❛Mémoire❜ 3 novembre 1801 - 3 novembre 2012 • 211° anniversaire de la naissance de Vincenzo Salvatore Carmelo Francesco Bellini (1801-1835).
Vincenzo Bellini, né voici exactement deux cent onze ans à Catania (Catane, Sicile), était le compositeur que Maria Callas (1923-1977) disait chérir plus que tous les autres. Depuis certains Puritani vénitiens de 1949 (incroyablement alternés avec une Brünnhilde de Walküre !) et les sessions scaligères de 1955 de la Sonnambula (dans une mise en scène de Luchino Visconti et sous la baguette de... Leonard Bernstein), jusqu'aux Norma parisiennes de 1964, en passant par certain Pirata au Carnegie Hall de New York (1959), l'illustre cantatrice l'a maintes fois servi.
Pour ne parler que des sopranos, Montserrat Caballé, Joan Sutherland, Leyla Gencer, Beverly Sills, Mariana Nicolesco, Lucia Aliberti, Mariella Devia, Katia Ricciarelli, Nelly Miricioiu, Annick Massis, Edita Gruberova - ces deux dernières toujours actives -, d'autres encor... en ont également été des thuriféraires renommées. Pourquoi, au sein d'une production courte et essentiellement opératique (à peine plus de dix opus depuis Adelson e Salvini), I Capuleti ed i Montecchi (Les Capulet et les Montaigu - dont le matériau musical est largement repris, comme "transsubstantié", de la Zaira parmesane de 1829, qui fut un four) appellent-ils de notre part une tendresse particulière ?
Vincenzo Bellini (Catania 1801 - Puteaux 1835)
En particulier, par la couleur étrange que leur apporte, dans cet univers de soudards rythmé par la harangue et le fracas, le charme ambigu du rôle travesti de Romeo - confié, lors de la création (Venise, 11 mars 1830) à Giuditta Grisi (1805-1840, sœur de Giulia Grisi qui sera la créatrice d'Adalgisa, dans Norma). Pour autant, cet opéra, pas plus qu'un autre, n'échappe à des travers récurrents de son auteur : orchestration dont l'économie frise parfois le rudimentaire, harmonie souvent banale et surtout flonflons (chœurs, certaines cabalettes) franchement communs, quand ce n'est - osons l'écrire sans faux-fuyant - éminemment grossiers.
Seulement, là n'est pas l'essentiel en la matière : chez Bellini, si l'on ne se laisse emporter par la mélodie, le pur bel canto, on passe, simplement, à côté de tout. Tout au long d'I Capuleti, les mélodies sont proprement exceptionnelles, qu'il s'agisse des récitatifs ou cavatines de Tebaldo, Giulietta, Romeo - en solo comme en duo, tout au long de ses deux actes.
Mais le plus fort est pour la fin. Dans la tradition de l'opera seria romantique, le finale est souvent dévolu à une cabalette brillante ou dramatique (respectivement dans La sonnambula ou Il Pirata, par exemple). Ce n'est bien sûr pas la forme convenant à la mort des amants de Vérone, telle que rapportée par les chroniques qui ont nourri l'inspiration du librettiste, Felice Romani - en aucun cas la pièce ne s'inspire directement de Shakespeare, à qui on la comparerait à tort.
Giuditta Grisi, le premier Romeo, en 1837
En lieu et place, un ultime duo, dont la perfection de ligne n'a d'égale que la hauteur de vue et la puissance émotionnelle : une fois que ces mots sont écrits, toute autre exégèse devient parfaitement vaine, tant il n'est que de se laisser porter, ici peut-être plus qu'ailleurs, sur les ailes du chant ! Il s'agit, sans aucun doute, d'un dénouement sublime - parce qu'il est concis, dru et nu, et que son hébétude un peu brusque parle mille fois mieux de passion que les déclarations les plus emphatiques, et les plus chantournées. (1)
Véritablement, l'un des plus beaux finales d'opéra que nous connaissions - avec Alcina, Fidelio, Tancrède (version de Ferrare), Guillaume Tell, Carmen, Tristan & Isolde, La Dame de Pique, Daphne, Wozzeck, Le Nain, Dialogue des Carmélites, Saint François d'Assise... et quelques autres !...
Que vous soit proposée en partage l'une de ses interprétations les plus magiques, due à Anna Netrebko (Giulietta) et Joyce DiDonato (Romeo), magnifiquement serties sur le plateau sans scorie de Robert Carsen - une production très aboutie de l'Opéra Bastille de Paris, ici lors de la reprise, aux accents remarquablement enamourés, de 2008.
"Vivi, ah ! vivi, e vien talora sul mio sasso a lagrimar".
Au cimetière du Père Lachaise, à Paris (tombe vide)
(1) Maria Malibran (1808-1836, sœur aînée de Pauline Viardot [1821-1910] - "La" Malibran dont la commémoration tous azimuts et quelque peu mythomane fut un des effets de mode les plus remarquables de ces dernières années) n'aimait pas ce finale, estimant qu'il ne la mettait pas suffisamment en valeur. Elle prit donc le pli de lui substituer par principe celui de l'opéra Giulietta e Romeo de Vaccaj (1790-1848),qu'il suffit d'entendre pour se rendre compte que son métier très remarquable, demeure, à notre humble avis, ô combien en-deçà du génie de Bellini. Roberto Abbado a magnifiquement enregistré cette alternative, en complément de sa version d'I Capuleti, chez RCA avec Veselina Kasarova et Eva Mei.
Merci pour cet aimable commentaire, cher Christian : non seulement je pense que Bellini méritait ce petit souvenir, mais je ne fais là, de manière minimaliste, que mon métier de passeur... Et, ma foi, du passeur au pasteur... :) Bien à toi ! Jacques
Merci pour ce très intéressant article.
RépondreSupprimerChristian Peter
Merci pour cet aimable commentaire, cher Christian : non seulement je pense que Bellini méritait ce petit souvenir, mais je ne fais là, de manière minimaliste, que mon métier de passeur... Et, ma foi, du passeur au pasteur... :)
SupprimerBien à toi ! Jacques