840).
Grand Opéra de Gaetano Donizetti, donné en langue originale française. Mise en scène de Valérie Nègre.
Grand Opéra de Gaetano Donizetti, donné en langue originale française. Mise en scène de Valérie Nègre.
‣ Marc Laho, Ludovic Tézier, Alice Coote, Carlo Colombara, Loïc Félix, Judith Gauthier.
‣ Orchestre National de France, Chœurs de Radio France & des Champs Élysées - direction : Paolo Arrivabeni.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.