lundi 19 novembre 2012

❛Concert❜ Gossec, redécouverte de Thésée à l'Opéra de Versailles • "Enquinauderie" de haut vol pour Guy Van Waas, Les Agremens & le Chœur de Namur.

Le Chœur de Chambre de Namur, les solistes et les Agrémens lors des saluts, © Jacques Duffourg
Un travail perlé de bout en bout, où strictement rien n'est laissé au hasard, c'est l'impression - la certitude ! - qui ressort de ce Thésée (1782) de François-Joseph Gossec (1734-1829), re-créé à l'Opéra Royal de Versailles (après la Salle Philharmonique de Liège) ce 13 novembre 2012, par les bons soins de Guy Van Waas, associant les forces conjointes des Agremens et du Chœur de Chambre de Namur.

Cette belle réussite trouve sa logique dans le souhait du Palazzetto Bru Zane - Centre de Musique Romantique Française, de ramener à la vie ce qu'il est convenu d'appeler, avec un soupçon d'affectueuses dérision, des "enquinauderies" - c'est à dire, des ouvrages lyriques nés d'un goût prononcé de la fin du XVIII° siècle envers les tragédies lyriques écrites par Philippe Quinault pour l'usage de Jean-Baptiste Lully... et du Roi Soleil. Une volonté artistique mais aussi politique, assurément, au profit d'une royauté en mal de prestige et de rayonnement européen. C'est ainsi, qu'après une reconstitution intéressante de l'Amadis de Jean-Chrétien Bach la saison dernière (notre chronique de la représentation de l'Opéra Comique), se sont succédé à Versailles la résurrection d'un Piccinni (Atys, en partition réduite, avec le Cercle de l'Harmonie) et la remise à l'honneur d'un Sacchini (Renaud, avec les Talens Lyriques).

Remarquable Thésée, d'un compositeur a priori peu estimé pour sa production lyrique ! D'abord et avant tout, par sa partie chorale, absolument pléthorique, d'une grande efficacité dramatique. Elle se voit habitée, avec la classe qu'on lui connaît, par le Chœur de Chambre de Namur  au meilleur de sa forme... Phénoménal de précision, de réactivité dynamique, de gradation dans les nuances, de puissance ; de diction française, enfin. Pas moins magnifiques sont la ductilité, la netteté parfois tranchante et, à l'occasion, la sombre péroraison des Agremens de Guy Van Waas. La phalange d'outre-Quiévrain et son chef savent s'en tenir - malgré la pompe un peu boursouflée qui guette des scènes de genre,  comme le finale du I - à la déclamation tragique cursive, rapide, sans alanguissements inutiles, de cette pièce ramenée à quatre actes (et dépourvue de prologue).

Identiques félicitations, sans hésiter, aux quatre principaux solistes. Virginie Pochon convainc en Églé manipulable, quoique fière et aimante ; le timbre est plaisant, cependant c'est surtout la qualité déclamatoire et la vérité des affects qui saisissent. Tassis Christoyannis, efficace clef de fa déjà remarquée dans l'Andromaque de Grétry, campe un Égée aristocratique, déterminé, dont les certitudes régaliennes cèdent toutefois, de manière crédible, aux doutes induits par la jalouse et maléfique Médée.

La ligne redoutable de la magicienne de Colchide est endossée par Jennifer Borghi, dont l'aplomb et la puissance gagnent à mesure qu'avance l'action ; ce qui nous vaut, au III, une scène d'imprécations, avec chœur, de grand lignage : la protagoniste sait se souvenir qu'elle est, aussi, une princesse. Ceci nous remet d'ailleurs immédiatement dans l'oreille le rôle éponyme - de près d'un siècle antérieur - conçu par Marc-Antoine Charpentier. L'air du IV du présent Gossec figurait, du reste, dans le splendide recueil "Tragédiennes III"  (notre chronique du disque et celle du récital) offert par Véronique Gens & les Talens Lyriques, voici tout juste un an.

Frédéric Antoun encore, fringant ténor canadien ayant chanté voici peu Grétry (l'Amant jaloux) sur cette même scène, s'affirme comme le Thésée d'abord conquérant, puis broyé par les maléfices de la jalousie, que nous sommes en droit d'attendre. Les affres de son personnage lui permettent d'offrir des inflexions à la fois poignantes et claires, voire éclatantes - en digne défenseur et illustrateur de la typologie de haute-contre à la française, dont son rôle est, bien entendu, la perpétuation. Les parties plus modestes, confiées pour certaines d'entre elles à des membres du Chœur de Namur (telle Caroline Weynants que nous connaissons bien avec Alarcón) s'avèrent tout aussi impeccables.

Cette soirée de haute tenue - aboutissement d'un labeur philologique et musical sans concession - va, sans doute aucun, au-delà du "simple" intérêt qui s'attache, par nature, aux redécouvertes historiquement informées. À plus forte raison lorsqu'elles sont thématiques, en l'occurrence autour de la postérité de Quinault. Dûment enregistré à la Salle Philharmonique de Liège, le disque, nous nous en réjouissons, est annoncé à suivre.

Le chef Guy Van Waas, © Jacques Verrees
 J. D.

 Opéra Royal de Versailles, 13 XI 2012 : recréation, en version de concert,
de la tragédie lyrique de François-Joseph Gossec, Thésée (1782), sur le livret de Philippe Quinault
pour Jean-Baptiste Lully, adapté par Étienne Morel de Chédeville.

 Tassis Christoyannis, Frédéric Antoun, Virginie Pochon, Jennifer Borghi, Katia Velletaz, Mélodie Ruvio,  Caroline Weynants, Aurélie Franck, Bénédicte Fadeux, Renaud Tripathi, Thibault Lenaerts, Philippe Favette.

 Chœur de Chambre de Namur, Les Agremens. Direction musicale : Guy Van Waas.


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